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Comment l'après-Charlie Hebdo a révélé la fuite en avant des politiques français
©Reuters

Bonnes feuilles

Qu'ont en commun François Hollande qui accuse Bruxelles de ses revers, Thomas Thévenoud qui incrimine sa phobie administrative, Jérôme Kerviel qui se déclare victime du système ? "C'est pas ma faute !" s'exclament-ils en choeur. Petits et grands reprennent le refrain avec entrain. Ils stigmatisent le mal français de la désinvolture, de l'irresponsabilité et de la démission. De juin 1940 à aujourd'hui, en passant par mai 1968, ce livre retrace notre dégringolade. Et détaille les conditions de notre sortie de l'infantilisation. Extraits de "C'est pas ma faute" d'Irène Inchauspé et Claude Leblanc, aux éditions du Cerf 1/2

Claude  Leblanc

Claude Leblanc

Ex-rédacteur, en chef de Courrier International et de Jeune Afrique, Claude Leblanc est l'auteur, entre autres, de L'Engrenage et du Japon vu du train. Il est journaliste à L'Opinion.

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Irène Inchauspé

Irène Inchauspé

Passée par Le Point et Challenges, Irène Inchauspé est notamment l'auteur de L'Echéance avec François de Closets et de L'Horreur fiscale avec Sylvie Hattemer. Elle est journaliste à L'Opinion.

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Il n’y a pas à chercher loin dans le passé. À la suite des tueries des 7 et 9 janvier 2015, l’on s’est mis à reparler des banlieues, de l’apartheid auquel elles seraient soumises selon la formule désormais fameuse de Manuel Valls, et de la politique de la Ville. Cette même politique qui a été engagée, en 1977, par Valéry Giscard d’Estaing ! Depuis, nos gouvernants ont adopté une stratégie de fuite en avant, empilant les mesures les unes sur les autres, sans se préoccuper de celles qui marchaient ou pas. Les francs, puis les euros ont coulé à flot, par dizaines de milliards. À l’heure du bilan, certains disent que tout cela n’aura servi à rien, d’autres que tout serait pire si rien de cela n’avait été fait. Mais personne ne peut dire qui a raison. En France, les politiques publiques sont très peu ou très mal évaluées. Ce n’est pas, réplique-t‑on, dans notre culture, l’évaluation étant immanquablement considérée comme négative, voire répressive, et il suffit à ce sujet d’observer les débats sur les notes à l’école. C’est surtout une façon bien commode de fuir nos responsabilités. Pas de méthode pour réformer le pays ? Pas étonnant que le pays soit bloqué ! Suivant l’exemple donné d’en haut, nous sommes tous devenus des adeptes du très populaire « c’est pas ma faute », culte qui en a remplacé d’autres, hélas, sans chercher même à dessiner un monde meilleur.

Comment faire pour que cela change ? Il aura fallu que des terroristes tuent 17 personnes et que près de quatre millions de Français descendent dans la rue pour que la question essentielle de l’islam de France revienne au cœur du débat public. Nul ne sait encore ce qu’il sortira in fine de la mission que Manuel Valls a confiée sur ce sujet à Bernard Cazeneuve, son ministre de l’Intérieur, ni quand. Admettons que ce soit l’amorce d’un début. Mais quels chocs aurons-­nous à subir pour que l’on se préoccupe enfin des autres enjeux vitaux, le chômage des jeunes qui est la pire des inégalités, la dette laissée à nos enfants qui constitue une injustice collective majeure, l’asphyxie de l’économie et des entreprises qui force notre pays à la course en sac ? Ne serait-­il pas temps que l’opinion, l’État, l’Élysée s’en émeuvent et s’en saisissent ?

Au lieu de quoi, il apparaît que François Hollande, plutôt que de se rapprocher des Français et de leur vie quotidienne, ait choisi de s’en éloigner. De façon presque caricaturale, seules les questions internationales et climatiques figurent désormais en lettres d’or sur son agenda. « Et les chômeurs, Monsieur le président ? », l’interrogeait à juste titre Le Parisien, le 6 février 2015, au lendemain de sa conférence de presse au cours de laquelle il n’avait procédé qu’à deux annonces : la création d’un « service civique » et l’instaura‑ tion d’une « réserve citoyenne pour tous les Français ». Le sondage qui a suivi sa prestation a été sans surprise désastreux. François Hollande aura vite replongé dans l’impopularité comme l’a montré le baromètre Ipsos-­Le Point de février. Le chef de l’État y perdait 8 points (30 % de bonnes opinions), tout juste un mois après les attentats. L’effet « Charlie » se sera ainsi dissipé.

Mais, après tout, ne manquera-­t‑on pas de constater, ce n’est pas de sa faute si François Hollande est appelé à un plus noble exercice de sa fonction. Pas de sa faute non plus si les Français ne le comprennent pas et le sanctionnent à nouveau. Toujours pas de sa faute si Merkel, Porochenko, Poutine et Obama sont sans doute plus intéressants que le Français moyen. Il s’agira une fois encore de trouver une façon comme une autre de botter en touche. Et de recueillir un sentiment d’unanimité maussade sur notre impuissance collective. Car le président de la République n’est certes pas le seul à se réfugier derrière cette stratégie : que celui qui n’a jamais dit « c’est pas ma faute » lui jette donc la première pierre ! Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les regrets aussi. Le fait est que nous pourrions faire tellement mieux…

Extraits de "C'est pas ma faute", d'Irène Inchauspé et Cladue Leblanc, aux éditions du Cerf, 2015

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