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COP 21, écologie et mauvais choix : ce pari de l’innovation qu'on sacrifie si souvent sur l'autel de la décroissance et de la taxation
©Reuters

Solutions multiples

Selon une étude IFOP pour Solutions COP21, 40% des Français attendent des "solutions concrètes à mettre en œuvre individuellement" en matière écologique. Si l'enjeu est principalement abordé sous l’angle de la décroissance ou de la taxation, l’idée que l’innovation peut permettre de trouver un compromis fait son chemin.

Jean-Paul Maréchal

Jean-Paul Maréchal

Jean-Paul Maréchal est Maître de conférences en Science économique à lUniversité Paris Sud. Il est l'auteur de l'ouvrage Chine/USA. Le climat en jeu, Paris, Choiseul, 2011, 116 p.

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Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : De la communication politique, en passant par les militants écologiques, l’approche écologique se situe souvent sur le thème de la décroissance. Les Français semblent s’être fait à cette idée, pourtant n’y a t-il pas des progrès en matière d’innovation, qui pourraient permettre de garder le même mode de vie, tout en préservant le futur ? La décroissance, qui reviendrait à totalement modifier notre mode de vie, est elle la solution idéale en matière d’écologie ?

Jean-Paul Maréchal : Je ne suis pas sûr que l’approche écologique se résume à la décroissance. Ce que j’observe c’est que l’on peut parler de décroissance sélective. On peut garder le même mode de vie tout en diminuant notre consommation sur un certain nombre d’éléments. Si on veut faire de la décroissance sélective, il faut mettre en place des techniques moins gourmandes en matière d’énergie. Le progrès technologique permet cela. La consommation en carburant des voitures au 100 km n’a pas arrêté de décroître. Des projets d’avion électrique voient également le jour. On est au tout début du développement écologique.

Les énergies fossiles n’existent qu’en quantité finie. Avec de surcroît une montée en puissance de la Chine, la demande en énergie fossile est devenue de plus en plus grande. Quoiqu’il arrive le prix du pétrole augmentera. Pour reprendre une phrase de feu Christophe de Margerie : "La question n’est pas de savoir si le litre d’essence sera à 2 euros mais quand ?". La décroissance sélective apparaît dès lors nécessaire pour un certain nombre de produits comme le pétrole. Par le passé nous avons déjà réussi à réduire notre consommation de charbon de bois par exemple, sans que cela ne nous pose trop de soucis. Il en sera de même pour le pétrole grâce aux innovations technologiques. De plus, l’acceptabilité sociale de la décroissance est assez faible. Personne n’a vraiment envie de revenir au Moyen Age.

Christian Gollier : Si la lutte contre le changement climatique pouvait en même temps créer de la croissance aujourd’hui, cela se saurait ! La dure réalité est que la plupart des efforts pour réduire nos émissions sont très coûteux. Par exemple, les investissements massifs dans l’éolien et le solaire ont eu un effet très négatif sur le prix de l’électricité en France, et encore plus en Allemagne. Aujourd’hui déjà, le consommateur français est impacté dans son mode de vie par sa facture d’électricité.  On peut douter que ces investissements étaient justifiés, tant les coûts économiques l’emportent sur les bénéfices écologiques, même en forçant le trait sur le danger climatique. L’espoir ne peut venir que du progrès scientifique et technique dans les technologies vertes. Les gains d’efficacité dans le solaire en particulier ont été extraordinaires depuis 3 décennies. On pense que le solaire sera un jour compétitif dans les pays les plus ensoleillés. La transition écologique sera dès lors sans effet sur le niveau de vie.

Par le passé, quels sont les exemples d’innovations qui nous ont permises de polluer moins, sans pour autant changer radicalement notre manière de faire ?

Jean-Paul Maréchal :Il y a de nombreux exemples d’innovations qui nous ont permises de polluer moins et dans de nombreux secteurs. Dans le domaine de l’aéronautique la consommation de carburant a diminué d’environ 20%. Dans l’automobile, les voitures électrique où la bi-motorisation permet déjà de consommer et donc de polluer beaucoup moins avec le même service. Même l’éclairage pollue moins. L’utilisation de LED au lieu d’une ampoule à incandescence permet une même utilisation avec une emprunte énergétique moindre. Les usines aussi sont de plus en plus équipées en panneaux solaires. Les logements demandent moins de consommation pour le chauffage avec la création par exemple des Normes de Haute Qualité Environnementales.

De plus, l’efficience énergétique est justifiée pour des raisons économiques et écologiques. La recherche d’une bonne performance énergétique n’est pas contraire avec le bien-être économique bien au contraire. Quant à la question du coût c’est simple : à chaque fois, une nouvelle technologie coûte plus chère que l’ancienne. Mais avec le temps, les technologies se perfectionnent et les coûts diminuent. Plaçons nous dans une perspective historique. Les premiers avions coûtaient extrêmement trop cher. Cela ne nous a pas empêché de développer ce secteur. L’argument du coût n’est pas valable et ne doit surtout pas empêcher le progrès. Les nouvelles technologies peuvent être plus chères mais leur coût va baisser. C’est notamment le rôle des pouvoirs public de favoriser la recherche et le développement en la matière.

