Comment les agriculteurs se sont retrouvés pris au piège de la haute-technologie et de la productivité infernale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
Comment les agriculteurs 
se sont retrouvés pris au piège 
de la haute-technologie 
et de la productivité infernale
©

Agritech

Depuis quelques années, il semble que les agriculteurs français aient décidé de miser sur la high-tech. Désormais ce n'est plus le vent ou les saisons qui décident de la moisson, mais le GPS et le clignotant d'un tracteur ultra-sophistiqué. Comment les campagnes françaises gèrent-elles ce virage technologique ?

Pierre Priolet

Pierre Priolet

Pierre Priolet est agriculteur depuis 1990 à Mollégès.

Il se veut l’instigateur d’un projet pour bâtir un nouveau système de distribution qui se passerait des aides, et il se bat  pour l’idée d’une société où l'on consommerait plus juste.

Grâce à ses passages télés remarqués, Pierre Priolet est devenu la nouvelle icône médiatique du monde agricole qui souffre.

Il est l'auteur de "Les fruits de ma colère : Plaidoyer pour un monde paysan qu'on assassine" (Robert Laffont, 2011) et s'occupe quotidiennement du blog "consommer juste".

Voir la bio »

Les agriculteurs entrainés depuis tant d’années dans le tourbillon de la productivité et par la soif effrénées de l’agro-industrie sont devenus dépendant de leurs structures de plus en plus gourmandes, des industriels du phytosanitaires, de la très haute technologie et par conséquence de la finance.

La politique suivie par les gouvernements successifs en collaboration avec la FNSEA dans une cogestion permanente a conduit le monde agricole au désarroi que l’on connaît aujourd’hui. Le seul mot d’ordre imposé par ce duo infernal se résume à « produisez plus quelque soit le coût humain, nous encourageons la vente à perte par les subventions que nous vous accordons ! »

Le résultat que nous constatons est affligeant. Désertification des campagnes par l’encouragement au regroupement des surfaces au profit de quelques uns souvent très bien placés et influents et pour les autres les plus faibles ou les plus honnêtes, suicide et abandon de leur métier pour devenir ouvrier ou chômeur.

Ceux qui sont restés et qui s’agrandissent de jour en jour grâce à la complicité de la Safer, et de toutes les chambres d’agricultures, sont ensuite contraints à s’équiper toujours plus et sont poussés à la spécialisation des cultures qui entraine une disparition des populations et de la biodiversité dans nos campagnes. Plus les surfaces à exploiter deviennent infinies plus l’agriculteur investit dans la technologie, dont il est fier dans un premier temps, mais qui le rendent très vite dépendant des prêts bancaires.

Encouragé par les aides il franchit le pas que naturellement il n’aurait jamais franchit. Les champs s’agrandissent comme les journées, il passe sa vie dans des tracteurs super sophistiqués mais il n’est plus que l’ombre de lui-même. Ils sont devenus des chauffeurs d’engin ultra moderne et spécialisés dans lesquels ils passent leur vie. Les techniciens qui ne sont que des vendeurs de phytosanitaires, lui imposent les produits et les doses. Plus les surfaces sont grandes et plus la campagne est vide. Là où travaillaient dix milles agriculteurs nous ne trouvons plus que dix personnes qui ne travaillent que quatre mois par an. Et l’absurde vient du fait que moins l’on travaille en agriculture et plus on touche les aides.

Cette dépendance aujourd’hui est telle que tout se fait en fonction des aides que l’on va toucher. Toutes les dérives viennent de cet octroi pour une bonne partie de subventions recherchées au départ seulement pour survivre. N’est-il pas absurde que la Pac nourrice les cultures qui demandent le plus d’eau alors que nous allons vers des temps où les sécheresses sont de plus en plus chroniques ?  N’est-il pas absurde que les cultures les plus subventionnées consomment le plus de pesticides et d’engrais? N’est-il pas absurde que lorsque le marché rémunère bien les productions les subventions soient tout de même accordées, alors que des pans entiers d’activités s’écroulent faute de moyen?

En subventionnant les grandes cultures à ce niveau, nous vidons les campagnes de leur population, nous importons toutes les productions qui demandent de la main d’œuvre, alors que le pays aurait été bien inspiré de privilégier l’agriculture de taille moyenne qui crée et maintien les emplois ? Les grands céréaliers sont au sommet de la hiérarchie sociale du monde agricole, les surfaces appartiennent très souvent à des propriétaires qui ne mettent les pieds sur leurs terres que pour des parties de chasse entre initiés.

Celui qui les travaille n’est dans bien des cas qu’un employé spécialisé. Par contre leur puissance économique est telle qu’ils sont présents et puissants dans les ministères et à Bruxelles et a eux seuls ils sont capables de faire pencher la balance de leur coté dans toutes les négociations sur l’agriculture. Ce sont eux et eux seuls qui dictent leurs lois au détriment bien souvent des intérêts des agriculteurs.

Par exemple sur le G.N.R. (Gasoil non routier) qu’ils ont réussis à imposer aux politiques par un lobbying forcené uniquement parce que cette décision française leur était très lucratives, mais en plus de cela ils transforment des céréales Ukrainienne pour faire ce GNR qui coûte une fortune aux contribuables français par les subventions dénoncer par la cour des comptes. De plus ils imposent par contrat aux éleveurs par le biais de  leurs coopératives leur tourteaux, alimentation du bétail, qui est le solde de la production de ce carburant a des prix très lucratifs.

La dépendance du Syndicat dit majoritaire à ces hommes très impliqués dans le business de l’agroalimentaire à titre personnel, dont ils tirent des profits personnels non négligeables montre à quelle dérives nous en sommes arrivés. Ils mènent le syndicat comme on mène une entreprise qui créée des profits juteux. Le conflit d’intérêts est toujours patent.

Cette politique menée depuis cinquante ans montre ses limites et par les dépendances à la subvention, elle a entrainé le pays à importer une grande partie de son alimentation, elle a conduit toute l’agriculture de taille moyenne qui était créatrice de richesse et d’emplois à la désespérance par la vente à perte imposé par ce modèle. De producteurs de fruits et légumes, les agriculteurs deviennent céréaliers pour toucher les aides et survivre.

Les éleveurs dépendant  sont pris entre les céréaliers et le quasi-monopole imposé par les abattoirs et ne vivent que par les aides incapables de trouver un équilibre rémunérateurs dans leur activité. Aujourd’hui le modèle n’est entretenu que pour nourrir grassement les structures au détriment de la production. Ce modèle a créé une armée de contrôleurs qui nuisent gravement à l’activité et poussent tous les producteurs au désespoir. La grenouille à ventre jaune étant beaucoup plus importante qu’eux. Les fossés qui doivent être entretenus sont gérer par des ayatollahs de l’environnement qui décident que cette partie doit être préservé alors qu’ils auront des pénalités pour ne pas l’avoir nettoyé. Sur le terrain les contraintes deviennent folies.

Nous ne vivons plus de notre métier et les campagnes se vident malgré les efforts fait par les collectivités territoriales conscientes de ce problème majeur. La suffisance alimentaire est aujourd’hui menacée. Cette dépendance totale du monde agricole aux dictats des céréaliers n’a plus de raison d’être et doit être remis en cause par la société et par le monde agricole. Tous les syndicats exclus du dialogue par l’Etat, car représentant une agriculture moyenne alternative mais créatrices d’emploi, doivent être réunis autour de la table et pouvoir exprimer une opinion salutaire pour l’agriculture à taille humaine et dont dépend le territoire.

Reprendre le dialogue activité par activité devient urgent si l’on veut encore sauver quelques chances de faire repartir le secteur. L’âge moyen des campagnes devrait faire prendre conscience aux politiques que le mur est si prêt que les marges de manœuvre deviennent quasiment infimes mais elles existent !

 La chance de la France c’est ses hommes leurs savoir-faire  et la diversité de ses territoires.

La chance de la France c’est de comprendre qu’une agriculture à taille humaine peut être créatrice de milliers d’emplois productifs sur son territoire qui redonneraient vie à ses campagnes. Ce que les technocrates qui n’ont jamais mis les pieds dans les fermes ne comprennent pas c’est que le modèle qu’ils ont imposé au monde agricole est le plus stupide jamais créé depuis les débuts de l’humanité. La marchandisation de la nature et du vivant conduit au non sens. La nature est un don, un cadeau mais la contrepartie est son respect. Or l’industrialisation du monde agricole pousse aux excès de ce monde où tout n’est qu’argent et prévarication pour le profit de quelques uns.

L’alimentation est un choix de société, de lui dépend notre avenir d’humain sur la planète !

C’est pourquoi résolument je crois plus que jamais à l’agriculture authentique que respecte le milieu dans lequel nous vivons et les hommes qui l’entretiennent. C’est à mon sens le seul avenir de notre agriculture. A quoi bon surproduire dans un pays quand les hommes meurent de faim dans le reste du monde car dans l’impossibilité de se procurer ces marchandises. Il y a tant à dire que je pourrais développer à l’infini sur ce besoin de notre société de retrouver son équilibre faute de quoi les conséquences pour chacun d’entre nous pourrons être dévastatrices !

Mon dernier message pour les agriculteurs.

Nos terres s’achètent aujourd’hui par des banquiers et des gens riches, le signe est flagrant : cela veut dire qu’elles vont avoir de la valeur, ces gens se trompent rarement. L’humanité peut se passer de tout, sauf de l’alimentation. Nous sommes à la veille d’une crise alimentaire jamais connue, aidez les jeunes à venir vous rejoindre. L’espoir est là !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !