Contaminations Covid massives à l’école ou pas ? La vaste étude italienne qui apporte une réponse <!-- --> | Atlantico.fr
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Les écoles sont des hauts lieux de transmission du coronavirus et de tous les virus à transmission par voie aérosol.
Les écoles sont des hauts lieux de transmission du coronavirus et de tous les virus à transmission par voie aérosol.
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Transmission

Une nouvelle étude italienne montre que l'école est un lieu de transmission important du Covid-19.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Dans une étude publiée fin septembre, "Estimating SARS-CoV-2 transmission in educational settings: A retrospective cohort study", des chercheurs s’interrogent sur la transmission du virus dans le milieu scolaire. Quelles sont les conclusions de cette étude ? Quelle est sa robustesse ?

Antoine Flahault : Dans la petite municipalité lombarde de Mede en Italie, qui compte un peu plus de 6 000 habitants, les chercheurs ont exploré systématiquement les chaînes de transmission de 976 expositions connues au SARS-CoV-2, à partir de 460 personnes identifiées positives pour le virus au début de l’année 2021. Cette recherche faisait partie d’un programme de dépistage scolaire de routine qui testait tous les élèves, les personnels et leurs familles. 50% des contaminations identifiées avaient eu pour origine des foyers familiaux, 21% l’école et 29% des contacts communautaires extra-scolaires et extra-familiaux. Le phénomène de « surdispersion » connue avec le coronavirus a été retrouvé dans cette étude qui a montré que 20% des personnes infectées initialement avaient été à l’origine de 80% des infections secondaires identifiées. Les élèves étaient plus souvent à l’origine des transmissions secondaires et les clusters qu’ils provoquaient étaient de taille plus importante que lorsque l’origine des contaminations était extra-scolaire. Ce type d’étude conduite en population générale, de manière systématique, en prenant avantage d’un programme de dépistage de routine est particulièrement robuste et n’est pas sujet à de nombreux biais inhérents à de nombreux autres schémas d’étude épidémiologique. La transposabilité des résultats provenant d’un village de Lombardie à d’autres populations européennes est bien sûr toujours questionnable, mais semble assez pertinente. La période du recueil de données (début 2021) est bien sûr différente de l’actuelle, puisque les enfants comme les parents ou les personnels n’étaient pas vaccinés à ce moment-là et que le virus était ou bien la souche originelle de Wuhan ou le variant Alpha dont la transmissibilité était différente de celle d’Omicron.

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Est-ce cohérent avec ce que la science avait établi jusque-là ?

Les travaux scientifiques pointent de plus en plus fréquemment le rôle des enfants comme moteur des vagues pandémiques de COVID-19. En soi, cela rejoint les connaissances que l’on avait sur toutes les viroses respiratoires qui ont toujours atteint préférentiellement les enfants et les jeunes. On savait avant la pandémie que 50% des cas de grippe saisonnière étaient rapportés chez les moins de 20 ans. Mais ce rôle des enfants dans la propagation du SARS-CoV-2 est passé sous les radars de la veille sanitaire aux premiers moments de la pandémie, en Chine notamment, mais aussi en Occident. En effet, au début de la pandémie, la pénurie des tests les réservait aux formes graves, aux personnes hospitalisées, parmi lesquelles il y avait très peu d’enfants. A partir du moment où l’on a réalisé des tests chez les enfants, mais aussi pratiqué des sérologies, on s’est rendu compte de leur rôle majeur dans la transmission de ce coronavirus. La huitième vague en France, a démarré en septembre dernier, très clairement par la contamination des 0-9 ans suivie des 10-19 ans, donc des enfants d’âge scolaire. Puis les autres classes d’âge ont rapidement été contaminées à leur tour.

Dans quelle mesure les gouvernements des différents pays occidentaux ont-ils conscience de la problématique de la diffusion en milieu scolaire ? Ont-ils suffisamment préparé les écoles ?

