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De Charlie Hebdo à la bibliothèque de Mossoul : on est loin d'en avoir fini avec la grande tradition liberticide des autodafés
©Reuters / Ahmed Jadallah

Editorial

Parmi ses multiples exactions, l'Etat islamique a brûlé environ 2 000 livres à Mossoul, en Irak, au cours du mois de janvier. Une pratique souvent utilisée à travers les âges, mais qui est l'apanage des extrémistes musulmans depuis une vingtaine d'années.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Ce ne sont pas seulement deux mille livres, mais surtout sept mille ans d’histoire que les islamistes de Daech viennent de faire partir en fumée. L’agence Associated Press a en effet révélé le week-end dernier que les intégristes de l’Etat islamique ont pillé la bibliothèque centrale de Mossoul, dans le nord de l’Irak. Les habitants de la ville racontent comment les hommes de l’Etat islamique ont chargé à bord de camions,pour ensuite les brûler, tous les ouvrages qui appelaient "à la désobéissance à Dieu". En gros, tous les livres qui ne traitaient pas de l’islam : les bouquins pour enfants, les recueils de poésie, les ouvrages de philosophie, de santé et de sciences. Des cartes ottomanes et des collections privées offertes par les vieilles familles de Mossoul ont également été détruites pour "assainir" les fonds documentaires de la bibliothèque.

Les islamistes se sont ensuite attaqués à la bibliothèque du musée de Mossoul et ont mis le feu à des œuvres et des documents datant de 5000 ans avant JC. Le mois dernier, c’étaient les archives de la bibliothèque sunnite, de l’Eglise latine et du monastère dominicain de la ville qui, déjà,avaient été incendiées de la même manière.

En quelques jours, un patrimoine vieux de centaines de siècles a disparu. La méthode n’a rien de nouveau. A la Renaissance, elle fut utilisée à plusieurs reprises au nom du catholicisme : Savonarole brûlant les œuvres de Botticelli dans son bûcher aux vanités à Florence, Isabelle la catholique ordonnant la destruction de livres en arabe lors de la reconquête de l’Andalousie ou le moine franciscain Diego de Landa, fanatique faisant incendier au Mexique tous les ouvrages en langue maya, au nom de la lutte contre l’idolâtrie (ça ne vous rappelle  rien ?).

Au XXème siècle, les nazis ont détruits au début des années 30 des dizaines de milliers de livres parce qu’écrits par des auteurs juifs, homosexuels, pacifistes…

A la fin des années 90, les Talibans incendient plus de 50.000 livres dans les plus grandes bibliothèques d’Afghanistan, juste avant de détruirent les Bouddhas géants de Bamiyan. Il y a deux ans, ce sont les islamistes d’Al-Qaida-au-Maghreb-Islamique et de la rébellion touareg d’Ansar Dine qui ont mis le feu à quelques-uns des manuscrits de la bibliothèque de Tombouctou au Mali. Cette fois-ci, Daech en Irak.

Cette très rapide - et donc forcément incomplète - histoire de l’autodafé montre que la bêtise criminelle est assez universelle et qu’elle a la peau dure. Mais aussi que brûler des bibliothèques, des musées et des œuvres d’art est devenu ces vingt dernières une spécialité quasi-exclusive des islamistes radicaux.

Télescopage de l’actualité,  je ne peux m’empêcher de me souvenir de cette chanson interprétée il y a 18 mois par un collectifs de rappeurs français dans laquelle les chanteurs réclamaient "un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo" (edito du 26 novembre 2013). 

Plusieurs des musiciens se sont depuis confondus en excuses, après l’attentat contre l’équipe de Charlie Hebdo.

Il n’est donc pas très utile de rappeler aux auteurs et interprètes de ce morceau toute la bêtise et toute la violence qu’ils y ont mises. Par contre, ce serait manquer de respect aux artistes engagés qu’ils prétendent être que de ne pas leur demander de s’exprimer une nouvelle fois sur les autodafés et sur la liberté d’expression, à la lumière de ce qui vient de se passer à Paris et à Mossoul. On attend avec impatience leur prochain morceau…

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