Comment la France a-t-elle pu devenir importateur net d'électricité ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le taux d’équipement en appareils électriques et électroniques ne cesse de croître, ce qui explique en partie cette hausse de la consommation en électricité.
Le taux d’équipement en appareils électriques et électroniques ne cesse de croître, ce qui explique en partie cette hausse de la consommation en électricité.
©Reuters

Petit problème

Selon le dernier rapport du Réseau de transport d'électricité, la France a recommencé à importer de l'électricité depuis l'Allemagne. Comment est-ce possible lorsque la France, qui dispose de 58 centrales nucléaires, est traditionnellement exportatrice ?

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Le bilan électrique 2012 de la France que vient de publier RTE fait apparaître une hausse globale de la consommation d’électricité par rapport à l’année 2011. Cependant, le niveau de consommation reste loin du record de 2010. Cette hausse s’explique par des facteurs structurels et conjoncturels.

L’augmentation structurelle de la demande est due aux particuliers, dont le taux d’équipement en appareils électriques et électroniques ne cesse de croître. Cette hausse surpasse la baisse de la demande des entreprises, essentiellement due à la crise et à la désindustrialisation.

À cela s’ajoute une hausse conjoncturelle liée à la longue vague de froid qui a sévi sur le pays en février dernier. En effet, la France se distingue de ses voisins par une forte proportion de son parc immobilier équipée de chauffage électrique. Il s’agit là d’un héritage des années 1970, lorsque la France s’efforçait de diminuer sa dépendance au pétrole. Depuis lors, sa consommation d’électricité présente chaque hiver des pics de plus en plus élevés.

Pour y faire face, EDF a recours à l’achat d’électricité étrangère sur les marchés. En effet, son parc de centrales – toutes sources confondues – est dimensionné pour répondre à une certaine demande maximale, qui couvre l’essentiel de l’année. Le nucléaire assure la plus grosse part de façon continue toute l’année (on parle de production de base) ; puis viennent en complément les centrales thermiques, au charbon ou au fioul, en fonction de la saison (moyens de semi-base) ; enfin, pour les périodes de pointe, on a recours aux barrages hydroélectriques et au centrales à turbines à gaz. Mais si, pendant les pics de consommation, la demande excède encore ces moyens, EDF importe alors de l’électricité achetée sur les marchés au jour le jour (dits spots). Son prix est alors très élevé, mais cela revient moins cher que d’entretenir tout au long de l’année des centrales d’appoint qui ne serviront que quelques dizaines d’heures dans l’année.

Ces importations sont possibles car nos voisins, bien moins équipés en chauffages électriques, ne voient pas leurs consommations augmenter aussi violemment aux mêmes moments. C’est ce qui s’est passé en février 2012 et qui explique que la France est devenue temporairement importatrice, en particulier auprès de l’Allemagne, qui produit en ce moment de l’électricité à base de charbon très bon marché. Ce mécanisme est naturel dans le contexte d’une interdépendance croissante des réseaux électriques européens. Cependant, la France est restée sur l’ensemble de l’année 2012 exportatrice nette d’électricité, et même, de loin, au premier rang européen.

Quel impact aura l’évolution du mix énergétique français ?

Le mix énergétique français est en cours d’évolution, poussé d’une part par l’évolution des modes de consommation et d’autre part par la montée de l’offre en énergies renouvelables. Mais, en raison de l’importance des investissements en moyens de production et en infrastructures, cette évolution se fera sur une longue période, de l’ordre de 20 à 40 ans. À cet horizon, il est probable que la part du nucléaire dans la production d’électricité aura baissé. Mais elle restera encore longtemps primordiale, dans une fourchette allant de 55 % à 70 % dans les années 2030. La production d’électricité de base restera donc stable. En revanche, l’évolution se fera sentir sur l’électricité d’appoint. Le remplacement des centrales thermiques par des sources plus vertes se traduira par une gestion pour complexe des flux sur le réseau et une diminution des exportations, car cette électricité est, pour le moment, chère et peu disponible sur demande.

En tout état de cause, la gestion des ressources électriques se fera de plus en plus au niveau européen, grâce à la multiplication des points d’interconnexion aux frontières et à la vision de plus en plus paneuropéenne des opérateurs.

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