Alors que le rôle des enfants semblait très marginal dans la pandémie de COVID-19, les autorités de presque tous les pays ont fermé les écoles lors des premiers confinements, appliquant une forme de principe de précaution, forts de la connaissance que l’on avait du rôle attendu des enfants dans la transmission des virus respiratoires. Les conséquences de ces fermetures d’écoles à répétition ont beaucoup préoccupé les pédiatres, les enseignants et les politiques qui en Europe et en France notamment ont cherché par la suite à minimiser le rôle des enfants dans la transmission du Covid, influencés par la crainte qu’ils avaient qu’à nouveau les enfants paient le lourd tribut social et éducatif des mesures de riposte contre la pandémie. On était avant l’arrivée des vaccins, mais ces craintes ont dès lors façonné durablement les mentalités. Le caractère apparemment moins sévère du Covid chez l’enfant plaidait aussi pour un maintien des écoles ouvertes. Le port du masque a fini par tomber dans presque tous les pays occidentaux à la faveur de l’arrivée d’Omicron et la large couverture vaccinale de la population. Les nouveaux variants étaient moins virulents, notamment en termes de formes graves ou d’hospitalisations. Dans ce contexte, l’inconnue sur les Covid longs chez les enfants est restée très occultée tant des spécialistes que des politiques.

Les écoles sont-elles notre principale faiblesse face au Covid actuellement ?

Les pouvoirs publics appliquent en France et dans de nombreux autres pays une politique uniquement centrée sur la vaccination. Par ailleurs, la France a le taux de couverture vaccinale chez les 5-11 ans le plus faible d’Europe et la vaccination des jeunes de 12 à 19 ans est très basse également. Il n’y a donc quasiment aucune mesure cherchant à réduire la transmission du coronavirus dans les écoles actuellement alors que l’on sait son extraordinaire propension à s’y propager et créer des clusters familiaux et communautaires. Même les enfants symptomatiques peuvent aller à l’école aujourd’hui, y compris s’ils se savent porteur du coronavirus ou d’un autre virus respiratoire et le diffuser à leurs autres camarades de classe, ou aux personnels sans que l’on cherche à réduire ce risque, y compris par un simple port de masque. Il n’est donc pas étonnant de voir la propagation du virus galoper dans les écoles, puis se répandre dans les familles à grande vitesse en cette rentrée affranchie de toutes mesures. Le très faible nombre de tests en cette rentrée 2022 n’a pas empêché les autorités de constater le phénomène, mais elles n’ont pas réagi pour autant.

Alors que les vacances de la Toussaint approchent, est-il possible de mettre en place des mesures pour limiter les contaminations à l’école cet hiver ?

Les vacances scolaires comme toujours ont un rôle salutaire de frein sur la pandémie, mais il est évidemment très temporaire sur la courbe épidémique. Les écoles sont des hauts lieux de transmission du coronavirus et de tous les virus à transmission par voie aérosol. En effet, les élèves passent de longues heures en forte promiscuité dans des salles de classes souvent mal ventilées. On ne va pas modifier les infrastructures permettant une meilleure ventilation mécanique dans l’ensemble des écoles du pays durant les vacances de la Toussaint, ne rêvons pas ! On peut éventuellement profiter de ces vacances pour passer commande de capteurs de CO2. Lorsque toute ouverture des fenêtres est exclue ou trop difficile, on pourrait chercher à équiper ces écoles de purificateurs d’air. Tout ce qui contribuera à améliorer la qualité de l’air intérieur des écoles sera évidemment très bienvenu, pas uniquement pour réduire le risque de Covid ou de grippe, mais aussi pour assurer une meilleure oxygénation cérébrale des enfants et des personnels, et par là même de meilleures performances scolaires, un moindre absentéisme durant l’hiver et une rétention plus élevée des personnels dans leur emploi, comme tout cela a été clairement montré par de nombreuses études scientifiques.

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