Comment nos maires sont devenus les plus grands bâtisseurs de mosquées de France<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy a finalisé en 2003 le cadre des relations entre l’Etat et l’islam.
Nicolas Sarkozy a finalisé en 2003 le cadre des relations entre l’Etat et l’islam.
©Reuters

Bonnes feuilles

L'auteur Élisabeth Schemla dénonce la pénétration progressive de la France par l'islamisme et son prodigieux écho dans la "génération islam". Extrait de "Islam, l'épreuve française" (1/2).

Élisabeth Schemla

Élisabeth Schemla

Élisabeth Schemla a été rédactrice en chef du Nouvel Observateur et directrice adjointe de l’Express avant de fonder le site proche-orient.info. Spécialiste du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient depuis plus de trente ans, elle a publié six ouvrages chez Flammarion dont deux best-sellers : Edtih Cresson : la femme piégée et Une Algérienne debout, entretiens avec Khalida Messaoudi.

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Disons-le clairement : pour la construction des lieux de culte, quasiment aucun maire ou élu local qui, tout en se gargarisant du mot et en affirmant sa plus grande fidélité à la lettre, ait respecté la laïcité telle que la définit la loi de 1905. Pourquoi ? D’abord parce que l’État lui- même a été obligé de donner l’exemple. Pouvait-il agir autrement ? Certainement pas. Il avait affaire à de l’inédit : une religion, prosélyte, installée, deuxième en importance, venant concurrencer des cultes sécularisés depuis longtemps. Il a bien fallu qu’il mette son nez dans l’organisation de la pratique musulmane après le coup de tonnerre de la révolution de 1989, sous peine de laisser aller complètement à la dérive une partie importante de la nation. Dans quel état serait- elle en 2013 si l’État s’était tout à fait abstenu ?

Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur PS, a donc accéléré le processus en signant en 2001 avec les organisations musulmanes une sorte de code de conduite. Il définit les principes et fondements juridiques gouvernant les relations entre les pouvoirs publics et la religion musulmane. Mais quelle ambiguïté et quelle faiblesse républicaine ! Pourquoi donc a-t-il voulu que ce code laïc français porte officiellement un nom arabe, Al Istîchara ? Beaucoup plus grave. Ses interlocuteurs exigeaient et ont obtenu que le renoncement à l’apostasie soit retiré du texte, sous peine de ne pas le signer. Ce qui en dit quand même long sur leur état d’esprit. Une peccadille ? Tiens donc… Qaradaoui, le maître à penser de l’UOIF et des Frères musulmans, le prêcheur star d’Al-Jazeera, vient encore de déclarer : "Si nous abolissions le châtiment pour apostasie, l’islam n’existerait pas aujourd’hui." Le châtiment : la mort. Cette année, en Égypte, une femme et ses sept enfants peuvent donc s’estimer heureux : ils ont été condamnés à seulement quinze ans de prison pour s’être convertis au christianisme. Plus près de nous, en Algérie, en 2011, un homme a écopé, lui, de cinq ans. En France, les imams peuvent ainsi s’en servir auprès de leurs ouailles dans les mosquées pour empêcher les conversions, et ils ne s’en privent pas. Il y a bel et bien une sorte de "droit" résiduel à l’apostasie. Les successeurs de Chevènement, le socialiste Daniel Vaillant et l’UMP Nicolas Sarkozy, ne sont pas revenus là-dessus. Pas plus pour l’instant que Manuel Valls.

C’est Nicolas Sarkozy qui a finalisé en 2003 le cadre de ces relations entre l’État et l’islam avec la création du CFCM. Convaincu comme toujours qu’il allait réussir mieux que les autres, l’ex-maire de Neuilly a célébré avant l’heure un mariage pour tous : islamistes en masse, sortis grands vainqueurs d’une élection au mètre carré des lieux de prière, Mosquée de Paris cooptée pour l’équilibre, un tiers des membres du conseil d’administration nommé par le gouvernement pour mieux contrôler. Une chakchouka, qui devait vite tourner. A vrai dire, le CFCM était exactement à l’image de l’islam que l’on avait laissé s’installer clandestinement depuis vingt ans. Pour la première fois dans l’histoire de la France, cette religion obtenait une reconnaissance et une place officielles. Il le fallait. Mais quel islam archaïque à tout le moins, intégriste souvent ! La gauche était la principale responsable, certes, mais elle était hors circuit en 2003 et pour longtemps.

Le moment était donc béni pour un début de sécularisation. A la clé, pour les organisations musulmanes, une aide déterminante de l’État. Sarkozy, qui s’adjugeait là un bel électorat potentiel pour son destin présidentiel, a eu parfaitement raison de vouloir finaliser. Mais il aurait dû exiger tout de suite les conditions non négociables de cette intronisation. Une allégeance à la laïcité, le renoncement à la diffusion de tout ce qui, dans la législation divine, est en contravention avec les lois de la République, le Coran renfermant aussi une infinité de préceptes de fraternité et d’ouverture qui changent la couleur du message ; des imams étrangers parlant obligatoirement français ; un plan décennal de remplacement intégral de ces prêcheurs venus d’ailleurs par des hommes du culte français, et la mise en place d’une formation sous contrat avec l’État ou en terre concordataire ; même chose pour les établissements scolaires. Enfin, des plans de financement du millier de mosquées à venir qui excluraient les fonds étrangers. Du donnant-donnant, un esprit de responsabilité. Cela exige du courage politique, l’amour des valeurs de son pays et, osons ce mot grossier, le respect de la patrie. Au lieu de ça, Sarkozy prononce cette phrase qui à sa façon vaut bien celle de Jospin et fait se frotter les mains les fondamentalistes musulmans de tout poil : "Je sais qu’il y a des gens qui aiment les musulmans tant qu’ils les ont choisis parce qu’ils leur ressemblent. Mais si la tolérance c’est seulement dialoguer avec des gens qui sont comme vous, cela atteint rapidement ses limites." Esprit du temps, quand tu nous tiens… Pire, une fois le CFCM à majorité islamiste installé, exactement comme le Conseil d’Etat avait abandonné à leur sort les chefs d’établissement, Sarkozy laisse les maires et les élus que la décentralisation a rendus très puissants se débrouiller tout seuls. En particulier pour l’édification des lieux de culte. Dalil Boubakeur, ex- président du CFCM et recteur de la Grande Mosquée de Paris, peut dire non sans humour : "Aujourd’hui, les maires sont les premiers bâtisseurs de mosquées."

Extrait de "Islam, l'épreuve française" (Plon), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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