Covid-19 : l'hémisphère sud a réussi à échapper à la grippe pendant son hiver 2020 <!-- --> | Atlantico.fr
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grippe coronavirus hémisphère sud
grippe coronavirus hémisphère sud
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Effets collatéraux ?

Selon The Economist, l'hémisphère sud aurait subi un impact limité de la grippe suite à la lutte contre la Covid-19. Le coronavirus aurait-il eu raison cette année des autres maladies infectieuses ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Les graphiques proposés par « The Economist » sur la courbe des cas de grippe dans l'hémisphère Sud par rapport aux autres années est édifiant. La CoVid-19 aurait-elle eu raison cette année des autres maladies infectieuses ?

Stéphane Gayet : Tout le monde sait pertinemment que les saisons sont inversées dans l’hémisphère sud par rapport à ce qu’elles sont dans l’hémisphère nord. Pourtant, il est sans doute toujours bon de le rappeler et d’expliquer pourquoi, sachant que la rotation de la Terre sur elle-même et l’orbite de la terre restent quand même des phénomènes assez prodigieux.

Nous sommes en septembre et les pays de l’hémisphère sud qui sont à une latitude inverse de la nôtre (latitude sud) sont à une saison qui correspond à peu près à notre mois de mars. Leur « hiver » va donc se terminer dans deux jours et le début du printemps marque habituellement la décroissance de la circulation du virus grippal. Tandis que nous sommes encore en été pour quatre jours et que le début de l’automne annonce en principe le début de la circulation du virus grippal. Or, ces pays de l’hémisphère Sud ont d’abord été confrontés à la circulation du SARS-CoV-2 avant celle du ou des virus grippaux de l’année : l’arrivée du coronavirus s’est effectuée chez eux en été et elle a de ce fait précédé de plusieurs mois celle du ou des virus grippaux.

Et que constate-t-on ? Que les cas de grippe recensés dans l’hémisphère Sud sont beaucoup moins nombreux que ceux des années précédentes ! Il y a trois explications possibles à ce phénomène, que nous développerons en deuxième partie.

La lecture de ces courbes amène à se demander si la CoVid-19 n'apporterait pas une immunité face au virus de la grippe ?

Les trois principales explications à cette apparente importante diminution des cas de grippe dans l’hémisphère Sud sont les suivantes :

1. Il est fort possible que des cas de grippe aient été confondus et enregistrés comme cas de CoVid-19, étant donné que le monde est depuis neuf mois focalisé sur cette pandémie à coronavirus.

2. La circulation du SARS-CoV-2 suscite deux types de réactions immunitaires : premièrement, un « entraînement immunitaire aspécifique » (non spécifique), dû à la stimulation antigénique et pathogénique du système immunitaire exercée par l’infection par le SARS-CoV-2 (c’est comme cela que l’on pense pouvoir expliquer le fait que les jeunes enfants soient le plus souvent réfractaires à la CoVid-19) ; deuxièmement, l’immunisation spécifique post-CoVid-19 a très probablement un effet d’immunisation croisée contre les coronavirus des rhinopharyngites aiguës virales, qui peuvent être confondues en l’absence de diagnostic avec une grippe de forme modérée (on pouvait prendre les années précédentes ces rhinopharyngites pour des « grippes » : s’il y en a moins que les autres années, on a l’impression qu’il y a moins de « grippes »).

3. Le SARS-CoV-2 étant d’abord et avant tout un virus respiratoire, les mesures préventives mises en place et appliquées vis-à-vis de ce virus ont bien entendu été également efficaces pour se protéger d’une éventuelle contamination par le ou les virus grippaux. Cela dit, ces pays de l’hémisphère Sud ne sont pas à l’abri d’une vague tardive de grippe, dans l’hypothèse où la principale explication serait la numéro trois.

Faut-il s'attendre à des résultats semblables dans l'hémisphère Nord à la fin de l'hiver prochain ? En quoi la grippe est-elle liée au climat ?

Il est en effet fort probable qu’à la fin de l’hiver 2020-2021, on totalise en France nettement moins de cas de grippe qu’au cours des hivers précédents.

Les trois raisons que j’ai développées pour essayer de rendre compte de ce qui s’est passé en « hiver » dans l’hémisphère Sud, restent assurément valables pour l’hémisphère Nord dans lequel nous vivons.

À ces explications s’en ajoutent deux autres.

La première : on s’attend à ce que l’adhésion à la vaccination antigrippale soit en nette hausse cette année, par rapport aux années précédentes ; si cela se vérifiait, il y aurait donc ipso facto moins de cas de grippe, au minimum moins de cas de grippe sévère.

La seconde : les personnes très fragiles qui sont (étaient) à haut risque de grippe sévère ont, pour un certain nombre d’entre elles, contracté la CoVid-19 et c’est dans ce groupe de population que la mortalité attribuable au SARS-CoV-2 a surtout frappé.

On peut donc légitimement s’attendre à moins de cas de grippe, et au bas mot à moins de cas de grippe sévères.

La saisonnalité de la grippe est un phénomène qui se vérifie et pour lequel on a plusieurs explications :

- le froidagresse nos muqueuses respiratoires et il est souvent associé à une relative siccité de de l’air, deux facteurs qui concourent à une irritation et des micro altérations muqueuses, portes d’entrée de l’infection virale ;

- plus l’air et froid et plus il a tendance à être sec (phénomène physique) ; or, plus l’air est sec (siccité) et plus les microgouttelettes de mucosités (aérosols humides : les vecteurs aériens des virus respiratoires) ont tendance à persister en suspension dans l’air avant de sédimenter, d’où un risque accru de contamination interhumaine ;

- le froid favorise la persistance du virus dans l’environnement et les mucosités projetées (toux, parole) ou déposées (par des mains contaminées) peuvent être récoltées par les mains d’une personne non immunisée ; de plus, on a tendance à moins se laver les mains en hiver et ainsi, les mains portées à la bouche sont un mode fréquent de contamination ;

- quand il fait froid, on se tient plus souvent à l’intérieur qu’à l’extérieur et l’on est plus fréquemment en forte densité humaine (bars, salles de réunion et de spectacle, transports en commun, fêtes de famille) que lors de la saison chaude où les rassemblements en plein air sont privilégiés ; bien entendu, la circulation interhumaine des virus respiratoires est nettement favorisée par la concentration humaine en air intérieur, d’autant plus que, lorsqu’il fait froid, on aère le moins possible les locaux pour éviter de perdre de la chaleur.

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