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Un critère d’écart de revenus serait un signal clair envoyé aux entreprises qui veulent bénéficier de l’argent des contribuables.
Un critère d’écart de revenus serait un signal clair envoyé aux entreprises qui veulent bénéficier de l’argent des contribuables.
©DR

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Avec 200 à 210 milliards d’euros annuels selon les sources, la commande publique représente environ près de 10 à 15% du PIB. Elle reste encore sous-exploitée.

La commande publique en 2022 représente un volume d’environ 211 000 marchés pour 210 milliards d’euros en 2022. Malgré un contexte macro-économique difficile (l’après crise sanitaire, l’inflation par la création monétaire et les coûts, le marché dérégulé de l’électricité avec plus de 100 fournisseurs d’électricité, le conflit en Ukraine et les effets du réchauffement climatique qui sont déjà là), les marchés publics restent inébranlables et continuent d’être une source incontournable de chiffre d’affaires pour les entreprises, et notamment les TPE et PME.

Les PME restent d’ailleurs en tête des attributaires en 2022 avec 47% à 49% en volume et en valeur, loin devant les groupements d’entreprises, les ETI et grands groupes.

Avec 200 à 210 milliards d’euros annuels selon les sources, la commande publique représente environ près de 10 à 15% du PIB. Si elle constitue un levier préférentiel pour engager les entreprises dans une démarche sociale et environnementale, elle reste malheureusement encore sous-exploitée.

Les lois liées au développement durable

En 2010, les critères RSE représentaient seulement 5% dans la notation du mémoire technique par les acheteurs publics. Aujourd'hui, grâce aux évolutions de l'achat public, le durable compte pour 25% de la notation. À l’horizon 2026, au moins un critère d'attribution devra tenir compte des caractéristiques environnementales de l'offre. 

Les acheteurs publics ont aujourd’hui l’obligation de prendre en compte les objectifs de développement durable dès la définition de leurs besoins (des logements mieux isolés, de la mobilité douce, une alimentation plus durable, un soutien aux énergies alternatives, moins de bétonisation, des villes moins polluées, etc.). Ils doivent être particulièrement attentifs et exigeants quant au choix des entreprises sélectionnées pour exécuter leurs marchés.

Le SPASER (Schéma de Promotion des Achats Responsables) impose aux acheteurs publics qui dépensent au-dessus de 100 millions d’euros H.T. par an de procéder à des achats responsables tant sur le plan social qu’environnemental.

La loi Climat et Résilience vise à renforcer à la fois la transparence du SPASER et à en préciser le contenu (avec des indicateurs précis en volume ou en valeur). Les acheteurs devront être transparents sur les objectifs qu’ils ciblent et le taux réel d’achats publics relevant de catégories de l’achat socialement ou écologiquement responsable.

Au 1er janvier 2025, l’État mettra à la disposition des pouvoirs adjudicateurs des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat. Ces outils permettront une meilleure prise en considération de l’impact sur le long terme des achats effectués (maintenance, réparabilité, durée de vie, recyclable ainsi que les impacts liés à la production : GES, pollution atmosphérique, déforestation, etc.).

Des critères sociaux pour un autre paradigme

À côté de ces lois, qui sont des avancées, des voix se font entendre pour aller plus loin dans l’attribution des marchés publics, lesquels ne sont rien d’autres que l’argent du contribuable. 

Parmi ces voix, l’Institut Rousseau a récemment reçu Gaël GIRAUD qui a expliqué que les marchés publics représentent un outil intéressant pour agir sur la distribution primaire des revenus. En effet, la fiscalité seule sera insuffisante pour combattre les inégalités dans une société dont le régime énergétique est en train d’être bousculé par les énergies renouvelables. 

Selon lui, pour être éligible à un appel d’offres public, il faudrait que l’entreprise soit conforme à un certain nombre de critères, à l’instar du nombre de personnes handicapés en activité, de la part des femmes et des hommes dans les lieux de pouvoir ou encore de l’échelle de revenus.

En effet, l’écart des salaires est aujourd’hui, en France, de l’ordre de 1 à 1 000, très loin de l’écart maximal acceptable de 1 à 20 prôné en son temps par JP MORGAN. Pourquoi alors ne pas conditionner l’accès à la commande publique à une échelle de revenus raisonnée ? L’écart pourrait être de 1 à 100 les premières années avant de passer de 1 à 20 ou de 1 à 12, à l’instar de la fonction publique française. Ce facteur 12 permet aussi de rappeler que personne ne peut créer en un mois plus de richesses que quiconque en un an.

Certains diront sans doute que ce critère d’échelle des revenus peut paraître autoritaire, à tort d’ailleurs car l’entreprise reste libre dans la fixation de ses niveaux de salaires. Seulement, si cette même entreprise souhaite de l’argent public, alors elle doit se conformer à une échelle fixée par les acheteurs publics. Avec 130 000 acheteurs publics répartis sur le territoire, un tel critère aurait un impact important et permettrait aussi de fixer des limites dans un monde qui en a clairement besoin. Ce critère favoriserait aussi la transparence des salaires dans les entreprises adjudicataires. 

Selon France Marchés, le spécialiste de l’appel d’offre et de l’achat public, ce critère de l’échelle des revenus n’est aujourd’hui pas présent dans les avis publiés.

Pourtant, avec un tel critère, les marchés publics agiraient sur l’entreprise elle-même, laquelle décide principalement de la distribution primaire des revenus. On changerait de paradigme sans toucher au statut même de l’entreprise dans le Code Civil et de son article 1832. Un critère d’écart de revenus serait un signal clair envoyé aux entreprises qui veulent bénéficier de l’argent des contribuables. Pour les autres, il y aura toujours la « main invisible » du marché.

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