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Comment François Bayrou pourrait réussir le pari d'une nouvelle (éventuelle) candidature à la présidentielle
©Reuters

Trou de souris

Bénéficiant d'une image de sérieux et d'honnêteté quasi unique dans le paysage politique français, François Bayrou devra cependant faire face à plusieurs problèmes dans le cas où il se porterait candidat à la présidentielle de 2017 : la candidature d'Emmanuel Macron, mais aussi la fragmentation de son socle électoral, à savoir les régions de l'Ouest et du Centre.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : En tenant compte du parcours politique de François Bayrou, quels sont, en l'état, ses points forts et ses points faibles ?

Jean GarriguesFrançois Bayrou est celui qui, le premier, a théorisé le "ni droite, ni gauche". C'est une démarche originale dans le cadre de la démocratie-chrétienne. Il est ainsi le premier à avoir rompu avec cette idée d'un alignement du centre avec les partis de droite. Il a ainsi anticipé ce qu'a été la démarche d'Emmanuel Macron aujourd'hui.

Parmi ses atouts, il bénéficie d'une image de sérieux et d'honnêteté qui sont presque uniques aujourd'hui dans le paysage politique français. Il renvoie à la fois l'image de l'expérience, mais aussi de la rigueur par rapport aux enjeux économiques et financiers, et de l'intégrité que personne ne peut lui disputer. En effet, François Fillon a perdu l'image de la rigueur et Emmanuel Macron n'a pas encore le capital expérience d'un François Bayrou. La présidentialité de François Bayrou est donc un atout important.

Le gros problème pour François Bayrou tient à son mouvement. Le Modem est aujourd'hui un petit parti, qui a un réseau d'élus qui pourrait lui permettre d'obtenir les 500 parrainages mais qui n'est peut-être pas armé pour une véritable campagne présidentielle. Par ailleurs, cette fragilité sur le plan organisationnel est renforcée par un certain isolement politique. En effet, il ne bénéficie d'aucun soutien parmi les grandes figures du centre. Aucun de ceux qui ont pu être avec lui au cours de sa trajectoire politique n'est encore avec lui : ils sont tous partis soit à droite, soit à gauche (Jean-Louis Borloo, Philippe Douste-Blazy, etc.). Cet isolement se traduit d'ailleurs par l'absence d'un groupe Modem à l'Assemblée nationale. On peut se demander toutefois si cet isolement est vraiment rédhibitoire dans le cadre de la présidentielle 2017. D'une part, il s'agit d'une compétition marquée par le rejet précisément des partis et du système traditionnel ; d'autre part, dans les esprits, il s'agit d'une compétition entre un homme et un peuple. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron ou Jean-Luc Mélenchon font des campagnes hors des partis, personnalisées autour d'un homme et de son projet. Ainsi, ce qui peut paraître comme un handicap pour François Bayrou pourrait se retourner en sa faveur.

La difficulté aujourd'hui pour François Bayrou, c'est la présence d'Emmanuel Macron. Ce dernier occupe un espace politique qui est celui de François Bayrou.

Un autre point de faible pour François Bayrou est le soutien qu'il a apporté à François Hollande. Une grande partie de l'électorat de droite a considéré son vote en faveur de l'actuel président comme une trahison. Ainsi, la marche de manœuvre vis-à-vis des électeurs de droite, qu'il a pu avoir en 2007 dans le cadre de l'affrontement entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ne risque pas de se manifester à nouveau aujourd'hui. Quant aux électeurs de centre-gauche, a priori, cet électorat va vers Emmanuel Macron, d'autant plus que ce dernier incarne une image de modernité qui n'est pas celle de François Bayrou. Le plus grand problème qui peut se poser en termes d'image donc réside peut-être dans cette incapacité pour François Bayrou à incarner cette modernité et cette rupture qui semblent les clés de cette élection. Il peut, en effet, être assimilé à cette ancienne classe politique à l'instar de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Manuel Valls, Cécile Duflot, etc. 

