Covid-19 : faut-il avoir peur d’un variant Delta-Plus ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une étudiante reçoit une dose du vaccin Pfizer/BioNTech Covid-19 dans un centre de vaccination à Londres, le 5 juin 2021.
Une étudiante reçoit une dose du vaccin Pfizer/BioNTech Covid-19 dans un centre de vaccination à Londres, le 5 juin 2021.
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Rebond épidémique

L’explosion du nombre de cas au Royaume-Uni suscite des inquiétudes chez les scientifiques car la souche au fondement de la vague actuelle de contaminations comprend la mutation K417N, qui est associée à un risque accru de réinfection.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Au Royaume-Uni, les cas journaliers d’infection à la Covid-19 sont au plus hauts depuis la mi-juillet, en France on s’inquiète d’une nouvelle accélération avec des cas en hausse pour la troisième semaine et enfin en Italie ou en Espagne la décrue de l’épidémie semble se stopper. Après être devenu le variant dominant sur tout le territoire, Delta se décline aussi et sa version initiale ne représente plus que 69 % des cas séquencés en France du 16 août au 12 septembre. À ce jour, que représente le variant Delta Plus, K417N baptisé AY.1, en France ? Devons-nous nous inquiéter de son apparition ?

Antoine Flahault : Ce variant Delta Plus (AY.4.2) est un variant du variant Delta qui contient une mutation appelée K417N se répand au Royaume-Uni depuis le mois de juillet et compte aujourd’hui jusqu’à 7 à 8% des souches circulant dans le pays. Les scientifiques britanniques sur la base de la rapidité de l’expansion du variant sur le territoire chiffrent à +10% l’augmentation de la transmissibilité du variant par rapport au variant Delta. Pour mémoire, le variant Delta était 50% plus transmissible que le variant Alpha (qui lui-même étant 50% plus transmissible que la souche originelle de Wuhan), ce qui les ont conduit à l’époque à s’imposer comme les souches rapidement prédominantes dans le monde. On n’en est donc pas là avec le variant Delta Plus aujourd’hui. A ma connaissance, ce variant n’a pas été identifié en France (qui ne séquence cependant pas autant que ses voisins Britanniques ou Danois, ces derniers ayant repéré quelques cas de Delta Plus il y a quelques semaines). Sept Etats des Etats-Unis ont identifié ce nouveau variant à ce jour, mais de façon très sporadique. Il faut être de la plus grande vigilance sur ce variant et le séquençage massif opéré par certains pays permet l’identification précoce et le suivi de la progression des variants dans cette pandémie. Pour le moment ni les Britanniques ni l’OMS n’ont classé le variant Delta Plus comme «  variant of concern (VOC) » c’est-à-dire variant préoccupant.

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En juillet dernier, Delta Plus a été placé sous surveillance par les autorités car il semblait davantage résister aux anticorps. En quoi diffère-t-il du variant Delta à ce propos ? Le plus signifie-t-il qu’il est pire que le variant Delta ?

La mutation K417N a été repérée comme facilitant les réinfections par le coronavirus, c’est-à-dire donc échappant au moins partiellement à l’immunité acquise par l’infection et potentiellement par le vaccin, Cet échappement potentiel et sa transmissibilité accrue rendent le variant Delta Plus un objet de vigilance. Le « Plus » est une appellation pour le grand public car elle est plus parlante que la nomenclature ésotérique AY.4.2. Le « Plus » a, reconnaissons-le, volontairement un caractère inquiétant, pour signifier que le variant présenterait un danger supplémentaire par rapport au variant Delta classique, car il serait plus transmissible, peut-être plus virulent, et éventuellement échappant à l’efficacité vaccinale. Alors que l’on ne sait rien de tout cela, à part une très légère transmissibilité accrue. Le « Plus » veut aussi signifier que c’est un variant même du variant Delta, le choix d’une autre lettre grecque aurait en quelque sorte moins bien respecté sa filiation directe.

Pourquoi nous alarmons-nous maintenant de ce variant Delta Plus ? Le taux de transmission actuel moins important va-t-il limiter l’apparition de nouveaux variants en Europe ?

