Chute (pas du tout surprise) des recettes fiscales : les nouvelles projections de déficit budgétaire du gouvernement sont-elles plus crédibles que les précédentes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les nouvelles projections de déficit budgétaire du gouvernement sont-elles plus crédibles que les précédentes ?
Les nouvelles projections de déficit budgétaire du gouvernement sont-elles plus crédibles que les précédentes ?
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Bercy

Quelles seront les conséquences budgétaires sur le déficit 2024 et pour la trajectoire à long terme définie par Bruno Le Maire ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Bruno Le Maire a annoncé en Conseil des ministres que le déficit budgétaire de l'Etat s’est établi à 173,3 milliards fin 2023, soit 2 milliards de plus que ce qui était prévu en novembre, principalement à cause des recettes fiscales en berne. Les nouvelles projections de déficit budgétaire du gouvernement sont-elles plus crédibles que les précédentes ?

Michel Ruimy : L’exercice 2023 se révèle pire que prévu. À 173,3 milliards, il frôle le record de 2020. Il s’est bouclé avec un supplément de déficit de 2 milliards d’euros comparé au chiffre prévisionnel de fin d’année et de 7,3 milliards par rapport au budget initial.

La détérioration de la situation économique mondiale et l’instabilité de l’environnement géopolitique risquent de peser sur l’économie française. Les risques d’explosion du solde public seraient importants, si la conjoncture devait encore se dégrader c’est-à-dire une croissance nulle ou une récession au lieu de 1% comme prévu par le gouvernement.

Pourquoi la chute des recettes fiscales n’est pas une surprise ?

Confronté en 2023 à une croissance plus faible que prévue du fait du nouvel environnement géopolitique, le gouvernement a dû faire face à des recettes fiscales moindres (près de 7,7 milliards d’euros). En cause, un moindre montant de l’impôt payé par les sociétés sur leurs bénéfices en raison d’un acompte de décembre moindre que prévu (4,4 milliards d’euros) et d’un bénéfice fiscal peu dynamique, une baisse des recettes sur la TVA - première recette de l’Etat - (-1,4 milliard) malgré une situation inflationniste, et d’une diminution de celles sur le revenu (-1,4 milliard).

Ces résultats ont plombé les ambitions financières du gouvernement. Une tendance inquiétante pour 2024, une spirale de mauvais augure pour les objectifs budgétaires voire un paradoxe car, en dépit des baisses d’impôts décidées par Emmanuel Macron, le taux de prélèvements obligatoires (taxes, impôts, cotisations) n’a jamais été aussi élevé en France selon l’Insee (août 2023). Il est même redevenu le plus élevé des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Pour autant, il ne faut pas oublier aussi que le déficit public total se creuse. Si la France affiche, en 2023, fièrement une croissance plus importante que celle de l’Allemagne, c’est aussi grâce à des dépenses publiques en hausse… financées à crédit par de la dette !

Quelles seront les conséquences des nouvelles projections de déficit budgétaire pour le déficit 2024 ?

Plombé par des recettes en berne, le budget de l’Etat et celui de la Sécurité sociale se retrouvent dans le rouge. Et cette situation ne risque guère de s’arranger. La plupart des instituts de prévision ont révisé, à la baisse, leur croissance pour 2024 (autour de 0,8%) alors que l’exécutif a également abaissé sa projection de 1,4% à 1%, au-dessus donc du consensus des économistes.

Le gouvernement a annoncé un nouveau tour de vis budgétaire pour 2025 de 20 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 12 milliards d’euros déjà fixés par Bercy pour tenir les objectifs de déficit public. Au total, les économies pourraient s’élever à 30 milliards d’euros entre 2024 (10 milliards d’euros) et 2025 (20 milliards d’euros) répartis entre l’Etat et la Sécurité sociale.

Dans ce contexte, les perspectives sont peu réjouissantes avec la fin des rachats de dettes publiques par la Banque centrale européenne, de haut taux d’intérêt et les besoins de refinancement alors que le coût de la dette, rien que pour l’État, est déjà prévu à plus de 70 milliards d’euros en 2027.

Plus de déficit, ceci signifie que l’État devra emprunter davantage pour boucler ses « fins de mois » et donc alourdir encore sa dette. Celle-ci a encore gonflé de 45,3 milliards entre juillet et septembre l’an dernier, pour atteindre 3 088 milliards d’euros à la fin du 3ème trimestre 2023.

Or le taux auquel l’État emprunte à long terme sur les marchés a gonflé : 2,95% en 2023 contre 1,16 % sur la période 2009-2021. Le budget annuel de remboursement des emprunts enfle donc lui aussi. Il est prévu d’atteindre 52,2 milliards en 2024. C’est 4 fois le budget du ministère de la Justice et 8 fois celui de l’Agriculture.

Qu’est-ce que cela nous dit sur la trajectoire à long terme définie par Bruno Le Maire ?

La France est en état de déficit public depuis 50 ans. Le dernier budget présentant un solde positif remonte à 1974 : +8,5 milliards de francs de l’époque, soit l’équivalent de 6,7 milliards d’euros aujourd’hui.

Malgré l’accord, signé en décembre 2023, par les ministres européens des Finances visant à assouplir légèrement les critères de Maastricht, la situation des finances publiques françaises est préoccupante et « le plus dur est devant nous ». Bruno Le Maire l’a dit lui-même, lui a promis un redressement financier mais qui doit composer avec des comptes publics plus dégradés que prévu. Il n’a pas d’autre choix que d’afficher une grande fermeté, s’il veut éviter des sanctions financières de la Commission européenne et/ou de nouvelles dégradations de la note de crédit de la France par les agences de notation (Récemment, S & P et Moody’s ont, dans leurs dernières évaluations, évité à la France un abaissement de leur note tandis qu’une troisième, Fitch, a dégradé la sienne). Or, la notation qu’elles accordent est déterminante pour les conditions financières auxquels les grands investisseurs mondiaux prêtent aux États.

L’exécutif prévoit de ramener le déficit public à 2,7% en 2027, l’endettement public proche de 110% du PIB en 2024 pour atteindre 108% en fin de quinquennat et un budget à l’équilibre en 2032. Dans le contexte actuel, ces objectifs prévisionnels seront difficiles à atteindre dans la mesure où si le sentier budgétaire prévu par le gouvernement va dans la bonne direction, celui-ci y va un peu trop lentement.

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