La démocratie chrétienne, courant politique auquel appartient François Bayrou, s'inscrit dans la filiation idéologique et politique de certaines régions françaises, notamment à l'Ouest. Quel portrait géographique et sociologique de la France susceptible de voter pour François Bayrou est-il possible de dresser ?

Jean Garrigues : Traditionnellement, il y a des points d'ancrage de l'électorat de la démocratie chrétienne plutôt dans la France de l'Ouest et du Centre, soit la zone comprise entre 150 et 300-400 kms en dessous de Pari, puis vers les marges de l'Ouest. Il s'agit d'un électorat plutôt de classe moyenne ou issu de la bourgeoisie, marqué par le catholicisme il y a encore 30/40 ans mais de moins en moins. Il y a une sensibilité humaniste dans cet électorat, ce qui signifie que celui-ci n'est pas un électorat populaire. Il n'y a pas de percée du mouvement chrétien-démocrate chez les jeunes comme cela est observé dans le cas du FN. Emmanuel Macron, lui, a une partie de la jeunesse diplômée.

Plus généralement, l'électorat de François Bayrou n'est plus aussi captif qu'il y a une vingtaine d'années. D'un point de vue électoral les zones géographiques de l'Ouest et du Centre sont beaucoup plus dispersées et fragmentées aujourd'hui. Il est à redouter que cette fragmentation soit un élément de faiblesse pour François Bayrou. On pourrait, à l'inverse, considérer que François Fillon bénéficie d'un socle électoral traditionnel catholique, ou que Marine Le Pen bénéficie, comme socles électoraux, de la France du Sud-Est et des classes populaires de la France du Nord ; même Benoît Hamon dispose d'un socle électoral, du côté du monde enseignant. Avec François Bayrou, cela est beaucoup plus difficile car avec l'électorat qui est le sien, celui-ci peut aller chercher des réponses aussi bien du côté d'Emmanuel Macron, de François Fillon ou de Benoît Hamon. 

En tenant compte des précédents éléments développés, quel serait l'angle de campagne le plus efficace pour François Bayrou afin de faire une bonne campagne, et ainsi dépasser les 5/6% que les sondages lui président actuellement ?

Jean Garrigues :De manière paradoxale à mon avis, l'atout majeur de François Bayrou réside dans le reflux d'Emmanuel Macron dans la mesure où ce dernier occupe la moitié de l'espace politique que pourrait occuper François Bayrou. Je ne vois pas comment François Bayrou pourrait dépasser les 5/6% sans prendre des voix à Emmanuel Macron. Pour cela, il faut que l'effet Macron se dissipe ou bien que ce dernier fasse des erreurs. L'opportunité pour François Bayrou réside dans le fait que l'électorat d'Emmanuel Macron est particulièrement fluide, incertain : on sait que seulement 1/3 de cet électorat est sûr de son vote.

Le deuxième élément majeur serait, de façon concomitante, une stagnation, voire un déclin de François Fillon dans la mesure où le PénélopeGate continuerait à peser sur sa campagne. Ainsi, il serait possible qu'une partie des électeurs ayant soutenu Alain Juppé au cours de la primaire de la droite (environ 40%) puisse se retrouver chez François Bayrou. Dans son dernier ouvrage, Rénovation française, il reste sur son chemin : celui de la rigueur budgétaire et économique, assez peu éloignée de la rigueur filloniste. Il peut ainsi séduire des électeurs de droite partisans d'une inflexion néo-libérale, tout en se positionnant sur une ligne plus humaniste, notamment en matière de protection sociale, qui est celle que demandent les électeurs d'Alain Juppé. À mon sens, François Bayrou n'a donc pas à changer son positionnement politique, qui peut donc lui permettre de séduire toute une partie de l'électorat de droite qui ne se reconnaîtrait pas en lui.

Son problème provient de l'électorat de centre-gauche, non seulement à cause d'Emmanuel Macron, mais aussi à cause d'un effet de retour de la politique de François Hollande. 

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