De l’arsenic dans le vin américain : pourquoi il vaut mieux être un peu chauvin quand on débouche un bon cru<!-- --> | Atlantico.fr
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98% des vins rouges en provenance de Californie, de Washington, de l'Oregon et de New-York sont contaminés à l'arsenic.
98% des vins rouges en provenance de Californie, de Washington, de l'Oregon et de New-York sont contaminés à l'arsenic.
©Reuters

American way of drinking

En dépit du scandale de l'année passée, le vin en provenance des Etats-Unis contient toujours un certain nombre de toxines dangereuses pour la santé. Parmi celles-ci, on trouve notamment de l'arsenic, spécifiquement dans les bouteilles qui arrivent tout droit depuis la Californie, Washington, New York ou l'Oregon.

Fabrizio Bucella

Fabrizio Bucella chronique la science et le vin. Docteur en physique et professeur des universités à l'université libre de Bruxelles, il tient une chronique pour Le Point "Le prof en liberté". Chaque semaine, on le retrouve dans le poste de radio et télévision belge de service public (RTBF). Sur les réseaux sociaux, il publie quotidiennement une vidéo ludique sur le vin et la science. Ses comptes sont suivis par plus de 200 000 abonnés.

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Atlantico : En dépit du scandale similaire qui éclatait déjà l'an passé, le vignoble américain est à nouveau exposé à des analyses dérangeantes : d'après une étude rapportée par la presse anglo-saxonne, 98% des vins rouges en provenance de Californie, de Washington, de l'Oregon et de New-York sont contaminés à l'arsenic. Fondamentalement, n'est-ce pas la preuve que côté vin, mieux vaut rester Français ?

Fabrizio Bucella : Ce que l’étude a montré, c’est que soixante-cinq échantillons de vins provenant des quatre plus grands états producteurs (Californie, Washington, New-York et Oregon) avaient des niveaux d’arsenic supérieurs à la moyenne autorisée pour l’eau potable. C’est bien entendu un signal d’alerte qu’il ne faut pas prendre à la légère. Les auteurs de l’étude ont cependant précisé que, s’il s’agissait de la seule source d’arsenic dans le régime alimentaire, les dangers pour la santé étaient limités.

L’arsenic, une sorte de métal ou semi-métal, se trouve à l’état naturel dans les roches et minerais. Lorsqu’elles sont érodées par l’eau ou le vent, un peu de cet élément peut passer dans les plantes. Le métal toxique (rappelons qu’à forte concentration l’arsenic est mortel) s’accumule dans la peau des raisins. Les échantillons de vin rouge analysés contiennent donc plus d’arsenic que ceux de vin blanc, car le pressurage préalable à la fermentation de ces derniers enlève la peau du processus d’élaboration.

Comment peut-on expliquer une telle découverte dans les vins américains ? Les différents organismes de contrôle aux Etats-Unis sont-ils moins efficaces qu'en France ?

Les auteurs de l’étude expliquent que les taux supérieurs trouvés au Etats-Unis sont dus à une différence de substrat géologique entre les vignobles européens et états-uniens. Si l’on détecte des taux supérieurs à la norme, cela signifie-t-il que le système de contrôle fonctionne ou bien qu’il dysfonctionne ? Ce n’est pas pour le plaisir de retourner la question, mais c’est plutôt rassurant de voir des études réalisées et les résultats publiés.

Qu'en est-il au niveau Européen ? Au fond, sommes-nous vraiment à l'abri d'un scandale de la sorte ?

Il y a énormément de valeur ajoutée dans le vin, c’est peut-être le produit agricole qui a une des plus grandes valeurs ajoutées. La tentation a toujours existé pour des malhonnêtes d’augmenter les profits au détriment de la santé publique.

Le vignoble européen a été touché par des scandales bien plus importants qu’un taux d’arsenic supérieur à la moyenne (rappelons que pour cette histoire d’arsenic, il ne s’agit pas d’une manipulation humaine, le métal s’est retrouvé naturellement en grande concentration dans la peau des raisins).

Parmi les scandales européens de belle ampleur on peut citer : fraude des vins italiens au méthanol (une vingtaine de morts tout de même en Italie dans les années quatre-vingt), fraude des vins autrichiens à l’antigel, fraude de vins français par adjonction de sucre (beaujolais) ou de vins d’autres régions (Midi) … Tout récemment, c’est une maison de négoce historique de la Bourgogne, Labouré-Roi, qui a été condamnée pour fraude à la coupe et tromperie sur l’étiquetage, même si dans ce dernier cas la santé publique n’était pas en jeu.

Faut-il s'attendre à ce qu'un tel scandale impacte le marché mondial du vin ?

Je ne le pense vraiment pas. Peut-être fera-t-on plus attention et des contrôles systématiques seront mis en place, à l’instar de ce qui se fait pour l’eau potable.

Par contre, je suis plus inquiet quand des études très récentes (2013) ont montré qu’il y avait trois cent fois plus de résidus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable. Cela entache la réputation de la filière et cela ne restera pas sans conséquence. La tentation est grande de vouloir obliger les vignerons à indiquer l’ensemble des produits œnologique utilisés pour la fabrication du vin. C’est en débat au Parlement Européen.

Le législateur européen veut augmenter l’information donnée au consommateur, les calories contenues dans le vin risquent un jour de se retrouver indiquées sur les bouteilles, peut-être pas d’une manière précise mais un ordre de grandeur sera donné. Dernièrement, le député européen Marc Tarabella (PSE, Belgique) a fait une proposition innovante afin d’indiquer l’ajout de levures et la teneur en sulfites pour les vins biologiques. Ce processus de meilleure information et d’étiquetage touche tous les produits alimentaires et le vin ne pourra faire encore longtemps figure d’exception.

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