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Comparer la situation des banques portugaises à celle des banques espagnoles n'a aucun sens
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Torchons et serviettes

Les difficultés structurelles rencontrées par les banques espagnoles sont bien plus graves que celles que traversent les banques portugaises qui ont vu leur situation s'améliorer à partir de 2010.

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Les banques portugaises sont actuellement dans une phase surprenante de redressement au moment où le gouvernement Coelho cherche à redresser son pays. La situation des banques portugaises contraste étonnement avec celle de son voisin l’Espagne. Tout d’abord les banques portugaises ont renforcé leur solvabilité ainsi que leur liquidité en partie grâce aux interventions récentes de la BCE. La situation au Portugal est intéressante à deux égards : tout d’abord les efforts pour améliorer la situation des finances publiques ne sont pas récompensés alors que le pays a strictement appliqué les mesures imposées par ses créanciers et notamment le FMI. En parallèle le secteur bancaire améliore sa situation. L’une des particularités du Portugal est que précisément l’année 2010, date de la demande d’aide au FMI, année difficile sur le plan des finances publiques, a vu le début d’un retournement spectaculaire de ses banques.

Les ratios de solvabilité se sont récemment améliorés et en particulier le core tier one qui passe de 9% à la fin 2011 à 10% à la fin 2012 selon les données de BNP Paribas Research. On observe un renforcement des fonds propres durs et une réduction des actifs pondérés. Les banques portugaises ont fait appel aux fonds publics, c'est notamment le cas de la CGD, la BCP, et la BPI, pour se recapitaliser, il faut savoir que le FMI qui a en partie financé cette recapitalisation dispose encore de plus de deux tiers de ses ressources initiales pour venir en aide à d’autres banques portugaises si besoin est.

Le goulot d’étranglement sur la liquidité interbancaire fait que finalement la BCE a eu pour le coup un rôle tout à fait rapide et essentiel sur la santé du secteur bancaire portugais. Pourquoi l’Espagne attend autant ? D’après BNP Paribas Research, en août, le montant cumulé emprunté auprès de l’eurosystème atteignait 55 milliards d’euros soit 9,7% de leurs actifs contre 8% en 2010. Les banques portugaises c’est 4,5% de la totalité des opérations de politique monétaire de la BCE alors que le poids des actifs bancaires dans la zone euro n’est que de 1,7%.

Une autre différence avec l’Espagne est que le Portugal épargne et à ce titre ressemble plus à la France. L’encours total des dépôts a augmenté de 3% entre janvier 2011 et juillet 2012 grâce à une forte accélération des dépôts des ménages. De plus les taux de rémunération des dépôts restent élevés.

Sur fonds de profonde récession, et de baisse des revenus des ménages faut-il craindre à terme une baisse de la demande de services bancaires, à l’image de ce qui se déroule en Espagne ou en Grèce ? Non, dans ces deux pays, les banques rencontrent des difficultés structurelles autrement plus graves : éclatement de la bulle immobilière en Espagne, ventes jugées abusives de produits financiers complexes aux ménages en Espagne, exposition poussée au risque souverain et effondrement économique en Grèce.

Point d’achoppement : on passe d’un processus de mutualisation des risques vers un processus de segmentation sélection avec contraction des crédits à la consommation et aux entreprises privées. Du coup l’un des risques aujourd’hui, est d’exposer le Portugal à un financement extérieur déjà important notamment pour ce qui concerne la construction immobilière et les services. Du coup, les ratios de crédits à risque même s’ils ont augmenté récemment (impayés à 90 jours + Prêts douteux + Prêts non performants) sont dans une phase de rationalisation. En juillet 2012, ce ratio s’établissait à 9,3% soit plus du double qu’un an plus tôt. Sur le segment ménage, le ratio était de 3,6 avec des augmentations d’impayés sur le crédit à la consommation plus que le crédit immobilier.  

Si les profits ont été divisés par 3 entre 2007 et 2011 pour les principaux établissements, en 2011 grâce à la BCE nous assistons à un retournement du crédit et à un assainissement des bilans, l’activité internationale en Angola et au Mozambique ainsi qu’au Brésil permettant d’amortir légèrement celle du marché domestique.

Ces progrès ne doivent pas cependant laisser croire en un eldorado bancaire. La faiblesse du système portugais résidait dans un ratio crédits sur dépôts trop élevé qui se réduit sensiblement maintenant, mais aussi dans sa large exposition à la dette souveraine. Ce dernier point semble s’accentuer. Notons que des taux d’intérêt réels négatifs au moment de l’unification monétaire ont largement contribué à endormir les banques en laissant de coté l’aspect prudentiel. Les cours de Bourse à leurs plus bas niveaux soulignent aussi les limites du programme d’assistance : dans un univers récessif la solvabilité ne signifie pas solidité et les injections de liquidité, sur un mode artificiel, ne suffiront pas à elles seules à restaurer une rentabilité structurelle. Briser la circularité du lien banques-Etat (l’Etat ne renflouerait plus les banques), comme le prône le projet d’union bancaire de la Commission, limiterait la contagion des crises. Il est moins sûr, cependant, que cela découragerait les banques de continuer à investir sur les marchés de la dette souveraine.

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