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Comment certaines féministes se tirent une balle dans le pied en considérant les hommes comme des ennemis
©Pixabay

Mauvais genre

Le "man-bashing" qui consiste à considérer que l'homme est l'ennemi est une pratique de plus en plus courante dans certains milieux féministes. Au point que d'autres féministes s'alarment de voir se développer une conception de l'égalité homme-femme paradoxalement de plus en plus inégalitaire.

Peggy Sastre

Peggy Sastre

Peggy Sastre est écrivaine et traductrice. Elle est l'auteure de "Ex Utero : pour en finir avec le féminisme" et de "La domination masculine n'existe pas".

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Atlantico : Plusieurs voix féministes s'élèvent aujourd'hui en Occident pour dénoncer l'agressivité dont font preuve les représentantes de certains mouvements censés militer pour les droits des femmes à l'égard des hommes, considérés comme des adversaires. Dans quelle mesure la réaction de ces femmes est-elle légitime à l'heure actuelle ? En quoi cette attitude est-elle elle-même sexiste et donc contre-productive selon vous ?

Peggy Sastre : Principalement parce qu'elle entrave la mixité sociale, qui est l'un des principaux facteurs de progrès humain - les sociétés s'améliorent quand elles se décloisonnent. Le "boy club" est à mon sens a priori aussi nocif que la réunion de "bonnes femmes". Comprendre le réel (et donc être en mesure de le modifier) exige une certaine objectivité, ce qui demande d'adopter divers points de vue, de réfléchir à ses propres biais, etc. Rester entre soi, désigner un ennemi générique, effacer les variations et les différences individuelles pour le "bien" d'une idéologie ne sert qu'à construire et alimenter une communauté aux dépends d'autres, pas à réformer le genre de sociétés pluralistes et pacifiées dans lesquelles nous avons encore la chance de vivre. Donc oui, que des féministes s'élèvent aujourd'hui contre cette tendance est à mon avis légitime. Le féminisme doit travailler à permettre une égalité en droits entre tous les membres d'une société, quel que soit leur sexe, pas à construire de nouvelles hiérarchies.

Ce féminisme s'attaque généralement aux hommes blancs ("straight white boys"), au prétexte qu'ils sont les "dominants". En quoi cette vision des choses est-elle simpliste et erronée, voire dangereuse (puisque raciste) ?

Premièrement, parce qu'il faudrait savoir de quels hommes blancs dominants on parle. Dans les sociétés industrialisées, une grosse partie des perdants de la modernité - en gros, les classes ouvrières et sous-éduquées - sont composées d'hommes blancs. Aux Etats-Unis, on commence même à observer une inversion des courbes de la mortalité et de la morbidité chez les hommes blancs sous-éduqués : grosso modo, alors que tout le monde voit sa santé et son bien-être s'améliorer, eux reculent, vu qu'ils sont en priorité touchés par les maladies cardio-vasculaires, le suicide, l'alcoolisme et autres abus de substance, etc. De même, en ouvrant le champ et en dépassant les catégories ethniques, on observe que les hommes réellement dominants économiquement sont beaucoup moins représentatifs des hommes en général, en tant que classe démographique, que ne le sont les "exclus" de la société. A l'heure actuelle, un homme lambda a beaucoup plus de chances de terminer SDF ou détenu que PDG d'une entreprise du CAC 40.

Deuxièmement, parce qu'elle dédouane les hommes "non-blancs" de leurs éventuels comportements anti-sociaux. En gros, certains sont violents - et notamment envers des femmes - mais ce n'est pas de leur faute, ils ne font que d'adapter bon an mal an à la domination "post-coloniale" dont ils sont victimes. C'est juste atrocement débile, en fait. Et c'est effectivement du racisme à l'envers: les hommes non-blancs seraient tellement arriérés qu'ils seraient incapables de déconner de leur propre chef; au fond, ils ne font que suivre les ordres du bouana. Et puis c'est du racisme tout court: une idéologie quelconque qui distingue statutairement les membres d'une société selon la couleur de leur peau ou leur pedigree génétique est raciste, point barre.       

Les "préjugés de genre" dénoncés par les féministes les plus radicales ne sont pourtant pas les seuls qui existent. Une étude américaine récente révèle que le mot "creepy" (bizarre, "flippant") est majoritairement  associé aux hommes. L'homme solitaire "creepy" est-il devenu l'équivalent de la femme non-mariée au XIXe siècle, considérée à l'époque comme un danger pour l'équilibre social ?

Le parallèle est intéressant, mais je pense que la figure de l'homme solitaire - et largement considéré comme "malsain" pour ce fait - est décrié depuis très longtemps. Le "creepy", c'est l'équivalent du vagabond, du croque-mitaine. Nous sommes une espèce sociale, qui se méfie a priori de tout ce qui dévie de la norme des petits singes adorant se tenir chaud pour se rassurer du bruit du tonnerre. Parfois pour de bonnes raisons, parfois pas. 

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