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La Cour des Comptes suscite des interrogations sur sa politisation.
La Cour des Comptes suscite des interrogations sur sa politisation.
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Explication de texte

INFO ATLANTICO - Claude Guéant s'était fendu de deux lettres virulentes à son Premier président pour dénoncer les "inexactitudes" et "oublis" du projet de rapport sur "l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique". Peu avant la publication de ce document, l'entourage du ministre reste furieux de ce qu'il considère comme une opération politique.

Claude Guéant s'était déjà fendu de deux lettres à l'adresse du Premier président de la Cour des Comptes pour  dénoncer les "inexactitudes", les "oublis" et les "appréciations manquant parfois d'objectivité" contenus dans le projet de rapport de l'institution de la rue Cambon relatif à "l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique".

Si, parmi les missions de la Cour des Comptes, figure l'évaluation de l'efficacité des politiques publiques, dans l'entourage du ministre, on s'interroge sur la politisation de la Cour des Comptes qui pourrait porter préjudice à la crédibilité et à l'objectivité de ses rapports.

Des suspicions qui reposent en premier lieu sur le curriculum des membres de la quatrième chambre de la Cour.

Des rédacteurs très politiques...

Le président de la chambre, Jean-Pierre Bayle, a longtemps été sénateur socialiste, entre 1983 à 1992. C'est lui qui a décidé de la composition de l'équipe chargée de la rédaction du rapport. Il semble que tous ses membres aient été, à un moment de leur carrière, élus ou conseillers dans un gouvernement ou une collectivité socialistes. Dans l'entourage du ministre, on souligne d'ailleurs que les deux rapporteurs désignés, Gérard Ganser et Christian Martin, ont occupé des fonctions dans plusieurs cabinets ministériels sous François Mitterrand, notamment auprès de Mesdames Cresson et Tasca ou de M. Mermaz. Christian Martin, pour sa part, a également fait partie du bureau national du PS.

Ce casting est-il donc susceptible d'orienter les conclusions de la Cour ? Si les chiffres produits par les magistrats financiers ne sont pas contestables en tant que tels, leur présentation et leur mise en perspective ressemblent, par certains aspects, à une exécution sans nuance de la politique de sécurité menée depuis 2002. Revue de détails des principaux points du rapport devant être publié ce jeudi 7 juillet à 13 heures.

Les chiffres de la délinquance

La Cour des Comptes estime que la spectaculaire baisse des vols liés à l'automobile et aux deux roues (- 42 % entre 2002 et 2009) et des vols à la roulotte (- 38 %) "suffit à expliquer, et même au-delà, la baisse globale de la délinquance" sur la période étudiée.

La diminution globale des actes de délinquance peut-elle pour autant se résumer à l'analyse de ces deux seules composantes ? La question paraît d'ailleurs d'autant plus légitime que les atteintes aux biens automobiles ne représentent que 19 % de l'ensemble des faits délictueux, et que les vols à main armée (- 25,1 %), les cambriolages (- 26,8 %) et les homicides (- 33,7 %) ont aussi été en net recul entre 2002 et 2009.

La Cour des comptes explique aussi la tendance concernant les automobiles par "l'amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols ou les effractions et au renforcement des dispositifs de protection des espaces publics et privés". Il n'est ici pas illégitime de s'interroger sur l'absence de toute mention quant à l'action des forces de l'ordre, également dissuasives pour ce type de délinquance.

En ce qui concerne les Atteintes Volontaires à l'Intégrité Physique des personnes (AVIP), la Cour note "une hausse de 20 %, soit 44 000 faits supplémentaires, due aux violences physiques non crapuleuses telles que les coups et blessures volontaires en augmentation de 51 %", soulignant l'impossibilité de mesurer la part exacte des "comportements violents au sein de la sphère familiale".

Nulle mention ici de la loi du 9 juillet 2010 qui réprime le harcèlement dans le couple et qui, mécaniquement, s'est traduite par une augmentation des signalements, et donc du nombre d'AVIP recensé par la autorités.

Le trafic de stupéfiants

L'augmentation des Infractions Relevées par l'Action des Services (IRAS) (+ 52 %, soit 54 000 faits supplémentaires) serait due, selon la Cour, "pour près des trois-quarts aux infractions liées aux stupéfiants".

La Cour dénonce aussi le peu d'implication des Directions Départementales de la Sécurité Publique (DDSP) "dans la lutte contre le trafic de stupéfiants dont il est pourtant acquis de longue date qu'il alimente diverses formes de délinquance, notamment dans les quartiers réputés sensibles", regrettant que la lutte contre les trafics de drogues n'ait été érigée en objectif prioritaire de la DCSP qu'en 2010. Pour la Cour, la politique gouvernementale en la matière n'est appliquée qu'en tant que "variable d'ajustement de l'activité des services aux objectifs chiffrés".

Une affirmation qui fait bondir l'entourage du ministre alors que la lutte contre le trafic de stupéfiants a toujours été une priorité clairement affichée par le gouvernement depuis 2002, que ce soit via la police judiciaire ou les services de sécurité publique. De quoi, là encore, alimenter une hausse mécanique des statistiques.

Les moyens de police et de gendarmerie

La Cour note que les effectifs et les moyens de police et de gendarmerie ont augmenté entre 2003 et 2007 avant de décroître en 2009 et particulièrement en 2010 "en vue de stabiliser les dépenses de l'Etat". Vrai, le ministère de l'Intérieur suit la politique gouvernementale en matière de réduction de la dette publique. En revanche, quand la Cour pointe du doigt les disparités territoriales en termes d'affectation des forces de police et de gendarmerie, elle ne souligne pas les particularités locales qui expliquent, par exemple, que la Seine-saint-Denis soit mieux dotée que les départements alentours.

La Cour s'en prend également à des arbitrages financiers effectués, selon son pré-rapport, au détriment de "la sécurité des agents ou de l'efficacité de leur action", là où la politique menée par les différents ministres de l'Intérieur s'est plutôt inscrite dans une logique de préservation des moyens opérationnels et de réduction des dépenses sur les postes supports. Le rapprochement entre la police et la gendarmerie aurait d'ailleurs permis de rationaliser les dépenses en mutualisant certains achats fonctionnels.

La Cour des Comptes commet également une erreur de calcul en ce qui concerne la police scientifique et technique. Selon les chiffres Siber, les achats de fournitures de ces services s'élevaient en fait à 3,42 millions d'euros en 2010, et non à 1,8 million comme cité dans le rapport.

La vidéosurveillance

La Cour des comptes conclut son rapport par un chapitre dédié à la vidéosurveillance, dont le développement s'est accru ces dernières année en France. Pour les magistrats, cette politique a été engagée "en la quasi absence d'étude scientifique sur le sujet". "En outre, les modalités d'autorisation de l'installation des systèmes de vidéosurveillance de la voie publique paraissent contestables au regard des textes en vigueur".

Dans l'entourage du ministre, on se dit que c'est faire peu de cas des exemples étrangers (notamment en termes d'impact sur le taux d'élucidation des affaires). On constate par ailleurs qu'il est regrettable de penser que les examens de dossiers d'autorisation par les commissions départementales ne soient que "superficiels".

Le pré-rapport estime à 10 000 le nombre de caméras installées sur la voie publique fin 2010, auxquelles il convient d'ajouter environ 5 000 appareils présents sur les bâtiments communaux. Le recensement effectué par les services de police et de gendarmerie avance plutôt, au total, 23 214 caméras installées.

Par ailleurs, la juridiction financière compare la situation française à la seule Grande-Bretagne pour souligner que la France n'est pas en retard sur d'autres pays développés. Il semble pourtant que le Japon, la Belgique ou l'Espagne soient mieux dotées proportionnellement à la population.

Enfin, la Cour se livre à une critique virulente de l'étude réalisée par l'Inspection générale de l'administration en juillet 2009 qui montrait que la délinquance baisse plus vite dans les localités bien équipées en vidéosurveillance que dans les autres. Une interprétation qui vient renforcer encore l'exaspération de l'entourage du ministre de l'Intérieur.

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