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Covid-19 : Sommes-nous aveugles à la réalité de la menace du variant brésilien ?
©MICHAEL DANTAS / AFP

Déferlante mortelle en vue ?

Le variant du coronavirus détecté début janvier au Japon et originaire de Manaus, dans le nord du Brésil, est désormais dominant dans la capitale de l'Amazonie, confirmant les craintes sur sa contagiosité. Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau variant ? Les variants vont-ils faire évoluer la lutte contre l'épidémie ?

Eric Billy

Eric Billy

Eric Billy est chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg. Il est membre du collectif Du côté de la science.

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Samuel Mondy

Samuel Mondy

Samuel Mondy est Ingénieur de Recherche chez INRAE.

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Atlantico.fr : Quelle est actuellement la situation sanitaire au Brésil ? La situation est-elle en train de flamber ? Le système hospitalier semble pérécliter.

Eric Billy et Samuel Mondy : La situation sanitaire au Brésil semble chaotique et nombreux témoignages vont dans ce sens, même si la situation à Manaus n’est pas nécessairement celle de l’ensemble du pays. Les vidéos postées par  le chef de service de soins intensifs de l'hôpital Getúlio Vargas de Manaus atteste du problème auquel fait face cette ville où l’on estime que 80% de la population a déjà été contaminée par le virus au cours de l’année 2020 mais qui fait face à une nouvelle vague massive de contamination.

Les bouteilles d’oxygènes sont maintenant un produit recherché, font l’objet de vente au marché noir et même d’attaques à mains armées des stocks hospitaliers.

Un nouveau variant crée la panique à Manaus, au Brésil, alors qu’on pensait l’immunité collective atteinte. Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau variant P.1 (aussi appelé B.1.1.248) ? Est-il plus dangereux ?

Le site nextstrain.org permet de suivre l’évolution des différents variants par zone géographique : https://nextstrain.org/ncov/south-america?f_region=South%20America

Une récente publication s’est intéressée a l’évolution du variant du Brésil, connu comme B.1.1.248, dans ce pays et en séquençant il est possible de voir qu’il existe même un variant spécifiques à Manaus. Le variant B.1.1.248 est très proche de celui d’Afrique du sud (B.1.351 ou 501Y.V2, les deux partages des mutations aux positions N501, E484 et K417


Cependant il demeure difficile aujourd’hui de conclure si la recrudescence des cas de COVID dans ce pays est liée aux spécificités d’un variant ou plus simplement aux conditions de vie et à la faible application des recommandations sanitaires que l’on connaît chez nous, il y a une corrélation mais la causalité peut-être multifactorielle.

La situation montre que l’immunité collective n’est pas une solution avec un virus qui perturbe l’établissement d’une réponse immunitaire forte, seule l’immunité vaccinale nous permettra de faire face. Comme l’ont montré de récentes publications, les vaccins à ARNm de Pfizer/BNT et Moderna induisent une réponse immunitaire qui est capable de neutraliser les variants les plus scrutés aujourd’hui. Cependant, pour assurer l’efficacité d’une future vaccination de masse il faut limiter au maximum la circulation du virus car plus le nombre de personnes infectées est élevé et plus le risque de l’apparition de nouveaux variants augmente en particulier dans une population ayant déjà fait face à une épidémie massive (et avec une immunité existante imparfaite).

Un premier cas de ce type a été détecté en Allemagne il y a quelques jours. En fait-on assez pour limiter la propagation des nouveaux variants ? Faut-il fermer les frontières comme le fait la Nouvelle-Zélande ?

Si le cas a été détecté c’est qu’il est présent et a depuis certainement diffusé. Les mesures de frontières ne sont plus efficaces pour empêcher son arrivée, mais elles peuvent ralentir l’arrivée de nouveaux variants. Cependant, le fait que 3 variants 501Y.V1, 501Y.V2 et 501Y.V3 issu respectivement du RU, d’Afrique du Sud et du Brésil soient apparues à différents moments dans des zones géographique bien distinctes, indiquent que lq sélection de variants est liée aux conditions de circulation du virus, plus qu’a sa diffusion internationale.

Par ailleurs les tests de détections ont des marges d’erreurs, et il existe une zone grise de 2-3 jours durant laquelle les personnes contaminées peuvent être contagieuses mais détectées négatives aux test, il est donc plus efficace de faire de l’isolement à l’arrivée suivi d’un test que de vouloir fermer les frontières ce qui est quasiment impossible pour les pays de l’UE.

Que changent les variants dans la lutte contre l’épidémie ? S’agit-il vraiment d’une seconde épidémie comme les pouvoirs publics semblent vouloir nous faire croire ?

Les variants changent la stratégie de la couverture vaccinale. S’ils s’avèrent plus contaminants ils nous obligeront à assurer une couverture vaccinale la plus large possible de la population, voire obligatoire. Ce ne sont pas les premiers variants, le D614G a déjà supplanté le variant original de Wuhan, et ils définissent une nouvelle feuille de route à la fois pour le timing dans la vaccination, mais aussi sur un risque non négligeable de toucher à nouveau des personnes ayant été précédemment infectée par le virus.

Pour nous il s'agit de la même épidémie. Les apparitions de ce type de variants, qu'on espérait rare et sans modification de comportement, montre que le risque n'est pas négligeable. Le fait que les vaccins permettent de lutter contre les variants anglais et sud-africains est une bonne nouvelle mais montre l'urgence de la vaccination à grande ampleur. Le contrôle de la diffusion du virus dans les population et la vaccination massive sont la stratégie pour sortir de la crise, ce sont des actions COMPLEMENTAIRES : l’efficacité de la vaccination dépendra de la très faible circulation du virus, et donc du risque minimal d’apparition de nouveaux variants

Il ne faut pas que les politiques se cachent derrière "une seconde épidémie", c'est assez symptomatique que les deux variants proviennent de régions où des politiques de confinement lâche ou sans confinement ont été menées démontrant encore une fois que la solution « à la suédoise » de l’immunité collective n’en est pas une avec ce virus.

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