Considérations sur la dette publique<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Jean-Marc Daniel publie « Vivement le libéralisme ! L'actualité économique décryptée » aux éditions Tallandier.
Jean-Marc Daniel publie « Vivement le libéralisme ! L'actualité économique décryptée » aux éditions Tallandier.
©JOEL SAGET / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Marc Daniel publie « Vivement le libéralisme ! L'actualité économique décryptée » aux éditions Tallandier. Entre 2015 et 2022, l’actualité économique a été riche en rebondissements. Elle fut dominée par la rupture politique de l’élection présidentielle américaine de 2016 et celle de l’élection française de 2017, par le Brexit, par le choc imprévisible de la crise de la Covid-19, et par la guerre en Ukraine. Extrait 2/2.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

Voir la bio »

Tandis que l’explosion de la dette publique est devenue, à juste titre, un sujet de préoccupation, plusieurs des analyses que cette explosion suscite sont, à bien des égards, saugrenues.

C’est ainsi que certains parlent d’émettre de la dette perpétuelle pour ne pas avoir à la rembourser. Ils oublient qu’en pratique, la dette publique est déjà perpétuelle. En effet, les États se contentent de verser les intérêts. Depuis le début du XIXe siècle, aucun crédit n’est inscrit dans leur budget pour le remboursement de leur dette. De nos jours, chaque fois qu’un emprunt arrive à échéance, il est immédiatement replacé.

Le paramètre sur la durée duquel on peut jouer n’est pas le montant de la dette, mais le taux d’intérêt qu’elle porte. Et éviter que ce taux d’intérêt n’évolue de façon trop erratique relève de l’action de la Banque centrale. Le statut de la Réserve fédérale américaine est explicite en la matière puisqu’il définit sa mission comme suit :

Maintenir en moyenne une croissance des agrégats monétaires et de la quantité de crédit compatible avec le potentiel de croissance de la production, de manière à tendre vers les objectifs suivants : un taux d’emploi maximum ; des prix stables ; des taux d’intérêt à long terme peu élevés.

Bien qu’indépendantes, les Banques centrales maintiennent désormais des taux très bas dans le but assumé d’alléger la charge d’intérêt des États.

Pourtant, certains vont plus loin et proposent, pour réduire encore cette charge, d’annuler la part de dette publique détenue par la Banque centrale. Cette annulation serait inutile sur un plan strictement financier. En effet, la Banque centrale reverse à l’État les intérêts qu’il lui a versés sur sa dette.

À Lire Aussi

De l’utilisation subtile des deniers publics : le pouvoir d’achat ou le devoir de rachat de la classe politique auprès des Français

Dès lors, certains se montrent encore plus radicaux et évoquent l’annulation de toute ou partie de la dette détenue par le public. Jadis, on appelait cela une banqueroute ; aujourd’hui, on parle de « haircut »… ! Quel que soit le terme utilisé, la banqueroute reste, pour reprendre une expression célèbre de Mirabeau dans un discours de septembre 1789, « hideuse ». Et la Constitution de la Deuxième République, promulguée en novembre 1848, dont nul ne peut contester le caractère démocratique, stipulait dans son article 14 : « La dette publique est garantie. Toute espèce d’engagement pris par l’État avec ses créanciers est inviolable. »

Dans cette prolifération d’arguties plus ou moins byzantines, certains soutiennent que, finalement, le meilleur moyen de traiter le problème de la dette publique est de l’ignorer… Pour eux, dette effectivement perpétuelle, bas taux d’intérêt et rachat par la Banque centrale permettent d’effacer la charge nette d’intérêt, c’est-à-dire celle réellement payée par l’État ; ce qui l’autorise à s’endetter sans limite. Ils mettent en avant le cas du Japon. Selon la définition de la dette retenue par l’OCDE, son ratio dette publique/ PIB est passé de 136 % du PIB en 2001 à 226 % en 2019. Le gouvernement nippon envisage sereinement qu’il puisse atteindre 600 % en 2060. Son insouciance tient à ce que, grâce à une politique monétaire ultra-accommodante et à une détention de 40 % de la dette publique par la Banque centrale, la charge nette d’intérêt a été ramenée à zéro en 2019.

Tous ces sophismes masquent une réalité qui devrait s’imposer à tous, à savoir qu’un endettement infini est impossible. Pour bien le comprendre, il convient de commencer par écarter certains poncifs erronés. Le plus courant est d’affirmer que c’est la raréfaction progressive des prêteurs qui fixe une borne au-delà de laquelle les États ne peuvent plus emprunter. Ceux qui pensent que les États sont contraints par la nécessité de persuader « les marchés » de les financer oublient que, dès lors que la Banque centrale agit en prêteur en dernier ressort, les banques achètent et achèteront sans problème une dette dont elles pourront, si elles le souhaitent, se défaire en la lui revendant.

La limite est ailleurs. La dette publique est la somme des déficits accumulés, c’est-à-dire des dépenses non financées par les impôts. La question de fond est donc de savoir si un État peut vivre durablement en dépensant plus qu’il ne collecte.

La réponse réside d’abord dans ce principe fondateur de la science économique qu’est l’égalité entre l’offre et la demande. Toute dépense publique non financée par un prélèvement sur la dépense privée augmente la demande. Si cette augmentation se pérennise, elle entraîne, soit un apport d’offre extérieure, c’est-à-dire un creusement du déficit commercial, soit une possibilité offerte au système productif d’augmenter ses prix, c’est-à-dire une relance de l’inflation. Elle réside ensuite dans le fait que l’augmentation de la dette publique provoque des anticipations négatives chez les acteurs privés. Dans un premier temps, le réflexe d’épargne pour affronter un avenir fiscal rendu incertain par l’accumulation de dette conduit à une augmentation du prix des actifs dont les bulles immobilières sont les traductions les plus manifestes. C’est ce que les économistes appellent l’« équivalence ricardienne ». Dans un second temps, ces anticipations négatives érodent la crédibilité de la monnaie. Les pays qui, comme le Liban, ont vu leur devise disparaître au profit du dollar du fait de l’emballement de l’endettement public sont rares. Néanmoins, nous assistons à un retour en force de l’or, qui demeure dans l’inconscient collectif l’ultime recours monétaire, retour en force que souligne l’envolée de ses cours.

La réduction de la dette publique est donc d’autant plus indispensable qu’elle répond aux angoisses de la population.

Et, dans un contexte de fiscalité confiscatoire, elle ne peut venir que d’une baisse drastique des dépenses publiques.

A lire aussi : De l’utilisation subtile des deniers publics : le pouvoir d’achat ou le devoir de rachat de la classe politique auprès des Françai

Extrait du livre de Jean-Marc Daniel, « Vivement le libéralisme ! L'actualité économique décryptée », publié aux éditions Tallandier

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !