La crise est-elle finie (et les marchés prêts à repartir sans avoir rien retenu) ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La crise est-elle finie 
(et les marchés prêts à repartir 
sans avoir rien retenu) ?
©

Le plus dur, c'est la chute

Optimisme sur les marchés depuis quelques semaines et un sommet européen la semaine dernière à l'issue duquel Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont considéré que le gros de la crise était derrière nous. Et déjà, les opérateurs financiers renouent avec la prise de risque... en sachant que quoi qu'il arrive, les Etats seront là pour servir de parachutes de secours.

Depuis le 21 décembre, lors de la mise en place du premier programme de liquidités offert aux banques européennes par la BCE, les marchés semblent connaitre une accalmie. Les indices actions sont orientés à la hausse, les taux d’intérêts des pays périphériques de la zone euro baissent (les taux d’emprunts à 10 ans italiens et espagnoles se trouvent en dessous de 5%), les commentateurs financiers redeviennent optimistes. Sommes-nous en train de sortir de la crise ?

Il semble plutôt que les marchés financiers aient renoué avec l’oubli. En effet, le comportement des marchés financiers oublie de tenir compte de statistiques économiques pour le moins déprimantes. Le taux de chômage atteint des records en Europe. L’inflation augmente du fait de la hausse des prix de l’énergie. Les tensions géopolitiques s’accroissent, notamment en Iran. Les pays périphériques ne semblent pas encore quitter la zone de danger, puisque le gouvernement espagnol a annoncé la semaine dernière que son déficit budgétaire sera plus élevé que prévu.

Pour éclairer ce contraste, il suffit de reprendre des exemples historiques. Celui de l’année 2011 est très instructif. Au cours de l’année 2011, les marchés financiers ont ignoré les difficultés du secteur bancaire et les problèmes structurels d’endettement jusqu’à fin juin. Ces derniers étaient « sous l’emprise » d’une abondance de liquidité. Ainsi tel un « junkie », les marchés financiers sont euphoriques lorsqu’ils sont sous emprise de la « camisole chimique » de la liquidité peu chère. En 2011, la substance euphorisante s’appelait « Quantitative Easing » et elle a disparu en été. Depuis 2012, les mêmes marchés financiers sont sous l’emprise du LTRO (programme de liquidité mis en place par la BCE et qui a injecté 1trillion d’euros de liquidité à des conditions très attractives). La « descente » ou « le retour à la réalité » se met en œuvre dès que la « camisole chimique » disparait ou se dissipe.

En fin de semaine dernière, le taux de change EUR/USD s’est effondré violemment lorsque M. Bernanke (président de la Banque centrale américaine) a indiqué que les conditions économiques actuelles (retour de l’inflation aux Etats-Unis) ne lui permettaient pas de promettre une nouvelle dose de liquidité (i.e. le troisième programme d’achat d’actifs appelé QE3).

Ce comportement n’est que la poursuite de l’évolution à laquelle l’ancien président de la FED Alan Greenspan a habitué les opérateurs financiers. Celui-ci a permis aux marchés de s’éloigner de la réalité économique en créant des conditions de liquidités très assouplissantes (i.e. des conditions de financement très peu chers). Il est dès lors devenu évident pour les opérateurs financiers qu’ils pouvaient prendre des risques sans se soucier des conséquences puisque de toute façon les banquiers centraux et les gouvernements seront toujours là pour effacer les erreurs des spéculateurs prenant pour justification l’impact apocalyptique qu’aurait une faillite d’une banque d’une grande taille.

La mise en œuvre d’un cercle vicieux de surliquidité s’est alors traduite par la déconnexion des prix des actifs des fondamentaux économiques qui devaient les justifier et par la prise de risque inconsidérée. Nous connaissons aujourd’hui un niveau de dette jamais égalé depuis l’organisation économique humaine. A ne citer qu’un seul chiffre, le montant d’exposition aux produits dérivés a dépassé en fin de l’année dernière 600Trillions de dollar ou plus de 12 fois le PIB mondial. Cette montagne de levier vient s’ajouter aux autres dettes sociales issues des déficits de financement des régimes de retraite, aux dettes souveraines, aux dettes des ménages et aux dettes des entreprises. La « camisole chimique » mise en œuvre par les banques centrales n’est qu’un autre mécanisme par lequel, les banquiers centraux jouent à quitte ou double en espérant que, par enchantement, les problèmes de dette disparaitront.

Cette situation fait appel à deux grands économistes John Maynard Keynes et Ludwig Von Mises. Les deux sont issues de pensées économiques très différentes. Cependant, les deux décrivent justement la situation économique dans laquelle nous sommes. Keynes a toujours pensé que les marchés peuvent avoir tort pendant longtemps. Von Mises pense que l’interventionnisme n’est capable que de différer les ajustements économiques puisque la réalité reprend toujours sa place.

Les marchés et les banques centrales pourront jouer pendant longtemps à ce jeu du « chat et de la souris ». Nous pouvons connaitre pendant une période certaine, des phases d’euphories sous l’emprise d’une trop forte liquidité et des phases de dépression violentes qui ajustent la virtualité des prix des actifs sur la réalité économique lorsque la camisole chimique se dissipe ou disparait.

Dans ce jeu, le principal perdant sera l’économie réelle, les emplois et les États. Sans prise en main des politiques sur l’économie et sur les marchés financiers (par une régulation efficace) nous pouvons entrer dans un cercle qui ressemblerait fortement à celui du Japon durant les 20 dernières années. Il semble qu’il soit grand temps que la démocratie prenne le pas sur la politique des banques centrales et que les réels ajustements se mettent en œuvre afin d’éviter que les 20 prochaines années soient un sacrifice pour les plus fragiles et une succession de faux départs qui ne font que retarder la mise en œuvre des vrais réformes et d’un adossement des marchés financiers sur l’économie réelle. Sur ce point, les penseurs économiques de droite et de gauche sont d’accord. Il reste à choisir le chemin de sortie.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !