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Combien de contaminés par le Coronavirus, maintenant nommé : COVID-19 ? Des chiffres médicaux, politiques, économiques ou financiers ?
©DALE DE LA REY / AFP

Chiffre mensonger

Le mensonge a joué un grand rôle dans la crise du coronavirus pour des raisons de chiffres "pas médicaux du tout."

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Des chiffres « pas médicaux du tout » : les derniers, en Chine, sont politiques. C’est une « grande guerre » qui se joue a dit le Président Xi, et ils en font partie. La nouveauté, c’est que le mensonge médical, pour des raisons politiques « classiques » en Chine change, à l’heure des réseaux sociaux. Ainsi, 14 840 nouveaux cas de Corona virus ont été « reconnus » dans le Hubei le 13 février, contre 1500 ou 3000 par jour auparavant. Un sursaut de l’épidémie ? Non, une raison politique explique ce chiffre « médical » : considérer la radio des poumons comme suffisante pour diagnostiquer le virus. C’est une décision médicale, prise par le nouveau directeur de la santé de la région, mais qui est aussi le nouveau secrétaire du Parti Communiste de cette organisation. Politique donc. Tout juste venu de Pékin, il occupe ces deux postes, leurs deux occupants antérieurs ayant été limogés. Et ce n’est pas tout : ce même mercredi 12 février, le Comité permanent du Parti communiste chinois, instance suprême du pays, nomme Ying Yong, qui était maire de Shanghai (et proche du président Xi), secrétaire du Parti dans le Hubei. Ceci sachant que le secrétaire du PCC à Wuhan a, aussi, été limogé. Une reprise en main politique qui pousse, en Chine, à plus de « transparence médicale », les chiffres antérieurs étant devenus difficilement tenables, même avec les blocages de réseaux de communication.

Des chiffres incomplets donc en Chine même, puisque la nouvelle façon de compter va s’étendre. L’Organisation mondiale de la santé, par le Docteur Michael Ryan, chef du département des urgences sanitaires de l’OMS, a ainsi déclaré qu’il était « beaucoup trop tôt pour tenter de prédire le commencement, le milieu ou la fin de cette épidémie ». Il a noté cependant que « cette propagation plus lente du virus dans les autres provinces chinoises nous donne toujours la possibilité de contenir et de potentiellement interrompre le virus ». Et il ajoute que, hors Chine, 80% des contaminés le sont à partir de Chine, centre majeur de propagation.

Des « chiffres économiques » donc, chacun essayant de voir comment les entreprises vont reprendre leurs activités et fournir leurs clients, notamment en composants. Les usines de la Silicon Valley puisent dans leurs stocks, qui ne sont pas inépuisables. Apple annonce des délais accrus de livraison pour des Mac sur mesure et il faudra attendre un peu plus pour les téléphones portables. Il est donc sûr que la croissance chinoise est en panne et que les estimations du PIB du premier trimestre seront scrutées, même douteuses, sachant que les fermetures de magasins vont peser. Mais, à plus long terme, en tenant compte des tensions douanières entre États-Unis et Chine, du risque sanitaire chinois et de la pollution qu’induisent les trop complexes chaînes de production, experts (et entrepreneurs) pensent à une régionalisation des productions par grandes plaques. Les « plaque Europe » ou « la plaque Amérique » pourraient devenir relativement plus importantes, au détriment de la « plaque Chine », qui serait plus au centre de la seule « plaque Asie ». Dans ce contexte, la croissance chinoise serait structurellement plus faible.

Mais ce sont les « chiffres financiers », en réalité, qui font réagir les entreprises, les économies, donc les politiques ! Sans être médecins, les experts boursiers regardent le nombre de malades repris par divers sites (notamment Johns Hopkins CSSE) comme s’il s’agissait d’une épidémie boursière, celle d’un titre dont la progression ralentirait puis s’arrêterait, avant de s’inverser. Alors ils se demandent s’il s’agira d’un nouveau SRAS, endigué par les quarantaines et limites des voyages en Chine, d’un nouveau Zika, limité de fait par l’étroitesse des populations à infecter (Puerto Rico et Amérique latine) ou encore d’un nouveau H1N1. Pour la bourse, le COVID-19 est une bulle financière !

Ces chiffres alertent sur la nécessaire prise en compte d’un nouveau risque mondial : le risque sanitaire. La publication en octobre 2019 du GHS (Global Health Security Index – Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health) est édifiante. Partout, les systèmes sanitaires sont jugés faibles, même parmi les pays les plus avancés. 19 pays sur 195 sont les mieux à même de détecter et suivre les épidémies, 5% d’y répondre rapidement. Sur ces pays, les États-Unis sont premiers dans l’ensemble de la Sécurité sanitaire, la France 11ème et la Chine 51ème et, pour la rapidité de détection, respectivement 1er, 21ème (!) et 66ème.  On mesure le travail à faire, maintenant que les virus incubent quand ils prennent l’avion.

Car les derniers chiffres de l’épidémie sont évidemment faux. Sur les 68 000 contaminés dans le monde, dont 67 000 en Chine, combien le sont en Afrique ? Un, en Egypte ! Un continent de 1,2 milliard d’habitants, avec des centaines de milliers de Chinois et des voyageurs internationaux, serait ainsi indemne ! C’est miraculeux, tandis que le Directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé presse les pays développés à hâter leurs mesures de prévention, qui commencent par des déclarations précises et à temps des nouveaux cas. Pour prévenir, il faut commencer par dire. Mais, pour ce faire, encore faut-il des systèmes de soin et de communication, plus une culture de la prévention, domaines où les pays d’Afrique sont les moins préparés de tous.

Donc c’est la finance qui mène le monde, avec ses inquiétudes et ses scénarios, à partir de la lecture de « ses » chiffres. Et c’est bien utile, si c’est excessif, car elle ne craint rien, ni personne ! C’est elle, en effet, qui agite les valeurs des entreprises et des patrimoines, mobilise alors les entrepreneurs, puis pousse les politiques à décider, tous. Et ce n’est pas fini : le chef de l’OMS n’a pas tort de dire que « cette épidémie peut aller dans n’importe quelle direction », même si ceci n’aide pas. Dommage qu’il ne puisse dire que le vrai vaccin contre le COVID-19, c’est la finance !

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