Comment apprendre à éviter les pièges qui peuvent vous être tendus sur les sites de rencontres<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
"Le piège le plus courant est celui du mensonge."
"Le piège le plus courant est celui du mensonge."
©Flickr

e-chagrin

Alors que la démocratisation des sites de rencontre est déjà bien engagée, 1 histoire sur 3 commencerait sur Internet, selon une étude TNS SOFRES. Mathématiquement, nous pourrions donc tous y passer prochainement.

Atlantico : Selon l’enquête TNS SOFRES pour le célèbre site de rencontre Meetic, 1 histoire sur 3 commencerait sur Internet. La première des questions qui vient à l’esprit porte sur la définition d'une "histoire". Que peut-on vraiment trouver sur Internet ?

Stéphane Rose : On peut en effet y démarrer bien des "histoires", toutes potentiellement très différentes. Une belle histoire d'amour, très rarement, mais ça arrive. Une belle histoire de cul, si les deux partenaires la considèrent ainsi et la vivent pleinement. Une histoire de cul foireuse, si l'un des deux s'ennuie ou se sent considéré comme un morceau de viande, ou si l'un fait croire à l'autre qu'il s'agit d'amour pour le jeter aussitôt le rapport consommé, une stratégie masculine très répandue. On peut aussi trouver des gens qui rencontrent pour se venger d'une infidélité de leur partenaire officiel, sans forcément le dire. Rencontrer des gens qui s'ennuient, et vous annoncent derrière le premier verre qu'il ne se passera rien, qu'il s'agit juste d'une façon de rencontrer des gens nouveaux... Les cas sont infinis. Mais le plus répandu, c'est le premier verre qui se solde par un grand moment de solitude et ne débouche sur rien. Dans ce cas l'histoire tourne court.

Catherine Lejealle : L’enquête TNS Sofres pour Meetic montre qu’une histoire d’amour sur 3 est initiée sur Internet. La palette de mise en relation entre inconnus est large : elle va des sites de rencontre comme Meetic aux sites de partage de passions et de loisirs (OVS : on va sortir, balade en VTT, propriétaires de chiens ou d’animaux de compagnie, etc.) ou encore à des forums ou des sites d’échanges de service. La mise en relation entre inconnus s’est démocratisée et se passe bien. Si bien que la confiance dans ce type de mise en relation s’étend à la sphère amoureuse. On a acheté avec succès une saison d’une série sur eBay ou leboncoin.fr, si bien que cette confiance se transfère dans les autres sphères de la vie. Internet étant un lieu fréquenté par toutes les tranches d’âge et toutes les CSP, il y a toute la diversité possible. On peut y trouver quelqu’un qui vous convient.

Le numérique est devenu le réflexe lorsqu’on cherche quelque chose, qu’il s’agisse d’une information (wikipedia), d’un conseil (avis d’usagers avant achat ou avant d’aller au cinéma) ou d’un bon plan. Ce phénomène est encore plus marqué chez les jeunes (génération Y, Z et C), qui privilégient le bouche à oreille virtuel immédiatement disponible et à portée de main sur un dispositif mobile.

Quels sont les principaux "pièges" liés à l’usage de ces sites, et comment les éviter ?

Stéphane Rose : Le piège le plus courant est celui du mensonge. Tout le monde ment, sur son apparence physique, son âge, son métier, ses véritables intentions. Et on ne peut malheureusement pas l'éviter. Il faut s'y confronter, et soit s'en dégoûter et quitter le site de rencontres, soit persévérer en cherchant l'aiguille dans la botte de foin. Si on a du temps et de l'argent à perdre, ça peut marcher.

Un piège plus sournois mais très répandu lui aussi est celui du fantasme : on s'embarque dans une conversation passionnée avec quelqu'un qu'on ne voit pas et dont on extrapole l'identité sur la base de quelques indices. Si ça dure trop, la confrontation avec le réel, forcément différent, fera l'effet d'une douche froide. Pour l'éviter, mieux vaut rencontrer vite. Si la mayonnaise prend lors des premiers échanges, autant boire un verre vite et enraciner directement l'histoire naissante dans le réel. Là, on se donne des chances pour qu'elle fonctionne.

Catherine Lejealle : Les pièges  sont devenus rares. La démocratisation des sites a poussé à la segmentation des offres. Il y a des sites dédiés au libertinage, d’autres aux rencontres de même confession, d’autres aux CDD. La promesse et l’objectif sont clairement énoncés et l’opacité initiale du site unique pour tous a disparu. Les codes sont devenus plus explicites. Il reste à faire preuve de bon sens, ne pas donner son identité (numéro de mobile) dans le message ni recevoir chez soi pour un premier rendez-vous. L’autre piège qui a disparu est lié à la rapidité du passage du clavier au réel. Au lieu d’échanger des mails pendant trois semaines et d’idéaliser une relation en se faisant une image de l’autre, on se rencontre plus rapidement, laissant la phase de découverte en face à face. Les jeunes sont totalement adeptes de cette cinétique de la rencontre. Ils tchatent de façon naturelle, sans peser chaque mot mais en exprimant leurs émotions sur l’instant (comme ils le font sur les médias sociaux) et se rencontrent rapidement. Cette forme narrative brève remet du naturel et de l’authentique. L’étude Meetic montre aussi que les candidats à la rencontre acceptent que celle-ci permette de trouver des amis, que l’on va revoir et peut-être rencontrer leurs amis. Les sites permettent d’étendre les réseaux de sociabilité, de rencontrer des gens nouveaux. On est loin de la rencontre Kleenex d’il y a huit ans où au bout d’un premier rendez-vous on passait au suivant. Là on apprécie d’accroître son cercle amical et de rencontrer via ce cercle élargi. 

