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Combien méritent vraiment de gagner les patrons de banques ?
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Sur le grill !

Sous la pression du Parti travailliste, le directeur général de la banque britannique RBS a finalement renoncé au bonus de 963 000 livres sterling qu'il devait percevoir au titre de l'année 2011, en plus d'un salaire de 1,2 million de livres. Mais comment déterminer le salaire d'un banquier ?

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Avant de parler d’argent, il faut parler des critères d’évaluation. Autrefois, c’était facile, avec le célèbre modèle 3-6-3 : on se finance à 3%, on prête à 6%, et à trois heures on est au golf...

Désormais c’est plus dur, il faut revenir aux fondamentaux : un bon patron de banque doit d’abord être un bon patron tout court. « Le patron ne doit rien faire, tout faire faire et ne rien laisser faire » disait Henry Ford, dans sa très modeste autobiographie (« Ma vie, mon œuvre »). Ne rien faire et tout faire faire : car une banque regroupe des milliers d’experts dans des dizaines de métiers et sur de nombreux marchés, le patron ne peut pas se permettre de mettre les mains à la pâte. Exit donc les critères quantitatifs du type « la lumière de son bureau reste allumée jusqu’à 23h ».

Ne rien laisser faire : le patron doit être le bras exécutif armé des actionnaires pour tuer dans l’œuf un certain nombre de dérives « corporates », des risques qui ne peuvent pas être appréhendés par les modèles, des coûts qu’une étrange unanimité entretien. C’est l’actionnaire qui est seul juge légitime dans cette affaire, in fine. Le saint bon patron de banque doit donc, de mon point de vue :

  • Promouvoir un écosystème de la pensée critique au sein de son organisation (notion d’« assertivité »), tant il est vrai que la langue de bois bancaire n’est plus supportée par les salariés, par les investisseurs et par l’ensemble du corps social ; on doit pouvoir « parler au patron » ;

  • Savoir faire des provisions. Après 7 années de vaches grasses suivent le plus souvent 7 années de vaches maigres. Et le bon patron (qui doit être un peu économiste sur les bords et au milieu) se souvient pour les autres que ce secteur est cyclique et « leveragé » ;

  • Bien connaitre la fonction de réaction de son banquier, c'est-à-dire de la banque centrale (puisqu’il dépend crucialement du bon vouloir de cette dernière, en particulier si les choses tournent mal) ;

  • S’entourer de gens honnêtes, mais aussi parfois d’anciens voyous, en particulier dans le risk management : des gens qui sauront détecter les comportements frauduleux plus en amont que les premiers de la classe ;

  • Savoir partir quand les résultats ne sont pas là ou quand la date limite de fraîcheur est notoirement dépassée.


    Aucun de ces 5 éléments n’est très facile à quantifier… Toujours dans l’idéal, le bon patron ne doit pas être trop diplômé. Dans une banque - que je connais bien et dont je tairais le nom -, le chef de la BFI (Banque de financement et diInvestissement) a tout juste le Bac, et la chef de tout le réseau retail a commencé dans une petite agence en province : pour les salariés, voilà qui est plutôt mobilisateur. Par contre, dans une autre banque bien connue de la place, il n’y a aucun espoir de véritable promotion pour les manants qui n’ont pas fait l’X (les diplômés de Centrale Paris y sont qualifiés d’autodidactes) : allez savoir pourquoi, cet établissement multiplie les pêchés d’orgueil et l’ambiance en interne est délétère.

    Parlons maintenant de l’argent. Pour cela, il faut quelques principes. Nous avons dit que le bon patron est un agent fidèle de l’actionnaire (c'est-à-dire du propriétaire : usus, fructus et abusus), tous les établissements qui ont oublié cette règle d’or friedmanienne sont aujourd’hui morts ou nationalisés (alors que la plupart des hedge funds se portent très bien). Par conséquent, il n’est pas illégitime que la rémunération se fasse assez largement en actions de la banque, des titres si possible non mobilisables avant le départ du dirigeant (on n’est jamais trop prudent).

    Dans le même temps, rien n’est plus insupportable que les dirigeants qui comparent leurs traitements à ceux des fondateurs de hedge funds les bonnes années (c'est-à-dire huit chiffres) : il faut trouver un juste milieu (« incentives », oui, « grand capital » pour un manager, non).

    Deuxième principe, la rémunération doit être « nationale », et non pas calée sur de prétendus benchmarks internationaux (puisque la plupart de nos banquiers sont bien français, tout leur CV en témoigne). Quand il existera un véritable mercato pour ces postes, on pourra se baser sur les standards new-yorkais ou londoniens, pas avant.

    Troisième principe une rémunération basée sur des objectifs de maximisation de la valeur actionnariale, oui, mais à horizon 3 ou 5 ans, et sous réserve du respect des indicateurs basiques de risques, etc. Sinon, c’est trop facile ! Concrètement, en limite haute, et sur la base d’une année « moyenne », pour l’ensemble du paquet (salaire + bonus + stocks options + avantages divers) : disons 7 chiffres en euros, c’est déjà pas mal, et cela ne devrait être atteint que par les membres des très grands établissements. Pour les banques dépendantes à plus de 50% de l’État ou perfusées à 100%, la barre max devrait être placée en dessous de 7 chiffres. Après tout, un chef de service à Bercy gagne à peine 6 chiffres tous les ans.


Voilà qui est un peu flou et pas très scientifique. Mais, après tout, c’est le bon sens qui doit dominer, le bon sens des actionnaires puisque l’on parle de leur argent. Hélas les actionnaires des banques modernes ont pour principale particularité d’être très dispersés, et le fractionnement ne fait que progresser du fait de la montée en puissance des ETFs (fonds négociés en bourse, les « trackers » : la gestion indicielle), une innovation globale qui ne s’arrêtera pas pour faire plaisir à l’aile gauche du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste).

Il faut dès lors se contenter d’en appeler à une certaine modération de la part des intéressés, et promouvoir la transparence au sein des comités de rémunération. Si une véritable formule magique existait, cela se saurait. Et le directeur général d’une banque est rarement classé dans les 20 premières rémunérations de « sa » banque…

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