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Comment rester productif quand on doit s'occuper d'un nouveau-né
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Séminaire, ok, couches, ok.

L'arrivée d'un nouveau-né perturbe indéniablement le quotidien des parents. Pourtant, si les deux membres du couple voient leur productivité affectée, les mères sont les plus touchées.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : C'est une évidence que l'arrivée d'un nouveau-né au sein d'un couple en activité perturbe le quotidien. Comment rester productif avec un nouveau-né ?

Pierre Duriot:  La question est à géométrie variable, c’est aussi une question de culture et de classe sociale. On a historiquement, de ces nouveaux-nés de classes sociales élevées confiés à des nourrices morvandelles et d’autres, de condition plus populaire, à la maison, avec une mère qui ne travaille pas, professionnellement, mais se consacre aux tâches ménagères. Même si l’époque a changé, la condition féminine aussi, les orientations actuelles du gouvernement en matière d’octroi de congés parentaux montrent bien que ce sont les mères, encore, qui le plus souvent restent à la maison, mettent entre parenthèses leur vie professionnelle et leurs espoirs de promotion. La maternité y est pour quelque chose dans les écarts de salaires constatés entre hommes et femmes. Les cadres supérieurs restant plus actifs à la naissance d’un enfant sont encore les plus nombreux et les femmes de haut niveau d’études savent gérer à la fois carrière et maternité : Rachida Dati par exemple, pourrait être considérée comme emblématique de son milieu.

Dans d’autres couples, de classe moins aisée, ou de culture différente, les mamans sont encore largement en congé parental sur des périodes plus ou moins longues. La question de l’organisation du domicile familial ne s’entend que lorsqu’il y a possibilité de télétravail, ce qui n’est pas encore si répandu que cela. En fait, il n’y a pas de recette globale et au vu des exemples rencontrés dans mon cadre professionnel, la capacité à rester productif dépend surtout de la volonté des parents qui savent parfaitement trouver des solutions pour rester branchés avec leur travail. La tentation de se laisser aller à une doucereuse dyade avec l’enfant petit est souvent suffisamment puissante pour que l’envie de rester productif soit reléguée au second plan. Et les dispositifs d’aide sociale le permettent.

Est-il concrètement réalisable de travailler et de s'occuper d'un nouveau-né simultanément avec la même productivité ?

Non bien sûr, concrètement, il faut veiller à nourrir l’enfant, le changer, lui parler, le toucher, le cajoler, stimuler ses sens, lui faire prendre l’air, tout un éventail de soins et de sollicitations qui vont présider à sa construction, son développement physique et psychique, conditionner ses capacités futures à grandir, se détacher, aimer, communiquer, se socialiser… On ne le soupçonne pas sur le moment mais de graves lacunes affectives ou dans les soins font de gros dégâts quand l’enfant est petit. On doit prendre le temps d’apporter tout ce qui est nécessaire et donc fatalement, perdre un peu de sa productivité. L’adulte va en plus avoir une fatigue à gérer du fait du nouveau-né et sera moins effectif dans son travail, à divers degrés et selon qui dans le couple, s’occupe le plus de l’enfant.

Le père et la mère sont-ils égaux face au temps consacré à un nouveau-né ? Peuvent-ils rester aussi productifs l'un que l'autre ?

 Ils sont égaux, ou du moins ils le devraient, pas avec un nouveau né, mais dans la durée de toute l’enfance et pas forcément au même moment, ni pour les mêmes choses. Si l’enfant a besoin de ses deux parents durant son enfance, l’un et l’autre ont des rôles spécifiques et vouloir mettre père et mère en permanence au même rang devant les mêmes tâches est une forme de terrorisme idéologique (très à la mode) mais qui n’a pas la moindre justification éducative. A certains moments, la mère va être en pointe et à d’autres, ce sera le père, qui n’apportent pas les mêmes choses et construisent des aspects différents chez l’enfant. Mais pendant l’allaitement, d’autant plus s’il est au sein, la mère est bien évidemment plus requise que le père. L’enfant, dans ses premiers mois, se structure beaucoup au contact maternel, par le toucher, la voix, l’affection, les soins et elle est irremplaçable, sinon par une autre femme. Puis le père va monter en puissance, se retrouver seul même avec l’enfant qui devra savoir se passer de sa mère pour arriver à grandir.

