Classement de Shanghai : l’Université française pourra-t-elle concilier réussite des étudiants et élévation du niveau général ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Classement de Shanghai : l’Université française pourra-t-elle concilier réussite des étudiants et élévation du niveau général ?
©wikipédia

L'un et l'autre

Deux problèmes se posent lorsque l'on évoque le sujet des universités : le classement de Shanghai, c’est-à-dire comment améliorer le niveau de nos universités au niveau mondial, et comment faire pour améliorer les taux de réussite des étudiants sans que la qualité ne soit nécessairement revue à la baisse.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

Voir la bio »

Atlantico : Pensez-vous qu'il soit possible d'améliorer le niveau de nos universités tout en améliorant les taux de réussite des étudiants ? L'un agit-il nécessairement sur l'autre ?

Jean-Paul Brighelli : Les pôles universitaires français présents dans le top 100 (Pierre-et-Marie Curie, Paris-Sud — Orsay — et l'ENS Ulm) sont les uns et les autres des pôles d'excellence (et l'ENS Lyon, présente un peu plus loin dans le classement, et qui existe sur les mêmes critères extrêmement sélectifs, progresse fortement cette année). Et peut-être faut-il en déduire, en ces temps où les ministères de l'Education et de l'Enseignement supérieur ont entamé des négociations (comme si c'était négociable !) avec les "syndicats" étudiants pour introduire une dose de sélection à l'entrée de nos universités, que seule une sélection un peu stricte amène nécessairement l'excellence.

Quel est votre avis sur les critères de notations du classement de Shanghai ?

Commençons par émettre les plus fortes réserves sur le classement de Shanghai : basé sur le nombre d'articles publiés dans des revues scientifiques prestigieuses, et sur le nombre de prix Nobel ou de médailles Fields rattachés à telle ou telle université, il ignore complètement, entre autres, les sciences humaines ou le Droit, et n'a été inventé que pour faire la promotion des facs américaines, qui répondent exactement aux critères énoncés. Un peu comme si l'on vous recrutait sur un poste défini préalablement en fonction de vos compétences particulières, et que l'on feigne de s'étonner ensuite que vous y ayez si bien répondu. Les universités provinciales françaises, dont le réseau est pourtant essentiel, n'ont aucune chance d'y figurer un jour, étant entendu qu'elles n'atteindront jamais la taille critique qui leur permettrait de l'envisager. Que l'on veuille bien imaginer ce que serait le classement d'une "Université de Paris" qui, comme avant 1968, regrouperait l'ensemble des pôles universitaires de la capitale et de sa proche banlieue, grandes écoles comprises.

Ajoutons que les universities américaines commencent au niveau Bac + 2, vire Bac + 3 : les colleges sont par définition hors classement, alors que les facs françaises portent le poids énorme d'un Bac généreusement distribué à des lycéens très mal formés et souvent inaptes. Peut-être faut-il en tirer quelques conséquences, et dissocier nous aussi un cycle préparatoire — qu'il faudrait calquer sur le mode des Classes préparatoires aux grandes écoles, dont le système exigeant profite si bien aux ENS — et un cycle universitaire, orienté plus spécifiquement vers la recherche, en créant parallèlement une voie distincte pour les métiers de l'enseignement.

Enfin, les facs américaine sou anglaises sont des entités privées, un auto-financement, et les grandes entreprises sont fortement encouragées, dans les pays anglo-saxons, à contribuer à la Recherche. On en est très loin en France, où l'on devrait s'inspirer davantage du système chinois, où le gouvernement met le paquet depuis des décennies sur l'enseignement supérieur (au prix d'une sélection absolument impitoyable), et ne s'aviserait pas de demander à ses facs de faire des économies en leur coupant les vivres, comme c'est le cas cette année, où l'on coupe 331 millions d'euros de crédits : l'excellence a un  prix, et l'on ne monte pas des repas de fêtes avec des clopinettes.

Ce palmarès mondial (classement de Shangai) est attendu et scruté avec beaucoup d'angoisse par les présidents d'universités. Mais les universités concernées ressentent-elles les effets d'une baisse ou d'une hausse dans le classement ?

Il est évident que la présence des universités dans le classement de Shanghai est un encouragement à aller dans le sens de l'exigence académique — et nécessairement dans le sens d'une ré-sélecion drastique, au moins au niveau Master, ce qui se fait de plus en plus. J'ajoute qu'à la nécessité de trier les étudiants devrait correspondre le tri des enseignants, recrutés trop souvent sur des critères qui n'ont rien à voir avec l'excellence — voir ce qui se passe en "Sciences" de l'Education — mais qui doivent beaucoup au copinage et à la conjuration des médiocres. Le niveau Bac / Bac + 3 devrait être confié à des enseignants polyvalents recrutés sur d'autres critères que ceux de la recherche, qui n'a aucun sens à ce niveau, alors qu'à partir de Bac + 3 ou 4, c'est justement sur une recherche de qualité (et elle devrait être appréciée par une instance indépendante de l'université, non susceptible d'obéir à des petits arrangements syndicaux ou des combines locales) que le recrutement devrait se fonder. On en est loin, sauf dans les cursus les plus dynamiques, qui en ce sens montrent ce qu'il faut faire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !