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Les classes moyennes ne croient pas forcément les patrons... mais sont prêtes à les écouter
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Les classes moyennes & la rigueur

Un panel de 120 Français des classes moyennes amené à converser sur la plateforme collaborative FreeThinking. L'étude s'est déroulée du 10 au 19 novembre. Objectif : mieux comprendre leur perception de la crise des dettes souveraines, du plan de rigueur Fillon II et des proposition du B20 et du patronat Français. (Épisode 3/3)

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Dernier enseignement de notre étude - plus rassurant sur la capacité de ces Français de classes moyennes que nous avons interrogés à conserver une attitude ouverte au dialogue - leurs réactions face aux propositions du Business 20 (B20) et à celles du patronat français. Des réactions à la fois dures, sans complaisance, et tournées malgré tout vers l'avenir et la recherche de solutions.

Sur le principe : une démarche reconnue comme intéressante…

C’est le premier point à souligner : par rapport au reste des discussions tenues sur notre blog, les contributions qui portent sur l’engagement des entreprises à apporter leur pierre à l’édifice tranchent positivement.

  • A propos du B20 :

 « Le moins qu’on puisse dire, c’est que dans la période actuelle, toute contribution est bonne à prendre. Il est effectivement grand temps que le monde de l’entreprise mouille sa chemise. »

  • A propos des propositions du patronat français :

« Je n’en ai entendu parler que par le biais de ce blog. C’est une bonne chose que les forces économiques françaises proposent des solutions pour sortir la France d’une crise grave ».  

... Mais les classes moyennes ne sont pas prêts pour autant à croire les patrons sur parole !

C'est le côté "dur" de leurs réactions aux questions que nous avons injectées sur le blog, la première portant sur le B20 et les idées partagées avec Nicolas Sarkozy avant le G20, la seconde sur les propositions faites par l'AFEP et le MEDEF et retranscrites dans la presse le 15 novembre. Avec une double attitude :

  • Minoritairement, la dureté est en fait un rejet pur et simple, dans les deux cas, avec cette idée que des oligarques, tels que décrits dans le reste du blog, ne peuvent pas être crédibles dans une telle démarche. Cette attitude purement négative et poussant à son paroxysme la logique de "lutte des classes" concerne surtout le B20, par définition mondialisé et plus suspect d’ultra-libéralisme  :

"Bonjour, c'est n'importe quoi. Depuis quand des patrons de société donnent des recommandations à un président. Cela démontre bien que politique et business sont liés pour gagner des contrats. Les patrons qui sont à des années lumière des petits employés feraient bien mieux de se tourner vers eux."

"C'est amusant que les chefs des grandes entreprises se réunissent pour régler le problème actuel, c'est pourtant eux qui entretiennent la spéculation en engraissant leurs divers actionnaires au lieu de réinvestir une partie de la richesse créée par leurs ouvriers et employés en salaires et en recherche. Ce sont des pompiers pyromanes !"

  • majoritairement, la dureté est l'expression non d'une défiance mais d'une méfiance dans la relation aux dirigeants et aux grandes entreprises. Il ne s'agit pas de mettre en doute de manière systématique ou de rejeter pour le principe, mais bien plutôt d'affirmer une distance avec ceux qui proposent. L'idée n'étant pas de se fermer au dialogue, mais de ne s'y engager que sous conditions : pas de confiance aveugle mais une prudence légitime sur les possibles arrière-pensées du négociateur.

"C'est une bonne idée mais méfiance car quels sont réellement leurs buts : sortir de la crise ou alors amasser encore plus d'argent. Je ne sais pas mais j'espère que je me trompe..."

"Je reste sceptique face à ces propositions, certaines paraissent bonnes mais d'autres montrent que seul le profit les intéresse. La flexibilité du travail par exemple, à part créer des emplois précaires je ne vois pas ce que cela va apporter... De même pour la facilitation des échanges... C'est quoi notre plus-value à nous?"

Cette méfiance qui n’occulte pas l’intérêt de la démarche concerne principalement les propositions du patronat français, plus positivement reçues que celles du B20. Et, au sein même du patronat français, le MEDEF plus que l’AFEP, peu connue par les participants avant ce blog et donc perçue comme plus vierge qu’un MEDEF à qui colle à la peau l’image d’un défenseur extrême des intérêts des grands patrons.

« C’est une bonne initiative. J’ai vaguement entendu parler de l’AFEP. Mais le problème est toujours le même. Les gros groupes ont profité des réformes en embauchant à bas prix + exonération des charges patronales et tout un tas de cadeaux et ont quand même fini par se casser la gueule en entraînant tout le système avec. »

La discussion reste possible

C'est sans doute le point le plus important et le plus intéressant :

  • D'abord parce que sur le principe même de l'initiative du B20 et surtout celle du patronat français, un consensus positif se crée. Dans les deux cas, on voit la même réaction s'imposer, in fine : au-delà des doutes suscités par la position même des intervenants, le fait qu'ils s'engagent, qu'ils prennent la peine de proposer quelque chose est une bonne chose.

"Un point d'accord avec tout ce que je viens de lire, l'initiative paraît très bonne (B20) encore faudrait-il un vrai dialogue, de vraies propositions et peut-être un jour des solutions pourraient être trouvées."

"L'initiative est intéressante en elle-même. Elle démontre bien que les chefs d'entreprise ne croient pas que les états puissent apporter les bonnes solutions à la crise. Ils estiment que nos dirigeants sont trop déconnectés de la réalité du terrain et pensent eux être à même d'apporter de vraies solutions."

