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L'Allemagne a mieux résisté à la crise que la plupart de ses voisins européens.
L'Allemagne a mieux résisté à la crise que la plupart de ses voisins européens.
©Reuters

Bonnes feuilles

Pour Guillaume Duval, si l'Allemagne a mieux résisté à la crise que la plupart des autres pays européens, c'est aussi parce que son marché du travail est resté particulièrement peu flexible. Extrait de "Made in Germany" (2/2).

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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"Depuis 2010, l'industrie allemande a bénéficié en outre d'un des (rares) bienfaits apportés par la crise de l'euro : la baisse de son taux de change vis-à-vis du dollar. À l'automne 2012, celui-ci tournait autour de 1,3 dollar pour 1 euro, contre 1,6 à son sommet en 2008, une diminution de l'ordre de 20 %. Un tel mouvement est une condition sine qua non pour rendre un peu de compétitivité-coût à la Grèce, à l'Espagne ou encore à l'Italie sans avoir à leur infliger une déflation réelle des prix et des salaires prolongée. Il faudrait même que cette baisse aille au-delà du niveau de 1,3 dollar pour revenir à la quasi-parité des débuts de l'euro.

Une telle dévaluation n'est cependant pas indolore : elle se traduit par un renchérissement important des biens importés et notamment du gaz et du pétrole dont les prix sont libellés en dollar. La nécessité d'une baisse du taux de change de l'euro est une des raisons principales pour lesquelles il est indispensable que l'Europe parvienne à accélérer sa transition énergétique vers une économie à bas carbone, malgré la crise actuelle de ses finances publiques. Mais, dans l'immédiat, les premiers bénéficiaires de la baisse de l'euro n'ont pas été les Grecs ni les Espagnols, mais… l'industrie allemande. En effet, comme c'était déjà elle qui, de très loin, exportait le plus hors d'Europe, c'est aussi elle qui a profité le plus du coup de fouet en termes de compétitivité-coût donné aux produits européens par la baisse de l'euro intervenue (avec des hauts et des bas) depuis 2008. Ce qui contribue aussi à expliquer une part essentielle de la bonne tenue de l'économie allemande. C'est une des raisons pour lesquelles on peut dire à juste titre que l'Allemagne d'Angela Merkel a tiré profit de la crise qui ravage ses voisins…

Mais si l'Allemagne a mieux résisté que la plupart des autres économies à la crise, c'est aussi parce que son marché du travail est demeuré particulièrement peu flexible malgré les réformes engagées par Gerhard Schröder pour corriger ce « défaut ». Bien que le PIB allemand ait reculé de 5,1% en 2009, contre 2,7% en France et 3,7% en Espagne, l'économie allemande a conservé tous ses emplois cette année-là, alors que la France en perdait 280 000 et nos voisins du sud des Pyrénées 1,4 million ! Le gouvernement d'Angela Merkel a fait un usage massif du chômage partiel : il y eut en 2009, au plus fort de la crise, 1,5 million de salariés allemands placés dans ces dispositifs, contre 275 000 en France. L'État fédéral a consacré à ce soutien 6 milliards d'euros, contre 600 millions en France. Une politique liée en particulier aux pouvoirs étendus reconnus aux représentants des salariés dans les entreprises par la Mitbestimmung, la codétermination, qui a dissuadé les entreprises de licencier.

Pourtant Gerhard Schröder, grand admirateur du modèle anglo-saxon, avait fait beaucoup d'efforts pour sortir de ces pratiques jugées « archaïques » et flexibiliser le marché du travail allemand, notamment en libéralisant en 2002 l'usage de l'intérim qui restait jusque-là confidentiel en Allemagne. Mais rien n'y a fait : dans la crise, les vieilles habitudes ont repris le dessus et les patrons n'ont pas osé renvoyer leurs salariés à la Bundesagentur für Arbeit, le Pôle emploi allemand. Et bien leur en a pris. Grâce à cela, le pouvoir d'achat des salariés et donc la demande intérieure ont pu être maintenus, contrairement à ce qui s'est produit en Espagne ou au Royaume-Uni. Ce qui a favorisé la reprise en 2010. Et quand les commandes étrangères sont rentrées de nouveau, les entreprises allemandes ont pu livrer immédiatement car elles n'ont eu besoin ni de recruter ni de former de nouveaux salariés.

S'il y a donc une leçon à tirer des succès allemands dans la crise, c'est qu'il faut oublier tout ce qu'on nous a raconté depuis trente ans sur l'urgente nécessité de flexibiliser davantage le marché du travail…"

Extrait de "Made in Germany", éditions Seuil.

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