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Dans l’attente de la crise, ambiance électrique sur le salon automobile de Francfort
©DANIEL ROLAND / AFP

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Personne n’en doute. L’industrie mondiale ne dissimule plus les menaces qui pèsent sur son avenir. Francfort, le salon emblématique de « la voiture automobile » sera ouvert demain par Angela Merkel dans un climat complètement plombé.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les constructeurs allemands ont choisi de mettre l’accent sur les changements apportés par l‘électrique. Ca fait mode et chic. Ils affirment tous que la voiture de Monsieur tout le monde ne va pas coûter plus cher que les voitures classiques à moteur thermique, mais personne ne les croit .

Ils lancent en tête de gondole les plus luxueux de leurs modèles, comme Porsche ou BMW pour affronter les provocations de Tesla sur les marchés haut de gamme, mais les amoureux de très belles voitures ne les entendent pas de cette oreille. Et pour cause, s’ils aiment les Porsche, c’est aussi pour le bruit unique au monde que font les moteurs. Tesla peut toujours rouler mais pas avec des esthètes de la voiture. 

Le salon 2019 de Francfort est sans doute le dernier avant la crise dont personne n’est capable de dire de quel type de modèle et surtout d’industrie cette crise qui s’annonce va accoucher, mais tout le monde est convaincu que les changements ou les dégâts seront sévères. Entre la conjoncture liée aux effets de cycle, les facéties du client, les modes, la peur du réchauffement climatique ou des embouteillages et la révolution digitale, les experts sont enfin d’accord pour reconnaître que l’horizon est bouché. 

Passons sur le fait que ce salon sera inauguré par une chancelière, Angela Merkel, très fragilisée, en fin de mandat et qui fera donc ses adieux à cette industrie. Pas de quoi faire la fête.  

La perspective de crise a découragé beaucoup de constructeurs qui, n’ayant pas le moral, ont annulé leur présence. Et pas des plus marginaux. Fiat-Chrysler n’est pas venu, General- Motors, Toyota, Renault-Nissan, Peugeot, Citroën, Volvo , Tesla .. Et même Rolls Royce ou Bentley qui appartiennent pourtant à des Allemands se sont fait porter pâle. Personne n’a de temps, ni d’argent à perdre. 

« Francfort cette année, il n’y a que des coups à prendre » dit l’un d’eux. 

Des coups, les constructeurs présents et leurs visiteurs risquent même d’en prendre aux alentours du salon. Les militants écologistes, les membres d’Attac, les ONG comme Greenpeace se sont donnes rendez vous ce week end pour protester contre ce qu’ils appellent le symbole et les outils du vieux capitalisme mondialisé. Ce sont les mêmes qui vont à Davos en janvier, qui  continuent de perturber chaque année les G7 ou les G20 et qui s’étaient aussi mêlés aux gilets jaunes à Paris. Les mêmes qui se laissent infiltrer par les casseurs européens. Bref, ca peut chauffer. D’autant qu’on est à deux pas de la banque centrale européenne. 

C’est la première fois que les constructeurs automobiles sont pris pour cible par des groupes d’action politique extrémiste. Mais c’est aussi la première fois qu’ils se retrouvent confrontés à une situation qui a perdu le sens de l’équilibre. 

La crise qui s’annonce avait été dessinée il y a quelques mois par les experts du cabinet Alix Partner, indépendamment des effets internationaux. Mais bien peu d’acteurs industriels ou financiers ne les avaient pris au sérieux. Depuis les risques de guerre commerciale, les tweets de Donald Trump ou les orages du Brexit, les incertitudes sur le prix du pétrole et la certitude d’un réchauffement climatique qui mobilise les jeunes générations, tous ces évènements n’ont fait que préciser et crédibiliser les risques de crise. 

En fait, le secteur sait qu‘il a trois séries de difficultés à affronter.

La première est purement conjoncturelle. Le marché mondial est désormais orienté à la baisse et sans doute pour au moins deux ans. Les constructeurs estiment que le marché va tomber à 91 millions de véhicules en 2020 soit 3 millions de moins par rapport à 2017. 

C’est la Chine qui bat la mesure et pèse sur la situation mondiale. Alors la guerre commerciale aggrave encore la situation mais n’explique pas tout. 

Les constructeurs internationaux ont sans doute vu trop grand sur le marché chinois et se retrouvent du coup en situation de surcapacité de production. Les grands constructeurs n’utilisent pas 30% de leurs équipements en Chine. D’où les opérations d’assainissement et de dégagement. 

Cela dit, cette surcapacité est aussi vraie aux Etats-Unis. Le marché américain va perdre 2 millions d’immatriculations d’ici 2021. 

D’ailleurs, un indice qui ne trompe pas : la course aux rabais, aux ristournes et aux soldes. Sans parler de la multiplication des crédits auto qui pourraient alimenter une surchauffe sur le front des subprimes. 

En Europe, la situation n’est guère brillante parce que les constructeurs doivent se mettre en règle avec les normes CO2, ce qui effondre complètement les ventes de diesel. Cet effondrement n’est pas compensé, ni par la carburation essence, encore moins par l’électrique.

Alors, les écologistes convaincus voudraient croire au succès de l’électrique, mais l’électrique ne se vend pas. Trop cher, batteries trop compliquées à recharger, autonomie trop réduite. Il faudrait en plus vérifier l’empreinte carbone 

Le problème, c’est que si l’électrique n‘a pas de succès, les écologistes eux en ont. Donc, les constructeurs se sentent obligés de les écouter. 

La deuxième série de difficultés est financière. Le monde de l’automobile a bénéficié de plusieurs années très exceptionnelles, il se retrouve aujourd’hui face à une baisse des volumes, donc à une baisse des marges opérationnelles qui va s’aggraver. Au même moment, les constructeurs sont obligés d’investir massivement dans l’électrique, les batteries, le digital et l’autonomie. Ils doivent d’un coté gérer l’obsolescence des vieux équipements et installer les équipements innovants. C’est colossal. 

La troisième série de difficultés va porter sur les effets de tels soubresauts sur le périmètre des grands groupes mondiaux. On va forcément entrer dans une phase de consolidation. L’entente cordiale entre Renault et Nissan a explosé l’année dernière parce qu‘il fallait changer le modèle pour le renforcer. Cette obligation est incontournable. L’arrivée de Fiat-Chrysler dans le jeu des grands acteurs européens est aussi inéluctable. 

Enfin, il reste dans le monde (en dehors de l’Allemagne qui est déjà très consolidée) beaucoup de constructeurs moyens qui avaient parié sur des stratégies de niche, pour protéger leur indépendance, mais qui vont être obligés de se trouver des alliés. 

Les constructeurs présents à Francfort, et les autres d’ailleurs, vont essayer de vendre des voitures, c’est leur job. Mais ils vont aussi jouer au Monopoly version automobile qui va démarrer en marge. Ce n’est pas forcément leur job mais c’est leur souci. 

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