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Dans les écrits gnostiques, Marie Madeleine est présentée comme la compagne de Jésus
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Bonnes feuilles

Par son rejet radical du monde réel ou sa volonté d'émanciper l'esprit des contraintes de la condition charnelle, le mode de pensée gnostique imprègne à bien des égards la culture contemporaine. Sur un sujet complexe et controversé, l'auteur présente, dans une perspective historique, une synthèse claire, vivante et équilibrée. "Gnose et gnostiques" de Roland Hureaux aux éditions Desclée de Brouwer 2/2

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Marie Madeleine initiée

Marie Madeleine apparaît sous le nom de Marie tout court ou de Myriam dans plusieurs écrits, dont l’évangile qui porte son nom, l’Évangile de Marie. L’attribution de ce texte n’a, est-il nécessaire de le dire, aucun fondement historique. En dehors des évangiles, le Nouveau Testament et les écrits de la période apostolique ne nous disent rien d’elle. Les écrits gnostiques qui en parlent sont trop tardifs pour avoir une quelconque authenticité.

Marie apparaît dans ces écrits, auprès du Christ, comme un personnage de premier rang (ce qu’elle est aussi dans les Évangiles), à l’égal des apôtres et même plus : plusieurs écrits apocryphes disent que Jésus est accompagné de douze apôtres et de sept femmes, le chef des apôtres est Pierre, et le chef des femmes Marie Madeleine et entre les deux, une certaine concurrence semble exister (c'est aussi le cas dans des évangiles, qui ne précisent cependant pas qu'il y avait sept femmes autour du Christ).

Marie Madeleine est présentée comme la compagne (koinonos) de Jésus. Une expression imprécise : l’idée d’une proximité charnelle ne ressort pas avec évidence de la littérature gnostique : « En vérité, Marie, tu es bienheureuse entre toutes les femmes de la terre parce que tu seras le plérôme des Plérômes et la perfection de toutes les perfections. …En vérité tu es pneumatique et pure, Marie » (Pistis Sophia). On trouve cependant dans les éditions les plus communes de l’Évangile selon Philippe, que « Le Seigneur aimait Marie plus que tous les disciples. Il l’embrassait souvent (sur la bouche). Les autres disciples le virent aimant Marie et lui dirent : Pourquoi l'aimes-tu plus que nous ? Le Sauveur répondit : Comment se fait-il que je ne vous aime pas autant qu’elle ? » Dans ce texte souvent cité, « sur la bouche », il faut le préciser, est une extrapolation à partir d’un document endommagé et se réfère au baiser rituel que pratiquaient les gnostiques entre eux. Plus explicite semble, dans l'Évangile selon Thomas, l’allusion à une relation intime entre Jésus et Salomé, une des « saintes femmes » mentionnées dans le Nouveau Testament, parfois identifiée à la fille d'Hérodiade convertie. Dernière référence : Épiphane de Salamine signale avec indignation l’existence d’un ouvrage disparu, de type ophite, les Questions de Marie, où des relations charnelles de Jésus et Marie Madeleine seraient évoquées. C'est tout et, on le voit, c'est bien peu. On devait retrouver, selon certaines sources, la même allusion à Marie Madeleine, concubine du Christ, chez les cathares, avatar moyenâgeux de la gnose que nous évoquerons plus loin.

Quoique fugace, l’idée que Jésus ait pu avoir une relation charnelle peut être rapportée à deux logiques gnostiques : la première serait que, grand initié, contempteur de la loi des scribes et des pharisiens, il se situait au-dessus de la morale ordinaire, l'autre, le souci d'avoir à tous les niveaux, y compris au sien, une syzygie. Mais ne nous y trompons pas, l’importance de Marie au regard de la gnose vient surtout de ce qu'elle est assimilée à la soeur de Marthe laquelle, selon saint Luc (11, 38-42), aurait eu des entretiens particuliers avec Jésus : on suppose donc qu’elle aurait bénéficié d’un enseignement secret, ce dont la gnose est friande.

Parmi les gnostiques, Marcion se distingue assez nettement. Même si l’on trouve chez lui aussi, à différents degrés, la plupart des traits que nous venons d’énumérer, son discours est beaucoup plus net. D’abord par son refus (en tous les cas son silence) des théogonies complexes ; la sienne s’inscrit dans le dualisme : le Dieu de la Loi, celui de l’Ancien Testament, contre le Dieu d’amour, celui du Nouveau Testament. De ce fait, sa rupture avec l'Ancien Testament, déjà tenu en suspicion par les autres gnostiques, est'plus radicale : tout ce qui, de près ou de loin, peut s'y rapporter est amputé, ce qui ne va pas sans quelques contorsions s'agissant des évangiles qui, par leur enracinement juif, se prêtent mal à cet exercice.

Radicale est aussi sa morale fondée sur la suprématie de l’esprit et la négation de la chair, qui débouche sur un encratisme plus cohérent que les autres. Il ne fait aucune concession relative au mariage. Malgré son mépris de la Loi, il ne semble pas que lui ou ses disciples aient toléré les conduites transgressives.

Cette position particulière a conduit Harnack à ne pas le considérer comme un vrai gnostique. Irénée le situe pourtant dans la continuation de Simon. Malgré ses arêtes plus nettes, le marcionisme demeure dans le courant général de la gnose. Il apparaît même comme le sommet de la gnose gréco-romaine.

Extrait du livre "Gnose et gnostiques, des origines à nos jours", de Roland Hureaux, publié aux éditions Desclée de Brouwer, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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