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Crise de l'euro et indemnité de guerre de 1870 : ces leçons que les Allemands pourraient tirer de leur histoire
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Les leçons du passé

L'arrivée au pouvoir de Syriza alimente les tensions et fait craindre une prochaine crise de l'euro. Mais avant d'accabler les citoyens grecs, l'Allemagne ferait bien d'étudier son passé, afin de pas renouveler les mêmes erreurs.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Avec l'élection du parti Syriza au pouvoir en Grèce, la question de la crise de l'euro est de nouveau au devant de l'actualité. La Grèce veut renégocier sa dette avec l'Allemagne.

Pour l'Allemagne, le problème est simple : pendant que les Grecs, sous leur soleil, ne travaillaient pas assez pour s'enrichir, et ne réformaient pas leur gouvernement corrompu, et ainsi se sont endettés jusqu'à ne plus pouvoir rembourser, les Allemands vertueux ont, eux, modéré leurs salaires pour faire face à la mondialisation et travaillé dur afin d'assurer le plein emploi et la vertu budgétaire.

Pour voir à quel point la position de l'Allemagne est déconnectée de la réalité, on peut comparer la crise de l'euro à un autre événement historique, qui lui aussi comprend l'Allemagne : l'indemnité de guerre de 1870.

Tout le monde se souvient que l'Allemagne a battu la France pendant la guerre de 1870 et qu'en représailles elle a conquis l'Alsace-Moselle.

On se souvient moins qu'une des conséquences de la paix imposée par l'Allemagne fut une indemnité de guerre énorme : la France devrait payer à l'Allemagne 5 milliards de francs-or, une somme représentant à l'époque environ 20% du PIB de la France.

Par cette indemnité, l'Allemagne avait un objectif très précis : handicaper fortement et sur la durée l'économie française, pour empêcher la France de prendre la revanche que les Allemands savaient parfaitement qu'elle chercherait.

Pourtant, le fait que peu de gens aujourd'hui se souviennent de l'indemnité de 1870 signale que cet objectif n'a pas vraiment été atteint. Lorsque l'Etat français a lancé des grands emprunts internationaux pour rembourser cette indemnité, ils ont été massivement sur-suscrits, et la France a pu payer l'indemnité sans problèmes, avec deux ans d'avance. Et ensuite, avec le vent de la Révolution industrielle, la France a continué sa croissance et son industrialisation, et son économie s'est très bien portée malgré cette dette publique.

Evidemment, les allemands attendaient également de cette indemnité qu'elle renforce leur économie. Pensez-y : un transfert de l'équivalent de 20% du PIB de la France ! C'est énorme !

Et, de fait, au début, cette manne a permis de nombreux nouveaux investissements en Allemagne. Mais ce qui devait arriver arriva : cet afflux soudain et énorme de capitaux étrangers a créé une bulle spéculative, notamment dans l'immobilier. L'effondrement d'une banque viennoise à cause de la bulle immobilière allemande créa, dans un monde avec peu de réglementation bancaire, des effondrements de banques à répétition dans le monde entier, entraînant la Grande dépression de 1873-1896, aujourd'hui éclipsée dans les mémoires par la Grande dépression des années 1930 mais qui à l'époque fut dévastatrice.

En imposant cette indemnité, les Allemands croyaient qu'ils allaient saboter l'économie française et renforcer la leur : en réalité, c'est exactement l'inverse qui s'est produit.

Quel rapport avec la zone euro, me direz-vous ?

Ce qui s'est passé dans la zone euro dans les années 2000 est exactement ce qui s'est passé avec l'indemnité de guerre. La création de la zone euro a fait s'effondrer les taux d'intérêts dans toute cette zone, créant une manne similaire à celle de l'indemnité. Une possibilité de dépenser cette manne aurait été des salaires et de la consommation plus élevée en Allemagne, mais les élites politiques, économiques et syndicales allemandes avaient fait accord de pression sur les salaires. L'argent s'est donc retrouvé, via les banques allemandes, dans les pays de la périphérie. Même causes, mêmes effets : afflux de capitaux, bulle spéculative, effondrement.

Depuis 150 ans, les Allemands n'ont toujours pas appris la leçon. 

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