Mais le travail et la productivité ne sont pas les plus menacés quand l’enfant paraît, c’est le couple qui souffre le plus ! La naissance est dans la majorité des cas un facteur d’éloignement des adultes et notre époque moderne a ceci de particulier qu’elle marginalise souvent le père et place l’enfant au centre de la famille. Dans de très nombreux cas, l’éloignement progressif de l’enfant et de la mère n’a pas lieu et le couple, au lieu de se reformer passé les premiers mois, se délite, remplacé plus ou moins par un couple adulte/enfant, généralement avec la mère et occasionne de fréquentes destructions progressives des couples d’adultes suivies de divorces. Le couple doit rester le centre de la famille, car dès qu’il est né l’enfant est destiné à partir et tout le travail éducatif consiste à lui donner la capacité de partir dans les meilleures conditions possibles, pas de lui donner l’illusion que père et mère seront toujours là pour le servir. C’est cet aspect là, plus que la survie professionnelle qui est mis à rude épreuve lors d’une naissance. Il y a danger pour l’enfant à devenir le centre exclusif de la famille, donc pour lui, du monde, danger d’une future incapacité, à n’être plus le centre de toutes les attentions, à supporter les frustrations, les séparations, à savoir aimer… tout cela a maintes fois été expliqué dans de nombreux livres de qualité écrits par de grands pédiatres. 

Mettre rapidement son bébé à la garderie pour ne pas que la nouvelle maternité ou paternité entrave sa carrière ou ses activités est-elle une bonne solution ? Inversement, les parents doivent-ils tout refréner pour s'occuper complètement de leur enfant ?

Oui et non, quelle que soit la solution adoptée, il faut savoir passer du temps avec son enfant durant les premiers mois bien sûr, pendant lesquels l’enfant doit être nourri dès qu’il en exprime le besoin, pendant lesquels la future « solidité » psychique se conditionne au contact de l’enfant avec sa mère. Mais il faut ensuite savoir prendre de la distance, faire comprendre à cet enfant que ses désirs ne sont pas des ordres, entrer dans ce que Winnicott a appelé « la mère suffisamment bonne », prévenante, mais pas aux ordres. C’est cette phase qui pose souvent problème tant il semble écrit que le sacrifice pour les enfants doit être total dans nos sociétés modernes sacralisant l’enfant et l’érigeant en tant qu’être complet. Il est seulement en construction, en devenir et il faut prendre le temps de le construire, par le jeu, la parole, la découverte commune, l’action conjointe, mais ce n’est pas incompatible avec le travail, ni avec la garderie et l’enfant en construction ne nécessite pas que l’on s’occupe tout le temps de lui. Mais nous culpabilisons souvent de le mettre à la garderie, à l’école, nous sentons coupables, de ne pas en faire assez alors que nous en faisons déjà trop. Alors nous compensons, en cédant beaucoup sur le mode « rien n’est trop beau pour mon enfant », ou « la frustration risquerait de le traumatiser »… jusqu’à ce que l’on n’en puisse plus et que l’on se retrouve dans une impasse avec l’un de ces enfants tyranniques bien connus des cabinets de psychologie. Mais il y a aussi maintenant de ces enfants abandonniques, ballottés au gré de nos vicissitudes amoureuses ou professionnelles… plus que le travail, la garderie ou l’école, il faut réussir son couple et sa séparation, non pas d’avec sa femme ou son mari, mais d’avec son enfant qui grandit.

Propos recueillis par Marianne Murat

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