Comment la nouvelle politique monétaire du Japon pourrait déstabiliser l'Allemagne, dernier pilier de l'euro ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Il ne s’agit ici non pas d’une guerre des changes, mais bien d’une guerre doctrinale.
Il ne s’agit ici non pas d’une guerre des changes, mais bien d’une guerre doctrinale.
©Reuters

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Le président de la Bundesbank voit d’un mauvais œil que la Japon cesse de pratiquer sa politique d’auto-tirage dans le pied qui pourrait venir menacer la belle tenue de l’exportation allemande.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La semaine écoulée aura été une succession de passes d’armes relatives aux politiques monétaires déployées à travers le monde. Jens Weidman, président de la Bundesbank a ouvert le bal en accusant explicitement le gouvernement Japonais de saboter l’indépendance de la Banque centrale Japonaise.

« Des violations alarmantes ont déjà été observées, par exemple en Hongrie et au Japon, ou le nouveau gouvernement interfère massivement dans le travail de la banque centrale en poussant pour une politique monétaire agressive et menaçant l’autonomie même de la banque ».

Laissons de côté la comparaison entre le Japon et la Hongrie de Viktor Orban qui ne fait pas honneur au président Weidmann. L’accusation faite par le président de la Bundesbank paraît pourtant aussi injuste que révélatrice d’un malaise naissant au sein de l’autorité monétaire européenne.

Shinzo Abe, nouveau premier ministre Japonais a été élu sur la base d’un discours d’une grande transparence sur la nécessité de modifier la politique monétaire en vigueur. La démocratie Japonaise lui a ainsi donné un mandat clair en ce sens. L’objectif poursuivi est d’en finir avec une politique de déflation qui frappe le Japon depuis bientôt 20 ans, et d’orienter la Bank Of Japan vers un objectif d’inflation de 2%. En l’occurrence, le Japon ne fait qu’aligner sa politique sur la même base que celle de la BCE, qui a également mandat de maintenir l’inflation sous le seuil des 2%.

Weidmann fait connaître son malaise face à un gouvernement qui souhaite en finir avec une politique d’austérité monétaire en s’alignant sur la politique européenne et pouvoir ainsi lutter « à armes égales ». Le président de la Bundesbank voit d’un mauvais œil que la Japon cesse de pratiquer sa politique d’auto-tirage dans le pied qui pourrait venir menacer la belle tenue de l’exportation allemande. En effet, la Japon est en concurrence directe avec l’Allemagne, aussi bien sur le type de production que concernant les pays importateurs.

Mais ce que craint réellement  Jens Weidmann est la propagation de nouvelles pratiques monétaires à l’Europe, et la remise en question du travail effectué par la BCE. Le courage de Shinzo Abe durant la campagne aura été non pas de remettre en cause l’indépendance de la banque centrale mais de mettre en doute sa capacité à assurer sa fonction primaire : offrir des conditions monétaires optimales au développement économique. Ce qui, au regard de la stagnation du PIB Japonais depuis 20 ans, est l’évidence même. L’indépendance d’une autorité ne signifie pas impunité.

C’est ainsi que la BCE pourrait se voir elle aussi mise en cause sur son rôle depuis l’entré en crise. L’incapacité du mandat de stabilité des prix à remplir sa fonction de soutien au développement économique ne pourra être ignorée encore longtemps.

Après les Etats-Unis et le Japon, c’est au tour du Royaume-Uni de participer à cette nouvelle donne monétaire mondiale. Mark Carney, prochain gouverneur de la Bank of England vient ainsi de déclarer qu’il appartenait aux gouvernements de fixer le mandat à suivre par la banque centrale, contredisant ainsi clairement Weidmann, et soutenant le Japon dans son entreprise. La prise de fonction de Mark Carney, en juillet prochain, et l’annonce de l’instauration du NGDP targeting (nouvelle doctrine monétaire consistant à prendre comme objectif l’évolution du PIB nominal) ne manquera pas de provoquer le débat en Europe. Le découplage total entre le BCE et la Bank of England offrira dès lors aux Européens un point de comparaison entre deux politiques radicalement opposées.

Il ne s’agit ici non pas d’une guerre des changes, mais bien d’une guerre doctrinale opposant les partisans d’une politique monétaire dédiée à la stabilité des prix, et partisans de la croissance. L’Europe est aujourd’hui bien seule à défendre un mandat qui a largement dévoilé ses limites depuis 2008.

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