Christian Gollier : En fait, l’histoire de l’Occident depuis plus d’un siècle illustre cela. Nous sommes aujourd’hui dix fois plus riches, et bénéficions en même temps d’un environnement largement moins pollué. Qui se souvient de décembre 1952, quand le smog londonien tua plus de 4000 personnes ? La substitution du charbon par le gaz et le fioul comme source de chauffage urbain a permis à l’époque d’éliminer ce problème écologique. Et on a tendance à l’oublier, mais l’innovation de l’eau courante dans les habitations à la fin du XIXeme siècle a eu un effet sur le mode de vie des gens bien supérieur à la révolution des technologies de l’information que nous connaissons aujourd’hui. Un autre exemple est le trou d’ozone causé par l’utilisation de CFC dans les frigos. La découverte de réfrigérants peu coûteux et aussi efficaces a permis de résoudre rapidement le problème après le Protocole de Montréal en 1987.

En fait, les économistes pensent que le développement économique commence par augmenter la pollution, comme ce fut le cas à l’époque de la première révolution industrielle en Europe, et aujourd’hui en Chine. Mais dans une deuxième étape, les citoyens s’enrichissants valorisent mieux leur environnement et leur santé, et sont prêts à des efforts pour les préserver. Il y a donc de l’espoir. Néanmoins, cette loi empirique ne semble pas se vérifier pour le dioxyde de carbone : les américains émettent 10 fois plus de ce gaz par habitant que les pays africains les plus pauvres.  

Et quelles sont selon vous les innovations "propres" les plus prometteuses sans qu'elles soient susceptibles de changer radicalement nos modes de vie ?

Christian Gollier : C’est une question très difficile. En fait, personne ne peut prédire d’où viendra la solution. Comme les énergies fossiles sont utilisées dans une myriade d’applications, le chauffage, le transport, l’électricité, l’industrie (plastics, textiles,…), c’est une myriade d’innovations qui nous sauvera.


Pourquoi les politiques semblent-ils aussi frileux à accompagner la transition vers une économie verte ?

Jean-Paul Maréchal : Le rôle des politiques est effectivement de mettre en œuvre des mesures qui favorisent cette transition. La priorité est la mise en place d’une fiscalité verte. L’Etat doit dégager 300 milliards pour fonctionner. Que faut il taxer pour dégager ces 300 milliards ? Il est plus intelligent de taxer les conséquences négatives de l’économie comme la pollution ce qui par ailleurs va encourager l’innovation. Il faut donc mettre en place une taxe carbone sérieuse. Il est difficile de dire pourquoi les politiques sont aussi frileux. Dans une réforme fiscale il y a toujours des gagnants et des perdants. Une fiscalité verte prend donc beaucoup de temps à être mise en place puisqu’il faut prendre en compte toutes les conséquences de ce changement. Mais ils sont aussi frileux car les résultats sont à définir à long-terme, décalé des aendas politiques. Par ailleurs la polémique sur la taxe carbone polémique est grotesque. L’insécurité énergétique des Français ne provient pas d’une augmentation minime du prix de l’essence. Le problème, ce sont les salaires dérisoires qui ne permettent pas à un grand nombre de Français de se chauffer convenablement.

Christian Gollier : Vous trouvez ? Venez-vous promener à Boston ou dans la Silicon Valley, et vous trouverez pleins de politiciens enthousiastes et supportifs dans le domaine de la recherche verte ! Mais il faut reconnaître qu’il est toujours difficile de mettre en place une politique publique de soutien à la recherche cohérente. La R&D a besoin de garantie à long terme, de liberté d’entreprendre, et de stabilité des engagements, mais le monde politique français n’a pas de tradition dans ce domaine. 

Selon un sondage, 86% des Français sont conscients qu’ils doivent faire des réels efforts dans leur comportement en matière d’écologie. Comment et pourquoi la société a t-elle intégré ce message ?

Jean-Paul Maréchal : Les gens sont mieux informés. On peut expliquer ce sondage de multiples façons. Il y a beaucoup de communication autour de la pollution. Les questions de santé ont aussi permis cette prise de conscience. Enfin, une génération qui a été sensibilisée dès le plus jeune âge à ces problématiques arrive aujourd’hui à l’âge adulte.

Christian Gollier : C’est assez surprenant, en particulier quand on compare à ce qu’il se passe dans d’autres pays. Aux Etats-Unis, 60% des gens pensent que le changement climatique n’existe pas, ou n’est pas lié à nos émissions de dioxyde de carbone ! En même temps, il faut rester réaliste. Tant qu’on ne touche pas au portefeuille des ménages, tout le monde est pour ! Mais rappelez-vous la taxe carbone de Sarkozy. Dès que les électeurs ont réalisé que cela allait leur coûter de l’argent, les sondages se sont retournés contre le projet, qui fut abandonné.

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