Comment sauver le soldat Bruno Le Maire ? Épargné par les agences de notation, le ministre va se retrouver sous la menace d’une motion de censure <!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire, ministre de l'Economie.
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie.
©Alain JOCARD / AFP

Atlantico Business

Alors que Fitch et Moody’s n'ont finalement pas "dégradé" la France, Bruno Le Maire a sans doute retrouvé un peu d’oxygène pendant le week-end, sauf que depuis lundi matin, le ministre de l'Économie fait face à une classe politique qui cherche à profiter de la situation pour présenter une motion de censure...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les six mois qui viennent risquent d’être très compliqués pour Bruno Le Maire qui peut cristalliser toutes les colères de la classe politique. La décision des agences Fitch et Moody’s de ne pas dégrader la France ne règle pas sur le fond, le problème français. Pour beaucoup d’observateurs et d’analystes, la France serait non pas au bord de la faillite, mais dans une situation très fragile financièrement.  

La dette publique atteint un niveau qui parait désormais insoutenable au monde bancaire. Non pas parce que les montants sont gigantesques comme le croient beaucoup (3100 milliards, soit 118% du PIB), mais parce que les frais financiers correspondant à cette dette, ne sont pas couverts par les ressources. Et ça risque de s’aggraver d’année en année. 

Sur 2027, à la fin du quinquennat, les frais financiers représenteront plus de 82 milliards d'euros par an, ce qui veut dire que le service de la dette deviendra le premier poste de dépenses de l’Etat, devant le budget de l'Education nationale ou celui de la Santé. 

Le problème de la France est très simple : la charge de la dette augmente plus vite que la croissance. Cette logique implacable nous mène directement à la faillite parce que dans ce cas, la France aurait du mal à trouver du financement. Ce que veulent les banques, ça n’est pas qu'il y ait moins de dettes. Ce qu’elles veulent, c’est que l’emprunteur, qui est leur client, puisse payer les intérêts de la dette sans problème. 

Or si on ne redresse pas la barre ça risque d’être le cas pour la France. 

Les agences de notation qui connaissent cette mécanique n’ont pas sanctionné la France parce qu’elle espère que les autorités de Bercy trouveront la solution pour l'éviter. Et c’est évidemment à Bruno Le Maire de trouver la solution... exercice impossible parce qu’il va se retrouver avec une classe politique qui ne lui laisse aucune marge de manoeuvre :

- Il lui faut trouver de la croissance mais la croissance ne tombe pas du ciel. Elle dépend beaucoup de la conjoncture européenne et actuellement l'Union européenne est en panne. 

- Dans ces conditions, il faut trouver des impôts supplémentaires mais les engagements du président de la Répuplique le lui interdisent.

- Ou alors il lui faut trouver des économies de dépenses publiques et/ou sociales mais la société française est tellement inflammable que la moindre initiative, qui reviendrait à toucher à une subvention ou à une allocation, risquerait de mettre le feu aux quartiers difficiles, aux groupement professionnels très organisés, ou aux syndicats. La France des Gilets jaunes et du Covid, la France soumise aux tensions inflationnistes et addicte aux protections corporatistes, la France des niches sociales... toute la France se protège et résiste. Rien que la semaine dernière, on a vu les syndicats de la SNCF obtenir un aménagement des conditions de retraites qui permet d’avance les dates de départ ? On a vu les contrôleurs du ciel obtenir une augmentation de leurs salaires dont la légitimité est tellement douteuse que les parties se sont engagées à respecter la confidentialité des négociations. Ne parlons pas de tout ce qui va se passer à l'approche des Jeux olympiques, pour éviter les grèves sauvages ou les bugs. 

Cette France-là convoque bien évidemment des responsabilités qui vont au-delà de celles qui incombent aux locataires de Bercy, c’est-à-dire à Bruno Le Maire et ses équipes. Concrètement, le ministre de l‘Economie et des Finances doit présenter un projet de budget rectificatif qui tienne compte de 50 milliards de dépenses en moins soit sous forme de rabotage systématique, soit par le biais de réformes de structure. 

Mais actuellement il ne trouvera pas de majorité pour faire voter une politique budgétaire plus rigoureuse ou des réformes de structures qui réduiraient le périmètre de l’Etat. Plus grave, il risque de provoquer une motion de censure en cas de vote négatif. L'extrême gauche comme l'extrême droite veulent la peau du gouvernement et même celle du président de la République. Les députés plus modérés mais opposés à Emmanuel Macron à droite comme à gauche critiquent la dette mais n’ont aucune solution alternative. 

Bruno Le Maire est donc assez coincé parce qu’il n’a pas de soutien politique au Parlement et certains jours il se retrouve bien seul. Alors c’est l'ensemble de l'exécutif qui est redevable de la situation. Le ministre de l'Economie a tenu les comptes, il a administré les effets des décisions prises au sommet du gouvernement, il a signé des chèques, beaucoup de chèques. Personne ne lui en tenait rigueur quand il fallait payer les vaccins du cCovid, ou calmer les Gilets jaunes... personne ne lui a reproché de négocier des taux au plus bas avec les banques internationales mais le jour où il a fallu arrêter "le quoi qu'il coute",  rares sont les députés qui ont suggéré des idées. 

Le soldat Bruno Le Maire risque de se retrouver bien seul. 

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