Christian Gollier : "Le nouveau rapport du GIEC est vraiment indigent du point de vue des sciences économiques"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
La France a été victime d'une importante sécheresse cet hiver.
La France a été victime d'une importante sécheresse cet hiver.
©JOEL SAGET / AFP

Crise environnementale

Le 20 mars dernier, le GIEC a sorti un sixième rapport sur l'évolution du climat. Celui-ci est encore plus alarmant que les précédents.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

Voir la bio »

Atlantico : Sur Twitter, vous relevez « une divine surprise » dans le rapport du GIEC sorti le 20 mars. Le groupe d’expert soutient une tarification du carbone, appelle à l'augmentation de sa valeur, et à l'utilisation de son revenu fiscal pour compenser les ménages modestes. Que vous inspire cette proposition ? 

Christian Gollier : C’est un événement majeur, quand on connaît la prudence de cette institution. En effet, pendant très longtemps, le GIEC a considéré que son rôle était uniquement de livrer la vérité scientifique du climat et de son évolution : le groupe n’avait pas vocation à faire des prescriptions de politique climatique. Effectivement, quand vous lisez les 10 000 pages des trois volumes du sixième rapport sorti ces deux dernières années, on voit très peu de choses sur ces sujets de politique de décarbonation, et pratiquement rien sur la taxe carbone. Qu’il y ait dans le rapport final et définitif pour les décideurs un élément de soutien, qui fait par ailleurs consensus en sciences économiques, est donc une très bonne nouvelle. Cet élément souligne l’importance d’inciter les émetteurs de CO2 à tenir compte des conséquences de leurs actions sur l’environnement, et que le meilleur moyen d’y arriver est de mettre en place une fiscalité sur le carbone, comme nous l’impose le principe pollueur-payeur inscrit dans la constitution de notre pays. À ce titre, ce texte du GIEC est révolutionnaire. En effet, annoncer une augmentation des prix du carbone afin d’utiliser ces revenus fiscaux pour soutenir les ménages les plus modestes est un soutien jamais vu jusqu’alors pour cette recommandation issue de la science économique.

Vous relevez également que « ce nouveau rapport du GIEC reste vraiment indigent en sciences économiques ». Qu’entendez-vous par là ? Comment l’expliquer ?

Comme je l’expliquais précédemment, les hommes politiques ne désirent pas que le GIEC prescrive des régulations et des actions climatiques pour réduire les émissions de CO2 par des politiques publiques. Le GIEC n’a pas reçu mandat pour prescrire des solutions. On le voit bien dans ces 6 rapports produits depuis 30 ans, évitant au maximum d’intégrer les analyses économiques pourtant indispensables : mesure des coûts sociaux des actions de décarbonation, comparaison avec les bénéfices sociétaux de cette décarbonation, ou ordre de mérite de ces actions, compte tenu de l’évidence que toutes les actions vertes ne sont pas nécessairement socialement désirables. Les économistes sont des scientifiques qui s’intéressent à l’amélioration de la société pour rendre le monde meilleur en proposant des solutions. Par conséquent, il est souhaitable de souligner les pistes pour arriver à cet objectif, sans se contenter d’un simple constat comme le fait le GIEC. Désormais, le principal problème n’est plus de savoir si le réchauffement climatique existe mais de savoir comment réorganiser la société socialement et économiquement pour affronter ce phénomène et trouver des solutions concrètes, au moindre coût social pour nos concitoyens. Il faut définir les enjeux mais aussi les actions nécessaires à cette transition : qui doit faire quoi, quand, et comment ? Malheureusement, force est de constater que le GIEC n’a jamais vraiment apporté de réponses à ces questions…

Les sciences humaines et sociales sont les parents pauvres du GIEC, sans doute pour des raisons politiques.

D’une certaine manière, pensez-vous que le GIEC passe à côté de sa mission ?

Je n’irai pas jusque là puisque scientifiquement parlant, le rapport est excellent, notamment en coupant définitivement le sifflet au climatoscepticisme. Pour la première fois, ce 6ème rapport explique clairement que le réchauffement climatique est d’origine humaine. C’est désormais indiqué noir sur blanc, et c’est un fait historique majeur. Le doute n’est plus permis. Ensuite, le rapport explique qu’à notre rythme moyen d’émissions de CO2, on augmente la température moyenne de la Terre d’un quart de degré tous les 10 ans, ce qui est énorme. L’heure est grave et en 2030, on aura franchi la fameuse barre des 1,5 degrés décidée lors de la conférence de Paris. Désormais, maintenant que cette problématique scientifique est posée, elle nécessite une mise en œuvre politique. Ce qui est déplorable, c’est qu’alors que les vrais contentieux sur le climat sont aujourd'hui de nature économique, on demande au GIEC de regarder ailleurs. Voilà pourquoi cet appel à une taxe carbone constitue un fait politique majeur qui devrait inciter les pouvoirs publics à changer de braquet avec un outil d’incitation à la décarbonation efficace, transparent et progressif. La voie est tracée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !