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Quand la colère feinte ou exagérée permet d'avoir le contrôle sur les autres...
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Abus de pouvoir

Ne jamais exprimer sa désapprobation par peur de déplaire, perdre son sang-froid et le regretter aussitôt, trouver chaque jour cent raisons de râler... sont autant de modes d'expression inadaptés de la colère. Ron et Pat Potter-Efron ont fait le tour de cet état affectif aussi sain que malsain, selon les situations. Extraits de "Que dit votre colère ? " (1/2).

Ron et Pat  Potter-Efron

Ron et Pat Potter-Efron

Ron et Pat Potter-Efron sont psychothérapeutes dans le  Wisconsin. Ils se sont spécialisés dans la gestion de la colère et des addictions et sont les auteurs de nombreux livres publiés aux Etats-Unis sur ces problématiques.

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Gérald perd la tête quand il n’obtient pas ce qu’il veut. Édith pique une crise quand son mari ne rentre pas à la maison à l’heure. William tempête au bureau en terrifiant ses assistants. Marie ronchonne pendant des heures si ses parents ne la laissent pas sortir. Chacun d’eux va jurer qu’il ne peut se maîtriser : « C’est plus fort que moi », affirment-ils.

Pourtant, ils ont un secret. Ils pourraient très bien maîtriser leurs sautes d’humeur, mais ils ne le veulent pas, car ils en apprécient beaucoup trop les résultats. Au fond, ils aiment faire peur aux autres en piquant des colères, et c’est ainsi qu’ils parviennent à leurs fins. Pour couronner le tout, personne ne les embête quand ils explosent. Leurs devises sont « Je vais lui montrer qui commande ici », « Il a intérêt à faire ce que je veux » ou « On va faire ce que j’ai décidé, ou bien gare ! »

La plupart des gens n’aiment pas se mettre souvent en colère. Cette émotion forte est déstabilisante. En outre, ils pourraient faire quelque chose qu’ils risquent de regretter, ils ont peur de perdre le contrôle.

Mais que se passe-t-il si vous vous contentez de donner l’impression de perdre le contrôle ? En réalité, vous savez exactement ce vous faites. Vous jetez des objets par terre (les affaires des autres, pas les vôtres, bien entendu !), vous menacez de casser la figure de quelqu’un, vous écumez presque. À tout moment, vous avez parfaitement conscience de ce qui se passe, vous êtes vigilant, et vous savez exactement ce que vous voulez. Vous vous amusez pendant que vous vous donnez en spectacle. Puis, une fois que vous avez obtenu ce que vous voulez, ou que vous avez fait suffisamment peur à quelqu’un pour être convaincu d’obtenir ce que vous voulez, l’orage est terminé.

Le psychologue bien connu Neil Jacobsen et ses collaborateurs ont fait des recherches sur les hommes qui battent leur femme. Ils ont découvert que, parmi les cas les plus graves, certains hommes ne sont pas vraiment sous l’emprise de la rage quand ils frappent leur compagne. Au contraire, leur pouls se met à ralentir à mesure que leur colère monte. Ils deviennent plus calmes et utilisent leur violence pour imposer leur autorité. Leur furie apparente s’accompagne d’une maîtrise froide de la situation. Par ailleurs, ces hommes ne réservent pas cette violence à leur femme ; ils s’en prennent également aux autres membres de leur famille, aux amis, aux collègues, à tout le monde. Pour arriver à leurs fins, ils sèment la terreur.

Le pouvoir, c’est de cela qu’il s’agit : obtenir ce que l’on veut en écrasant les autres. Le message de fond est : « Je veux ceci et je le veux maintenant. », mais il comporte aussi une touche d’intimidation : « Ils n’oseront pas me défier. Je peux les forcer à faire ce que je veux en hurlant, en boudant, et même en frappant. »

C’est la colère délibérée. Ce n’est pas une affaire d’émotion, mais de domination. Et elle est dangereuse, car elle s’accompagne parfois d’une bouffée enivrante de pouvoir. Nombre de ceux qui se fâchent ainsi par calcul éprouvent du plaisir à mettre l’autre mal à l’aise. En jouant la comédie, ils découvrent l’ivresse que procure la domination de l’autre. Ils font mal pour le plaisir de faire mal, pour se sentir puissants. Certains, que nous avons interrogés sur ce qui se passe ensuite en eux, disent avoir l’impression d’être pris dans un engrenage qui fait ressortir un mauvais côté de leur personnalité et qui leur échappe rapidement. Ils perdent alors ce qu’ils avaient essayé d’imposer : le contrôle de la situation.

La colère délibérée se répercute souvent de proche en proche dans la hiérarchie familiale. Le plus fort mène à la baguette la personne qui a moins d’autorité que lui, et ainsi de suite jusqu’à l’enfant le plus jeune, qui malmène le chien ou se bagarre avec d’autres enfants pour s’arroger du pouvoir. C’est ainsi que le plus fort apprend au plus faible comment la colère lui permet d’obtenir ce qu’il veut.

Personne ne renonce au pouvoir de son plein gré, et c’est encore plus vrai pour celui qui utilise la colère pour imposer son autorité.

Il ne changera pas tant que sa colère ne lui aura pas attiré de graves ennuis. Ce n’est pas d’une thérapie dont il a besoin, mais de l’obligation de faire face aux conséquences de ses actes.

Certains de ceux qui utilisent la colère recourent aussi à d’autres émotions pour manipuler leur entourage. Ils ont parfois le don d’exciter la pitié, ce qui leur permet d’éviter les conséquences de leurs actes. Ils savent prendre un air de chien battu, avec la même rapidité et la même hypocrisie dont ils font preuve quand ils se fâchent. Mais ce serait une grosse erreur de les plaindre lorsqu’ils ont commis des actes de malveillance. Ils doivent apprendre que la colère et se comporter de manière infecte pour asseoir leur pouvoir n’est pas admissible, et que désormais cela ne fonctionnera plus. Si vous êtes de ceux qui utilisent la colère délibérément, il est temps de réfléchir honnêtement à votre vie. 

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Extrait de Que dit votre colère ? : Mésestime de soi, culpabilité, jalousie, besoin de contrôle...Eyrolles (8 mars 2012)

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