Comment expliquer l'incroyable succès de l'expo Hopper ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'exposition Edward Hopper vient d'être prolongée et sera ouverte jusqu'au 3 février prochain.
L'exposition Edward Hopper vient d'être prolongée et sera ouverte jusqu'au 3 février prochain.
©Columbus Museum of Art, Ohio

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La rétrospective du peintre américain Edward Hopper est reconduite pour six jours supplémentaires, jusqu'au 3 février prochain. Un succès étonnant pour cet artiste qui semblait jusqu'à présent peu connu.

Guy  Boyer

Guy Boyer

Guy Boyer est journaliste et critique d’art. Il est Directeur de la Rédaction de Connaissance des Arts, magazine qui a connu récemment plusieurs innovations, dont le lancement d’un trimestriel consacré à la photographie (Connaissance des Arts Photo). Il a également une chronique hebdomadaire sur Radio Classique (Arts Plastiques).

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Atlantico : L’exposition Edward Hopper vient d’être prolongée et sera ouverte jusqu'au 3 février prochain. Cet artiste reconnu de l'histoire de l'art américain est-il réellement connu du public Français ou est-ce l’excellente couverture médiatique de l’exposition qui le leur fait découvrir ?

Guy Boyer : Grâce aux travaux qui ont été fait à la fois en littérature et en histoire de l'art, Edward Hopper a progressivement conquis le cœur des Français. Cette place n'est absolument pas subie. Ses tableaux sont simples dans leur composition, et efficaces dans leur récit. Ils ont fait la "une" de nombreux romans associant ainsi l'image d'Hopper aux romans américains. Ils sont donc tout naturellement rentrés dans l'inconscient des Français. De plus, le travail américain en histoire de l'art est de plus en plus suivi dans nos universités.

Ce qui est étonnant, c'est qu'auparavant, il n'y avait jamais eu de rétrospective de cette envergure. Excepté à Marseille où Nicolas Cendo, conservateur du musée Cantini de 1983 à 2008, avait tenté en 1989 de réunir certains tableaux, sans pour autant parvenir à en faire une véritable rétrospective. Il faut dire que la quasi totalité des tableaux ont dû traverser l'Atlantique, ce qui est compliqué et très onéreux. Ce qui est frappant, c'est que les Français ont finalement l'impression que voir un tableau d'Hopper revient à voir un tableau de l'Amérique. Ils comprennent mieux l'Amérique. Au fond, cela a quelque chose de très cinématographique. Compliment qui n'aurait pas déplu à l'artiste, très grand amateur de cinéma.

Mélancolie, désœuvrement, opposition entre nature et modernité : le succès d’Hopper est-il lié à la déstabilisante actualité des œuvres d’Hopper ?

Cela parle beaucoup aux Français. En premier lieu, c'est de la peinture figurative donc très simple à comprendre, y compris pour les non-initiés. Nous avons de l'empathie pour les personnes qui sont représentées. Nous nous imaginons d'ailleurs facilement à leur place, assis seul, le regard dans le vide sans qu'il ne se passe grand chose dans la pièce. C'est assez mystérieux. L'ambiance parfois morose ressemble à celle que nous pouvons vivre dans ces temps de crise et donc de solitude. Dans les tableaux d'Hopper, il y a un point qui peut faire penser au surréalisme, justement dans ce mystère évoqué. Cela dit l'artiste n'appartient absolument pas au mouvement. Il est plutôt précisionniste : il travaille sur le détail quasi photographique. On peut dire qu'il a une réelle capacité à créer des images qui vont rester encrées dans la tête. Compositions simples avec des verticales, des horizontales. Guy Pène du Bois, peintre américain, dit de lui qu'il est "le puritain en lui, c'est le puritanisme. Sa rigueur morale s'est muée en exigence, en précision stylistique".

Edward Hopper n’a peint, pas amour pour son épouse, aucune autre femme qu’elle dans ses tableaux. La crise de la relation amoureuse dans la société occidentale y trouve-t-elle quelque chose de rassurant ?

Le fait de ne représenter que sa femme, Joséphine, n'a rien de rassurant ! Pire, elle qui était également artiste, est devenue de plus en plus aigrie face au succès de son mari. Ils se querellaient régulièrement donc sa présence sur bon nombre de toiles. Ce n'est pas le résultat d'une relation privilégiée mais simplement une réponse pratique au besoin de modèle. Modigliani a lui-même peint, toujours ou presque, le même portrait, pourtant aucun lien ne le rattachait à ce visage. Hopper a dû pour sa part trouver une sorte de condensé de ce qu'il estimait être la représentation de la femme, et il s'est contenté de portraiturer Joséphine pendant toute sa carrière. De plus, quand on regarde bien les visages, on constate qu'ils ne sont qu'esquissés. Malheureusement nous ne sommes pas là face à un cas de fidélité exemplaire entre un mari et sa femme mais au seul besoin du peintre d'avoir un modèle. Nos contemporains ne pourront donc s'en inspirer !  

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