  • Ensuite, particulièrement en ce qui concerne les propositions de l'AFEP et du MEDEF qui n'étaient pas connues mais ont pu être exposées dans leurs grandes lignes à travers les trois mesures phares qui ressortaient dans la presse (TVA sociale, fin des 35H, réduction des dépenses publiques), notre panel indique qu'il y a matière à discuter, à négocier, à avancer ensemble, pas forcément dans la paix et l'harmonie mais efficacement.
  1. Sur les 35 heures : un clash fort entre ceux qui ne veulent pas y toucher et ceux qui seraient prêts à en discuter, d’accord pour admettre que c’était une erreur… Mais qui demandent des compensations.
  1. Sur la TVA sociale : un intérêt de principe, avec cette idée force qu’il faut changer pour avancer et qu’elle pourrait être une solution pragmatique, pas trop douloureuse et efficace. Si tant est qu’on en précise la nature et l'effet attendu (qu’est-ce qui sera « social » dans la TVA sociale ? ).
  1. Sur la réduction des dépenses publiques : un consensus se dégage sur sa nécessité, reste à savoir ce que cela signifiera… Une vraie discussion à avoir, donc, sur du contenu mais pas sur le principe de la démarche.

« Si supprimer les 35H peut permettre une revalorisation des salaires et des embauches, alors oui ! Je suis pour !! Mais si c’est pour remplir encore les poches du patron, hors de question. »

« Il y a du bon dans ces propositions… Baisse des dépenses publiques à condition que ce ne soit pas le service public qui disparaisse. TVA sociale, oui ce serait une mesure équitable… Abandon des 35H,  si toutefois elles existent encore partout, à condition que ce ne soit pas pour travailler plus (aah, la compétitivité !) pour gagner moins. »

« Je ne suis pas pour une révision des 35H. Par contre la TVA sociale et la réduction des dépenses publiques doivent être étudiées. »

« Pour la TVA sociale et l’assainissement des dépenses publiques, tout dépend de ce qu’on met dedans, mais j’ai bien peur qu’on stigmatise sur le nombre de fonctionnaires, le trop grand nombre de services publics peu ou pas assez rentables… Revenir  à un certain protectionnisme ne serait je pense pas forcément une mauvaise chose dans le sens de la TVA sociale ou l’idée plus particulièrement d’une taxe verte et sociale que paieraient les entreprises ayant choisi de délocaliser ou de ne plus acheter pour leur production ou services au moins 50% en France. »

Les classes moyennes souhaitent que les patrons aillent plus loin

Dernier point, important pour l’acceptabilité de ce type d’initiative : la nécessité à leurs yeux de faire « monter à bord » de la réflexion en cours d’autres acteurs, à commencer par les PME qui ressortent aux yeux des Français comme moteurs dans l’économie française. Parce qu’elles ont pour eux une connaissance « terrain » très forte et la volonté acharnée de promouvoir l’emploi, de valoriser le savoir-faire français. Une image extrêmement positive et donc un  « goodwill » dont ne bénéficient pas les grandes entreprises – l’actualité PSA venant ajouter de l’eau au moulin des Français de classes moyennes.

« Encore une fois, on ne parle pas des PME, or ce sont elles qui créent des emplois en France. Ce sont elles que nos dirigeants devraient écouter. « 

« Je trouve très bien que les entreprises s’impliquent dans l’évolution de notre société future et dans les démarches à effectuer pour rebooster notre économie et notre compétitivité. Le seul petit hic à mon avis, c’est qu’il ne faut pas tenir compte UNIQUEMENT des grosses entreprises en France, mais également des PME/PMI qui ont du mal à se faire entendre (alors qu’elles sont créatrices d’emplois et de richesses). » 

Un point rejoignant un enseignement de l'enquête précédente : la nécessité pour les grandes entreprises de soutenir les PME, de les parrainer, de s'en préoccuper. D'assumer leur responsabilité "d'aînées" des PME, trop oubliées au yeux de ces Français moyens.

Viennent ensuite dans la demande exprimée de jouer plus collectif, l’intégration des organisations syndicales et des individus eux-mêmes – salariés/citoyens qui se considèrent comme aptes à être partenaires de cette réflexion et à être forces de proposition.

« Je suggère plutôt de donner la parole aux syndicats de travailleurs et aux partis qui les représentent, ou beaucoup, sont des gens issus du milieu du travail ouvriers et employés, et qui pourront parler et agir sur les choses qu’ils connaissent ».

« Je n’en avis pas entendu parler mais il me semble utile que les entreprises soient consultées en cette période difficile ; mais elles ne doivent pas être les seules, il serait profitable que tout le monde, que les syndicats le soient aussi mais ce n’est pas trop dans les habitudes de ce gouvernement de consulter le peuple… »

« D’un premier abord, l’initiative peut paraître très positive. Un dialogue, des propositions, cela pourrait peut-être permettre de trouver des solutions à certains problèmes. Mais ensuite, on ne peut pas s’empêcher d’avoir une certaine méfiance. Pourquoi demander ça à des grandes entreprises ? Pourquoi ne pas demander l’avis des petites et moyennes entreprises. Tout le monde devrait être représenté il me semble ! Sinon cela laisse toujours un goût de suspicion. »

« Je pense que les entreprises ont un rôle à jouer dans la société et dans la sortie de crise et que c’est en s’aidant qu’on y arrivera ».

Feuilleton "Les classes moyennes & la rigueur"

Épisode 1 : La crise pousse les classes moyennes vers les solutions politiques radicales
Épisode 2 : Pour les classes moyennes, la lutte des classes est de retour !

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