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Bruno Le Maire a annoncé sa volonté de réduire de 0.5% par an les dépenses de fonctionnement des collectivités.
Bruno Le Maire a annoncé sa volonté de réduire de 0.5% par an les dépenses de fonctionnement des collectivités.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Tribune

David Lisnard, président de l’AMF, maire de Cannes, et Sébastien Populaire, maire de Touillon-et-Loutelet appellent dans les colonnes d'Atlantico à ce que le gouvernement cesse de prendre les collectivités locales pour des incapables.

David Lisnard

David Lisnard

David Lisnard est Président de l’AMF, Maire (LR) de Cannes et Président de Nouvelle énergie.

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Sébastien  Populaire

Sébastien Populaire

Sébastien Populaire est Maire de Touillon-et-Loutelet dans le Doubs et membre de Nouvelle énergie.

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Dans son courrier de campagne électorale du 28 mars 2022, le président-candidat Emmanuel Macron s’adressait aux maires en ces termes : « Si les Français me font confiance, j’aurai besoin de vous pour le mettre en œuvre. “Avecvous”, ce n’est pas simplement un slogan. C’est une méthode démocratique nouvelle pour élaborer des solutions au plus près du terrain, avec ceux qui font ».

Le 6 juillet 2022, dans sa déclaration de politique générale, Elisabeth Borne affirmait son intention d’associer d’avantage les élus locaux aux réflexions et aux décisions de son Gouvernement via un nouvel « agenda territorial ».

Le 7 juillet, Christophe Béchu, lors d’un déplacement à Pantin, en Seine-Saint-Denis, déclarait : « Il va de soi que l’idée de penser que l’on va faire dans ce quinquennat la même chose que ce que l’on a fait dans le précédent, avec un contrat de Cahors, des objectifs, etc., n’existe pas. Je le dis de manière très claire ».  

Ces déclarations laissaient augurer des relations plus apaisées entre le Gouvernement et les collectivités locales, une confiance essentielle pour la mise en œuvre de politiques publiques efficaces.

Le 21 juillet, à rebours de ces bonnes intentions, Bruno Le Maire, dans sa présentation du pacte de stabilité qu’il adressera à l’Union Européenne, a annoncé sa volonté de réduire de 0.5% par an les dépenses de fonctionnement des collectivités.

Cette annonce, en contradiction avec les déclarations ci-dessus, est difficilement compréhensible à plus d’un titre.

Pour rappel, les collectivités locales, qui assurent 70 % du total de l'investissement public, doivent voter des budgets en équilibre et n'empruntent que pour investir, contrairement à l’Etat : leurs dépenses ne pèsent donc pas dans les comptes de la nation. Mieux, elles apportent chaque année un excédent budgétaire. 

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Il est par ailleurs assez incompréhensible de pointer du doigt les collectivités locales qui ne représentent que 8 % de la dette publique, et qui ne sont pas responsables du « quoi qu’il en coûte » dont le niveau de dépense menace la soutenabilité de notre dette. 

Les modalités de mise en œuvre de cette mesure sont également incertaines. Augure-t-elle d’une diminution en euros constants (en tenant compte de l’inflation) des dotations – en fait ce que doit l’Etat aux collectivités - de l'Etat aux collectivités, par une baisse de la DGF ? D’une moindre compensation de la taxe d’habitation ? Tels des mauvais élèves, comment seraient sanctionnées les collectivités locales qui ne respecteraient pas cette règle de tutelle ?

Si cette annonce se confirmait dans les faits, et au vu de l’augmentation actuelle des coûts auxquels doivent faire face les collectivités (prix des énergies, augmentation (légitime) des traitements des agents des collectivités, etc.), celles-ci n’auraient d’autres choix que de diminuer des services pourtant essentiels fournis aux habitants (tels que le fonctionnement des écoles, l’entretien des routes ou encore l’assainissement) - qui, in fine, pèseront sur le pouvoir d’achat notamment des populations les plus fragiles - de réduire les investissements ou d’augmenter les impôts.

Le 23 juillet, en réponse aux associations d’élus locaux qui s’interrogeaient sur cette dernière annonce, Christophe Béchu a déclaré « qu’il n’y aura pas de baisse de dotations des collectivités » et a évoqué « une modération des dépenses de fonctionnement pour qu'elles augmentent en moyenne annuelle de 0,5% de moins que leur tendance naturelle ».

Chassez le naturel, il revient au galop ! Comme sous le mandat précédent, avec le dispositif dit de Cahors, le Gouvernement prend les collectivités locales pour des incapables. 

Les dépenses des collectivités sont pourtant indispensables pour assurer les services publics locaux et réaliser les investissements attendus par la population, et certaines dépenses produisent même des recettes supérieures. Doit-on se priver d’une exposition culturelle pour laquelle des entrées importantes sont assurées ?

Cette mesure constitue par ailleurs une atteinte au principe de libre-administration des collectivités. Doit-on s’empêcher de passer en marché la gestion de la cantine scolaire précédemment en délégation de service public (le tarif payé par les parents ne vient pas comptablement en déduction du prix acquitté au prestataire) ? 

Et que signifie « tendance naturelle » ? Les transferts de charges sans compensation comme en matière de sécurité auxquels l’Etat nous a habitués, est-ce naturel ? La revalorisation des traitements dans la fonction publique décidée à l’échelon national, l’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt, est-ce une tendance naturelle ? 

Force est de constater qu’au vu des communications ministérielles citées ci-dessus, les collectivités locales, quelle que soit leur taille, sont aujourd’hui dans l’incertitude quant au devenir de leurs finances. Cette incertitude est d'autant plus préjudiciable aux collectivités qu'elle s'ajoute à celles de la conjoncture, marquée par l'inflation, dont l'évolution menace leur équilibre financier.

Nous sommes deux maires parmi tous les maires de France, en contact quotidien avec nos habitants, qui écoutons leurs besoins et tâchons d’y répondre en trouvant des solutions au plus près de la réalité de nos communes.

Pour répondre à leurs attentes, nous avons besoin de visibilité et de stabilité des capacités financières de nos communes et intercommunalités. 

C'est pourquoi le Gouvernement doit revenir sur cette nouvelle contrainte imposée aux collectivités. A l'inverse, pour préserver la continuité des services publics et les investissements locaux, il faut qu'il permette aux recettes de suivre la même dynamique que les dépenses, en indexant la DGF sur l'inflation, comme c'était le cas jusqu'en 2010.

Enfin, face à l'augmentation des prix de l'énergie en particulier, il doit permettre aux collectivités de bénéficier des mêmes dispositifs que les entreprises.

Les maires ne demandent pas l’aumône mais simplement la liberté d’agir, avec pour seuls juges les électeurs à travers leurs suffrages. Démocratie, liberté locale, responsabilité devant les électeurs sont indispensables pour assurer l'efficacité des politiques publiques et surtout le renouveau civique que nous appelons de nos vœux.

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