De quels moyens disposons-nous pour lutter contre l'alcoolisme chez les jeunes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de jeunes sont hospitalisés à cause de l'ivresse.
De plus en plus de jeunes sont hospitalisés à cause de l'ivresse.
©Reuters

Drunk !

Selon un rapport de la Société française d'alcoologie, de plus en plus de personnes sont hospitalisées à cause de l'ivresse. Les jeunes sont très représentés.

Marie Choquet

Marie Choquet

Marie Choquet est épidémiologiste et directeur de recherche honoraire à l'Inserm.

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Atlantico : Selon un rapport de la Société française d’alcoologie dévoilé par Europe 1, le taux d’hospitalisation dû à l’alcoolisme a augmenté de 30% en trois ans. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à être admis à l’hôpital dans un état d’alcoolémie avancé. Assiste-t-on à une explosion du phénomène ? Comment l'expliquer ?

Marie Choquet : Plus les gens sont conscients qu’il y a un problème, plus ils consultent. Le nombre d’hospitalisation n’est donc pas nécessairement un indicateur pour déceler une augmentation de l’alcoolisme, notamment chez les jeunes. Cela peut tout aussi – et c’est la théorie que je privilégie – venir d’une responsabilisation des personnes en état d’ébriété avancé qui se dirigent d’eux-mêmes, voire grâce à leurs parents ou leurs amis, vers les centres hospitaliers afin de recevoir des soins adaptés. Les gens prennent conscience de l’utilité d’une prise en charge. Néanmoins, une hausse est possible. Simplement, les 30% en trois ans donnés par le rapport ne sont pas seulement imputables à l’augmentation du nombre de personnes alcooliques. Il y a une vingtaine d’années, quand quelqu’un était en état d’ébriété, on attendait que le malaise passe. Donc de ce point de vue, nous ne pouvons que nous réjouir de voir que la prise de conscience est réelle à ce stade.

Il y a certes une augmentation du nombre de jeunes qui boivent, et des quantités de plus en plus importantes d’alcool, mais elle reste extrêmement minime puisque de l’ordre de 1% environ chez les jeunes de 15-20 ans. C’est l’un des éléments nouveaux d’ailleurs : il y a encore quelques années, ce phénomène touchait les 20-25 ans. On peut l’expliquer par la précocité des jeunes d’aujourd’hui, sensibilisés aux tracas du quotidien, de la société, comme les adultes. Fini le temps de l’insouciance jusqu’à la majorité au moins ! Déjà à 12 ans, alors qu’ils entrent dans la préadolescence, les enfants se sentent très concernés et sont très intéressés par les questions de société.

Nouveau phénomène aussi, la différence de consommation entre filles et garçons. Autrefois, les demoiselles étaient en quelque sorte les modérateurs de la consommation des garçons, parce que les filles ne trouvaient pas cela élégant. Désormais, le modèle qui prend le dessus est la consommation "à la masculine". Il faut faire comprendre aux jeunes filles qu’il y a d’autres moyens que l’alcool et l’ivresse pour plaire aux garçons !

Les parents ont-ils une part de responsabilité dans l’emprise alcoolique de plus en plus fréquente de leurs enfants ? Dans quelle mesure ?

L’alcool est un produit bien français, consommé avec ou sans modération dans un certain nombre de circonstances adultes. On pointe du doigt les enfants mais les parents ont bien évidemment une grande part de responsabilité dans la consommation de leurs enfants. Je pense qu’ils s’en déchargent et que l’heure est à la prise de conscience. Qu’ils laissent des adolescents seuls à la maison pendant qu’ils profitent d’un week-end en amoureux n’est pas moderne ni "cool", c’est irresponsable.  Ils vont être tentés d’imiter leurs parents et les adultes en général. L’alcoolisation excessive, davantage présente en province, est vécue comme un jeu. "Oui, c’est vrai, ça arrive mais cela n’est pas grave". Il y a une banalisation de la consommation d’alcool alors que ces mêmes parents sont scandalisés par la consommation de substances illicites telles que la cocaïne. Et pourtant il faut savoir que les deux vont souvent de pair !

Les parents devraient simplement proposer des jeux qui correspondent à l’âge de leur enfant. Une façon de s’amuser sans produit, quels qu’ils soient. Car les enfants n’imaginent plus qu’il soit possible de s’amuser autrement qu’alcoolisés…

De quels moyens disposons-nous pour lutter contre l’alcool chez les jeunes ? Comment les améliorer ?

L’élément essentiel dans ce type de comportements inquiétants, c’est l’exemplarité. Celle des adultes dans leur ensemble. On le montre en matière d’alimentation, de sécurité routière, de mode de vie même, mais pas en matière de consommation d’alcool. Il ne faut pas s’étonner de voir apparaître une tendance chez les jeunes. Il faut absolument communiquer avec eux sur le sujet, à partir de 12 ou 13 ans, à l’âge où la socialisation commence véritablement.

Aussi, pour rassurer les parents, on ne devient alcoolique qu’après une vingtaine d’années de consommation excessive. C’est ce qui rend le problème plus complexe puisque l’on aurait une réponse médicale à leur donner. A l’adolescence, ce sont des dépressions plus passagères mais qui ne débouchent pas nécessairement sur un alcoolisme.

Ce qu’il faut travailler, c’est l’écoute.

Au-delà de la sphère familiale, qui doit être mobilisé ?

L’école intervient en second degré après les parents, en tant que communauté adulte. Une fois la notion d’exemplarité au sein de la famille, il faut essayer de comprendre pourquoi l’adolescent ne cesse pas de consommer de manière excessive. Certains vont boire comme leurs proches, dans un cadre festif, d’autres pour oublier les problèmes, le stress scolaire, l’ennui, etc. Un jeune n’entend de nos jours que des discours parsemés de pressions : il faut travailler bien et beaucoup, être en tête de classe, penser à l’avenir plutôt qu’aux sorties avec les copains.

Un jeune qui boit une bouteille d’alcool tous les week-ends pour faire abstraction des disputes permanentes et de la violence de ses parents, aura du mal à en discuter à l’école où l’on dit plus ce qu’il ne faut pas faire que ce qu’il faut faire… Les médecins doivent agir, faire parler leurs patients.

Il faut que les adultes dans leur ensemble se posent les bonnes questions. Il est hors de propos de confier ces adolescents aux mains de psychiatres qui n’ont pas la solution. Il a tendance à faire peur aux jeunes qui vont se sentir différents, presque marginalisés. Cela dit, l’avis d’un tiers peut se révéler essentiel. J’entends par là que, malgré toute la bonne volonté de certains parents, les adolescents éprouvent des difficultés à extérioriser leur mal-être en famille. L’idée est de faire intervenir un professeur qui engage l’échange sincèrement. Infirmières et assistantes sociales ont pour mission d’encadrer ce genre de dérives et des compétences d’écoute que n’ont pas toujours les parents.

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