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Comment l'Etat islamique a repris à son compte les techniques de communication du printemps arabe
©Reuters

Bonnes feuilles

Parmi les ouvrages sur l'État islamique, voici le premier à décrypter l'incroyable pouvoir de persuasion qui amène des milliers d'hommes à tuer ou à mourir pour un califat mythique. Implanté sur sa terre sacrée, il attire des "foreignfighters" du monde entier et souvent leur famille. (Extrait de "Daesh : L'arme de la communication dévoilée" de François-Bernard Huyghe, publié aux Editions VA Press 2/2)

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Le paradoxe est que nous nous indignons aujourd'hui de ce que nous avons célébré hier. Tout ce qui inquiète dans la maîtrise des médias sociaux par Daech - ils se moquent des frontières, on ne peut pas les censurer, ils s'adressent à un public jeune, en ligne, qui ne croit plus un mot de ce que raconte les médias mainstream, ils font tout ce qu'ils veulent dans le Dark Web, etc. - fut admiré lors du printemps arabe. À l'époque, on annonçait les Google ou Twitter révolutions ou les révoltes 2.0 et on opposait volontiers le monde des "vieux" médias, journaux, radios, télévisions que les dictateurs contrôlaient à l'univers chaleureux et libertaire du 2.0. Le Web allait donner le pouvoir aux sans pouvoir, aux "foules intelligentes" et surtout aux démocrates que plus personne ne pourrait empêcher de s'exprimer dans le monde virtuel et d'agir dans le monde réel. Il y avait les blogs des cyberdissidents arabes, généralement jeunes, en T-shirt, anglophones ou francophones ou les vidéos en ligne qui révélaient des scandales politiques (Mme ben Ali allant faire ses courses chez Hermès en jet présidentiel), des drames (Ouazizi s'immolant par le feu en Tunisie, Khaled Saïd battu à mort par la police en Égypte), des images sur le vif de la répression. Mais il y avait aussi les pages Facebook qui permettaient à une jeunesse que l'on avait dite dépolitisée de communier dans la même indignation ou de se donner rendez-vous pour une manifestation "dans la vraie vie". Il y avait Twitter, si commode pour répandre des slogans ou partager des instructions et avertissements, une fois les gens descendus dans la rue. Il y avait la vitesse des réseaux sociaux qui donnaient toujours un temps d'avance aux protestataires sur la police. Il y avait les ONG occidentales qui donnaient des conseils (crypter ses communications, s'anonymiser, c'est-à-dire faire en sorte de pouvoir naviguer sans que l'on sache où vous allez sur la Toile, organiser une manifestation non violente). Il y avait les grands du Web qui fournissaient des solutions de secours quand les dictateurs essayaient de couper Internet ou de fermer une plate-forme. Il y avait des cours techniques, des geeks et des Anonymous qui donnaient un coup de main en piratant de l'extérieur. Il y avait les manifestants qui, fort astucieusement, développaient le thème : merci Facebook, nous nous faisons la révolution avec de réseaux sociaux et pas avec des couteaux et des Kalachnikov.

Les révoltes de demain seraient menées sans idéologies, sans organisations ni structures, sans chefs, presque spontanément mais surtout en ligne et pacifiquement... Bien entendu ce bel élan (à relativiser dans ses effets d'ailleurs : des médias "classiques" comme al-Jazeera n'étaient pas pour rien dans les révoltes arabes) finit par retomber. Les élections ne donnaient pas les mêmes résultats que les clics sur la Toile. Les régimes autoritaires revenaient, et certains, en vertu de la "courbe d'apprentissage des dictatures" apprenaient comment mieux manier la souris, pour s'infiltrer dans les communautés, mobiliser leurs propres hackers, voire leurs trolls avec des comptes tenus par des individus payés pour cela, ou simulés par des algorithmes, et qui interviennent pour pourrir les discussions subversives et répandre leur propagande Bref, la numérisation du monde n'était pas intrinsèquement démocratique et la prolifération des écrans - dont ceux des téléphones portables si commodes pour communiques pendant les manifestations - ne donnait aucune garantie d'un mouvement général d'occidentalisation politique. La technique 2.0 n'était pas déterminante en dernière instance et, dans tous les cas (voir la Libye), ne permettait pas forcément des sauter la case guerre civile et lutte armée. Mais surtout, il fallut bien admettre que les gentilles technologies conviviales pouvaient servir aux méchants.

Extrait de "Daesh : L'arme de la communication dévoilée" de François-Bernard Huyghe, publié aux Editions VA Press

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