S’il n’y a pas lieu de s’alarmer à ce stade, il nous faut réaliser que la situation épidémiologique au Royaume-Uni est très propice à l’émergence et la circulation de nouveaux variants. Les experts s’accordent à dire que la situation britannique n’est pas liée (ou sinon que très marginalement) à l’émergence de ce variant Delta Plus sur leur territoire, car la croissance de ce variant parmi l’ensemble des souches circulante est trop lente pour permettre d’expliquer les 45 000 cas quotidiens actuels. Par ailleurs, on ne constate pas de perte d’efficacité vaccinale contre les souches circulantes actuelles au Royaume-Uni, au contraire les vaccins protègent encore la population immunisée avec une efficacité de 90 à 95% contre les formes sévères de la maladie et contre les décès.

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En raison de la forte transmissibilité de Delta, de son hyper dominance actuelle, et de la circulation actuelle du virus, un nouveau rebond épidémique ne peut -il venir que d'une forme proche du variant Delta ?

Pour le moment, l’Europe centrale et de l’est connaissent une très forte recrudescence de la pandémie, avec des niveaux de contaminations et de mortalité jamais atteints depuis le début de la pandémie. Or ce n’est pas, à ma connaissance, en raison d’un nouveau variant mais bien du variant Delta. Mais c’est surtout en raison de la faible mobilisation des pouvoirs publics pour imposer des mesures préventives et en raison de la très forte hésitation vaccinale des populations de cette partie de l’Europe encore faiblement couverte et très méfiantes vis-à-vis de leurs autorités. Au Royaume-Uni comme on l’a dit plus haut, ce n’est pas non plus le variant Delta Plus qui est responsable de la situation actuelle. Le Royaume-Uni a probablement « trop » misé sur sa couverture vaccinale très élevée depuis le début de l’été. Le vaccin a sauvé beaucoup de vies, mais il s’est avéré insuffisant pour contrer la circulation intense du variant Delta et in fine il n’a pas permis d’éviter une forte morbidité hospitalière et une surmortalité importante, sans perte aucune de son efficacité, mais avec une efficacité qui n’est pas de 100% et une couverture vaccinale qui n’est pas non plus de 100%. La gestion britannique de la pandémie durant la période estivale a été le reflet fidèle de cet excès de confiance des autorités dans la protection de la population par les seuls vaccins. Avec 70 ou 75% de couverture vaccinale le gouvernement du Royaume-Uni misait sur le fait que le pays serait désormais à l’abri d’une saturation de son système de santé qui avait motivé des mesures fortes de confinements et de fermetures scolaires l’hiver dernier. Or à l’entrée dans la saison froide, les Britanniques ne se retrouvent pas en situation favorable vis-à-vis du coronavirus, enregistrant 45 000 nouvelles contaminations et 145 décès quotidiens, avec un parc hospitalier proche de la saturation (le Royaume-Uni étant par ailleurs moins bien doté en capacité hospitalière que ses voisins d’Europe continentale). Si devait se surajouter une épidémie de grippe, qui pourrait se trouver facilitée cet automne ou cet hiver par la perte de tous les gestes barrières, la question se poserait de savoir si le système de santé pourrait tenir ce choc supplémentaire ?

Il n’est pas possible de prédire ce que nous réserveront les prochaines semaines, mais le rebond qui s’annonce en Europe du nord et de l’ouest n’augure rien de bon pour la suite des événements au Royaume-Uni. Il est certain que la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Suisse, et les pays nordiques abordent la saison froide dans une bien meilleure configuration épidémiologique. Ils ne doivent certes pas se considérer à l’abri d’un rebond, ni peut-être même d’une vague, mais il leur reste une marge de manoeuvre encore confortable dans cette pandémie avant de voir leur système de santé saturé. La population aussi dans ces pays y semble mieux préparée à affronter l’hiver, mieux consciente des dangers, même si un légitime relâchement – modéré cependant - a pu être observé un peu partout où l’accalmie s’est faite sentir. Le Danemark a même organisé ce relâchement, puisqu’à partir du 10 septembre, il a décidé de lever toutes les mesures (son Coronapass et l’obligation du port du masque, notamment). Il reste à voir si ce pays de la taille démographique d’une région française (ex. Nouvelle Aquitaine ou Occitanie), saura rétablir à temps les mesures nécessaires pour lui éviter que le rebond actuel ne prenne une ampleur incontrôlable, si d’une certaine façon, il n’a pas trop misé lui aussi sur le seul vaccin pour espérer tourner la page.

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