Dans quelle mesure ces sites ont-ils modifié notre rapport aux relations, à la séduction et plus généralement à l’autre ? Sommes-nous devenus trop paresseux, voire incapables de séduire "normalement' ?

Stéphane Rose : Paresseux, oui, c'est exactement ça. On drague à la maison, derrière son ordinateur. Et on ne drague pas une personne précise, sur laquelle on a eu un coup de cœur, mais plusieurs en même temps. Donc si une tentative échoue, on ne se donne pas les moyens de se creuser l'imagination pour séduire de façon créative : on passe au profil suivant. On drague comme on consomme, de façon compulsive, en comparant l'autre comme un produit qu'on jette s'il ne fait pas l'affaire. Ceci étant dit, tout le monde ne tombe pas dans ce piège. Le charme des sites de rencontres est qu'ils réhabilitent la séduction par l'écrit, et quand deux jolies plumes se trouvent, ça peut faire des étincelles. Mais les jolies plumes ne sont pas légion, et l'on aborde en général l'autre par un "slt sa va?"... Et quand une histoire démarre par "slt sa va?", il ne faut pas s'étonner qu'elle ne ressemble à rien.

Catherine Lejealle : Les sites permettent de rencontrer des têtes nouvelles, comme les blind date aux USA. Aussi bien les seniors que les actifs, les vies sont bien remplies mais la possibilité de croiser de nouvelles personnes est rare. Les sites provoquent ce hasard. Mais les internautes n’attendent pas tout d’eux. C’est un moyen parmi d’autres de rencontrer et il serait idiot de s’en passer, d’autant que cela marche pour d’autres que l’on connaît.

Tout le monde connait aujourd’hui quelqu’un qui a, ou a eu une relation sérieuse ayant commencé par une rencontre web. Qu’ont su faire ces derniers que n’ont pas su faire les autres ?

Stéphane Rose : D'abord, ils ne se sont pas laissés happer par la tentation de communiquer avec dix personnes en même temps. Ils se sont trouvés, appréciés, et ont fait abstraction du reste des membres. Puis ils se sont rencontrés, et désinscrits. Cette étape est fondamentale. Nombreux sont ceux qui démarrent une histoire sans se désinscrire, ce qui amène leurs partenaires à les fliquer, devenir paranos, et souvent à juste titre. Quand on commence à sortir ensemble, je pense que c'est un sujet à aborder très vite et à ne pas laisser dans le non-dit : Est-ce qu'on se désinscrit ou pas ? Est-ce qu'on est dans la fidélité ou pas ? Si les deux parties s'accordent, l'histoire peut fonctionner.

Mauvaise personne, relation ratée, incompatibilité de caractères, perte d’argent : les sites de rencontres sont-ils vraiment différents des rencontres "traditionnelles" ? Est-ce si négatif ?

Stéphane Rose : Ils ne sont pas négatifs si on sait les utiliser et éviter les pièges qu'ils nous tendent : l'addiction, la consommation de l'autre, le mensonge confortable... Si on est honnête, au clair avec ses valeurs amoureuses, qu'on se connait bien soi-même, qu'on n'a pas de failles narcissiques à combler par une séduction effrénée (ce qui est le cas de 4 utilisateurs sur 5, hommes comme femmes), l'outil est formidable. Ce ne sont d'ailleurs pas les sites de rencontres que je critique, c'est ce qu'ils disent de nous, pauvres humains en perte de repères, et des mille et un comportements peu glorieux dont nous sommes capables plus ou moins consciemment, et que les sites nous révèlent et décuplent. De ce point de vue, l'expérience d'un site de rencontres peut s'avérer précieuse : on y apprend plein de choses sur soi, qui pourront s'avérer utiles quand on retournera à la vie réelle...  

Catherine Lejealle : Beaucoup de couples qui se sont rencontrés hors site parlent de hasard. « Je n’aurais pas du aller à cette soirée », «  Il est venu avec un copain… » ce qui met de la magie à la rencontre et contribue à la création du mythe du couple. Un bon usage des sites correspond à la transposition de cela dans le virtuel. On s’en sert comme d’un vivier potentiel et on se rencontre rapidement sans chercher le portrait robot qui correspond à 100% à ses critères, car les critères en réalité se négocient et sont des limites. Quel couple qui dure s’est rencontré alors que l’un fumait et l’autre détestait la fumée mais a arrêté, et où finalement cela ne pose pas problème ? Ou encore, l’un habitait loin et a fini par trouver un travail à proximité ? Se rencontrer tôt permet de ne pas exclure des profils en mettant trop de critères. Mais il faut accepter de simplement passer une bonne soirée avec quelqu’un de sympa sans se fixer d’objectif de rencontre ! comme dans la vraie vie. Prendre les sites comme du hasard et accepter de se laisser surprendre. On ne cherche pas son clone !         


Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !