Covid-19 : ce que le gouvernement pourrait encore faire pour éviter un troisième confinement généralisé<!-- --> | Atlantico.fr
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vaccin vaccination stratégie moyens solutions crise sanitaire France gouvernement covid-19 coronavirus
vaccin vaccination stratégie moyens solutions crise sanitaire France gouvernement covid-19 coronavirus
©JEFF PACHOUD / AFP

Stratégie de lutte contre la pandémie

Jean Castex et le ministre de la Santé, Olivier Véran, vont faire le point sur l'épidémie de Covid-19 en France ce jeudi à 18 heures lors d'une conférence de presse. Le gouvernement promet de la visibilité, notamment sur la question des vaccins. Le Dr Guy-André Pelouze décrypte les défis à relever sur le plan sanitaire afin d'éviter un troisième confinement.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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C’est un choc externe qui a l'allure d’un marathon. La pandémie Covid-19 ne faiblit pas dans l'hémisphère Nord principalement à cause des conditions hivernales et aussi parce que nous n’avons toujours pas compris le jeu. L'alternance confinement/déconfinement est une mauvaise tactique. C’est un aveu d’échec des mesures efficaces que nous refusons collectivement et politiquement. Il faudra combien de mois supplémentaires pour que les politiques abandonnent cette rhétorique? C’est pourtant simple, tout doit être serré sur le plan des interactions sociales (et il y a beaucoup plus à faire) et tout doit être ouvert dans l’économie compatible. Mais le jeu est passé au niveau 3. Nous avons connu le niveau 1 où il fallait bien faire la protection personnelle et appliquer strictement la règle des trois T. Puis le niveau 2 où il fallait inventer et produire un vaccin en prenant des risques et en travaillant plus de 35h/semaine. Et surtout mener en parallèle les différents axes du projet au lieu d’aligner les dominos à la queue les uns des autres. Dans le niveau 3 deux variants génétiques du virus dont un à nos portes compliquent cette transition vers l’immunisation vaccinale en complément de l’immunité naturelle post-infectieuse. Désormais nous sommes au niveau expert, l’erreur est beaucoup plus cher payée alors que les impatients croient que c’est bientôt fini, effet boomerang garanti.

Quel est l’état de la pandémie?

La transmission en France est élevée et le nombre de nouveaux cas augmente rapidement (Figure N°1). L’impact sur la transmission au RU du variant sud-Londonien, en raison de sa plus grande contagiosité, est visible et on peut se demander si l’accélération de la transmission aux USA ne comprend pas aussi des cas de ce variant. Les deux pays (RU et USA) sont en pleine phase exponentielle et leurs liens sont étroits même si le flux des échanges aériens est faible. L’Allemagne et le Canada sont plutôt en plateau mais en Espagne et en France la transmission s’accélère avec une pente de la courbe qui est inquiétante (Figure N°2).  Les décès sont plutôt stables en dehors du RU mais on sait que les décès n’augmentent qu’après un délai en cas d’accélération de la transmission (Figure N°3).

Figure N°1: la transmission s’accélère et le variant sud-Londonien est en cause.

Figure N°2: Même graphique en expansion sur les derniers mois pour mieux comprendre la dynamique.

Figure N°3: les décès supplémentaires sont déjà là au Royaume Uni (RU).

Théorie des jeux ou communication hasardeuse?

Un jeu est constitué d'individus ou d’entités, appelés « joueurs »

Ils doivent choisir un élément — appelé « stratégie » — dans un ensemble qui est limité par des règles. Celles-ci dépendent des modèles épidémiologiques et des besoins économiques, elles précisent aussi quel est le gain, en monnaie ou en « utilité », obtenu par chaque joueur dans toutes les éventualités possibles — pour toutes les « combinaisons de stratégies » envisageables. En théorie des jeux, un équilibre optimal est une situation où chaque joueur prévoit correctement le choix des autres et chaque joueur maximise son gain, compte tenu de cette prévision. Pour résumer dans Pendémie®, nous devons minimiser les coûts humain et économique. La stratégie optimale est la combinaison soutenable de mesures entravant la transmission du virus par les humains et de modifications permettant l’ouverture maximale de l’économie rendue résiliente et compatible pendant le déploiement complet des traitements. Dans Pendémie® niveau 3 (soit le niveau expert) en version .fr c’est loin d’être le cas. Il y a un joueur majeur , l’État, qui parle sans arrêt, qui fait des annonces au gré des sondages que trafiquent un petit comité de communicants mais toujours pas de stratégie. Le virus joue automatiquement sans intelligence mais avec une vitesse prodigieuse et une efficacité élevée. C’est un joueur non intentionnel, il ne fait que maximiser la probabilité que chaque particule trouve une cellule humaine avec un récepteur ACE 2 ou bien une voie parallèle pour coloniser la cellule et se répliquer. Pour cela il est assez bien équipé et il s’adapte en favorisant les variants disposant d’un avantage.

L’État continue de gaspiller des ressources.

Il teste massivement sans isoler, un système d’augmentation du PIB par la dépense publique en quelque sorte, qui s’apparente au sapeur Camember creusant plusieurs trous. Il vaccine à vitesse minimale mais se déclare incapable de passer la seconde.

Un certain nombre de joueurs ne jouent plus ou n’ont jamais participé.

La transmission de la politique sanitaire est en panne depuis le début de la crise. C’est structurel, il manque le relais régional pour coordonner près du terrain et en fonction de celui-ci. Il manque les équipes sanitaires pour tester, isoler, vacciner. Les ARS sont des machins bureaucratiques inutiles et incapables dans le domaine de la santé aux populations et les brigades d’E. Philippe ont été une création dont la seule trace d’existence est le JO. Dans cette transmission pour autant il y a d’autres acteurs absents ou non sollicités (liste non exhaustive):

  • les entreprises, toutes les entreprises, si présentes dans les médias pour demander de l’argent public ou se plaindre des entraves à leur activité sont totalement absentes de la campagne vaccinale. 

  • La médecine du travail n’a pas à ma connaissance été sollicitée par le gouvernement, répétant ainsi l'erreur au sujet des tests et de l’isolement. Une campagne comme celle que nous devons réussir ne peut se priver de la moindre ressource humaine

  • La médecine militaire qui de manière sélective notamment dans les grandes villes où le défi est énorme ou bien dans les zones de non droit ou de sécession peut être un atout décisif

  • Les élus ou la vertu de l'exemple pour convaincre. Je n’ai pas vu un vaccie et pourtant les élus à risque sont nombreux…

Enfin, par idéologie ou bien plus simplement par défaut d’expertise (principe du rasoir d'Hanlon) le joueur majeur ou supposé tel a créé des mots tabous qui le paralysent dans cette campagne: vaccinodrome(s), consentement habituel, 35 heures, 3x8, Armée, infirmière, pharmacien, technicien de vaccination, QR code, passeport immunitaire, vaccies des politiques, favoritisme… Le soit disant principe de précaution dans sa version grand format démontre sa nuisance, mais les Français, condamnés à subir, se disent “heureusement que le “principe vert” n’est pas dans la Constitution car nous serions privés de vaccins en son nom”. Cela fait beaucoup de freins.

Le vaccin-code une thérapie cellulaire prodigieuse

Ce qui s’est passé en cette année 2020 est en fait dominé par le projet “vitesse de la lumière” de BioNTech et Pfizer. Ce que chacun doit retenir c’est l’anticipation et la rigueur. L’autre point important c’est de préciser que les deux vaccins ARN messager sont des thérapies cellulaires qui utilisent un code (l’ordre des bases de l'ARN messager) et un vecteur (la nanoparticule qui transporte ce brin d’ARN) pour faire produire une protéine virale antigénique par nos cellules. Cela n’a rien à voir avec nos gènes. Cela ne concerne pas notre ADN. Enfin il faut vraiment que le gouvernement se débarrasse d’affirmations sans fondement car elles nous empêchent d’innover et de développer des solutions non pas conventionnelles mais disruptives, Mme Frédérique Vidal a tweeté: “Plusieurs vaccins sont encore en cours de développement. La France n'est pas en retard, elle a fait le choix d’utiliser et de préparer des vaccins dont la diffusion et le partage pourra être plus large que les vaccins actuels. Le vaccin est un bien universel.”. Plusieurs affirmations sont fausses. D’autres relèvent du wishful thinking progressiste qui en l'occurrence conduit à plus de morts plus de malades mais pour “le bien universel”.

Figure N°4: Une timeline pour ceux qui ânnonent: “on peut pas faire un vaccin en un an”. La preuve en 10 mois ils l’ont fait, simplement parce qu’ils l’avaient minutieusement anticipé et organisé.

McKinsey, cela vient de tomber

Une carte macronienne qui traduit l’exaspération. Pour autant c’est une excellente idée pour une raison fondamentale: l’entreprise a une réputation et elle ne peut pas échouer. Les fonctionnaires de l’administration sont titulaires d’un job à vie quels que soient leurs résultats. Cela fait toute la différence. Mais cela ne se fera pas sans recomposition sinon ce sera un jeu à somme nulle difficilement acceptable pour les parties au contrat. En fait, on ne sait rien de la mission. C’est pourquoi on attendra les résultats. Déjà, les conspirationnistes d’hier, qui se sont ligués (“droite” et “gauche” confondues) contre le secteur privé se retrouvent pour demander plus d’État… Je conseille à l’exécutif de lire attentivement le formidable livre “France SA” écrit par un ancien patron de Mc Kinsey monde car il y a les codes du jeu Pendémie® en France et surtout des solutions pour la reprise économique dans une économie asphyxiée par une dépense publique et sociale inefficaces (Figure N°5).

Figure N°5 : L’URSS a réellement eu des difficultés à fonctionner au-dessus de 60% de dépense publique. Même si la métrologie était différente c’est une observation assez proche de la réalité. Bien sûr, en France, une des républiques de l’UE,  tout va bien se passer puisque notre ligne de crédit est en € et que les créditeurs de l’UE, Allemagne et autres pays du nord l’assurent. Pour autant la dépense publique ne peut monter jusqu’au ciel, et dans les années à venir ce fardeau qui détruit de la valeur va devenir insoutenable. À noter que 2021 est une prévision.

Le pays est à la dérive et c’est dangereux au moment où le variant sud-Londonien peut déclencher une résurgence comme toutes les pandémies nous l’ont enseigné dans le passé. Une fois de plus le président est dos au mur et sa colère n'est pas un atout. Il faut poser les débats publiquement, prendre des risques, entraîner l’opinion par un comportement rationnel et empathique, améliorer le choix des personnes chargées de cette campagne vaccinale et ne rien céder sur l’urgence de résultats mesurables. Tout de suite.

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