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Chômage des séniors : face à l'inefficacité du Contrat de génération, ce qu'il faut faire pour s'en sortir
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Bonnes feuilles

Dans notre société, le jeunisme est de mise. Passé 45 ans, on est "vieux" et soupçonné de graves maux : rigidité, lenteur, ancrage dans le passé, négativisme, manque d’inventivité, ignorance des outils numériques, etc. Cet ouvrage vise à valoriser la place des séniors dans la société comme dans leur entreprise. Extrait de "Senior, bats-toi !" (1/2).

Alexandre Ginoyer

Alexandre Ginoyer

Alexandre Ginoyer est un jeune soixantenaire au cœur de l’action et de la ré-flexion. Consultant-coach indépendant, il accompagne les entreprises dans des projets de changement pour lesquels l’optimisation des ressources humaines prend une part de plus en plus importante. Il conçoit et anime des actions formatives pour les salariés, notamment à l’affirmation de soi, au management et à la communication, et accompagne depuis 7 ans, des chercheurs d’emploi de tous âges, métiers, niveaux, cultures. Il est Délégué Général du Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie, ONG internationale en lien avec l’UNESCO.

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Un taux d’emploi très faible

La France se caractérise par une grande faiblesse du taux d’emploi de seniors : en 2009, la proportion des 50-64 ans en activité était de 38 % seulement, contre de bien meilleurs taux dans l’Europe du Nord, 70 % en Suède par exemple. Et les quinquas français représentent plus de 8 millions de personnes !

Les plans de départ à la retraite anticipée ont non seulement discrédité les seniors restés au travail, mais aussi affaibli les chances des demandeurs à retrouver un emploi. Le bilan est d’autant plus négatif que les « jeunes retraités » ne cotisent plus pour financer la retraite de leurs aînés puisqu’ils passent de cotisants à bénéficiaires de prestations, que les plans de départ, pour être incitatifs, ont coûté très cher et que ces plans ont été inefficaces puisqu’ils n’ont pas favorisé l’emploi des jeunes.

La part des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans ne cesse de croître d’année en année et le nombre de CDD explose ! Senior, il est grand temps de se bouger !

Des lois… et de leurs effets

Depuis le début de ce xxie siècle notamment, se sont enchaînées les réformes visant à améliorer l’insertion des moins de 25 ans (sans toutefois se préoccuper de leur évolution de carrière), le maintien dans l’emploi des seniors ainsi que leur retour à l’emploi, avec aides financières et amendes à la clé pour les entreprises (carottes et bâtons).

Au 1er janvier 2010 est entré en vigueur le Plan d’action senior du gouvernement Sarkozy, qui imposait à toute entreprise de plus de 50 salariés de mettre en place un accord ou un plan d’action en faveur des seniors (maintien dans l’emploi, aménagement de carrière et recrutement), sous peine de pénalité financière équivalente à 1 % de la masse salariale. Ce plan n’a pas donné de résultats probants, faute de temps peutêtre puisqu’il est dorénavant remplacé par le Contrat de génération du gouvernement Hollande. Au printemps 2012, 83 % des salariés n’avaient pas connaissance d’un quelconque Plan d’action senior au sein de leur entreprise (sondage notretemps.fr). D’autre part, 80 % des sondés déclaraient ne pas avoir bénéficié d’un bilan de compétences dans les trois dernières années alors que ce dispositif avait été rendu obligatoire en 2009 pour les salariés de plus de 45 ans afin de faciliter leur évolution de carrière.

Le récent Contrat de génération est, selon Michel Sapin, ministre du Travail et de l’Emploi, « … une belle idée pour faire davantage de place aux plus jeunes sans pousser dehors les plus anciens ». Cette loi vise trois objectifs simultanés :

°° favoriser l’embauche de jeunes de moins de 26 ans ;

°° sécuriser l’emploi des seniors de plus de 57 ans (55 pour les handicapés ou en cas de nouvelle embauche) ;

°° favoriser les solidarités intergénérationnelles en créant des binômes senior-junior liés par un contrat de tutorat.

Les entreprises répondant aux critères reçoivent des primes d’État incitatives.

Ce dispositif sous-entend que senior et junior arriveront à collaborer, ce qui est un objectif louable, mais qui ne va pas forcément de soi : le rôle du chef de service apparaît ici nécessaire. Autre inconvénient du dispositif : il souligne la différence entre ces deux générations, un senior vs un jeune.

Certains enfin regrettent le manque d’ambition de cette loi, qui vise seulement le maintien dans l’emploi des seniors et non leur recrutement.

Le Contrat de génération, comme beaucoup d’autres dispositifs de ce type, ne rencontre pas le succès espéré, malgré l’attrait du système. En fait, ce sont rarement les primes qui attirent les patrons : s’ils ont besoin d’embaucher un jeune, ils le feront, et si les critères d’éligibilité sont réunis, ils profiteront du système pour bénéficier des primes au passage.

Idem pour un senior : dans la majorité des cas, ils ne l’embaucheront que s’il possède les compétences requises et est apte à répondre aux besoins de l’entreprise plutôt que par crainte de payer une taxe.

Rappelons ici la proposition d’amendement du député Denis Jacquat de laisser « la possibilité aux salariés qui le souhaitent de prolonger leur activité au-delà de 65 ans, sous réserve d’en avoir préalablement manifesté l’intention auprès de leur employeur et dans la limite de cinq années ». Un argument était que le texte offrait la possibilité à une personne n’ayant pas suffisamment cotisé de pouvoir compléter ses annuités au lieu d’être « remerciée » à 60 ans quelle que soit sa situation. Ce type de proposition pourrait bien refaire surface.

Au moment où j’achève ce livre, l’État prépare des réformes substantielles pour espérer garantir le versement des pensions, à commencer par un allongement de la durée du travail, justifié par un allongement de l’espérance de vie. Nous verrons

Au-delà des lois, il serait bon de pouvoir considérer la situation de chacun :

°° a-t-il les moyens financiers de s’arrêter ?

°° a-t-il l’envie, le souhait, le désir de continuer à travailler ou pas ?

°° sa santé le lui permet-elle ?

Au regard de la situation démographique et économique, il paraît regrettable d’empêcher de travailler un sexagénaire qui le veut et le peut, et qui, en plus, rendrait service à son entreprise et à la société.

Au regard de la situation humaine, il paraît inhumain d’obliger à travailler un sexagénaire exténué parce qu’il lui manque quelques mois de cotisations.

Au bilan de ces actions, et au-delà des calculs préoccupants pour les actifs et donc futurs retraités, la perte d’image est considérable dans sa globalité :

°° l’État a subi une perte de confiance de la population sur sa capacité à réguler le social et l’économique ;

°° les caisses de retraite ont été vidées ;

°° la situation de l’emploi s’est fortement dégradée, notamment pour les seniors et pour les jeunes ;

°° les seniors ont été « ringardisés », et se sont même dépréciés à leurs propres yeux ;

°° les entreprises sont passées pour inhumaines, car elles ont souvent profité de l’occasion pour « dégraisser » leurs effectifs, en mettant en avant les côtés négatifs des seniors (usés, trop coûteux, trop ancrés dans leurs habitudes…). Comme dit l’adage, « lorsqu’on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage ! », mais on ne peut totalement leur jeter la pierre puisqu’elles doivent perdurer dans un monde où la compétitivité est devenue un enjeu vital !

°° les jeunes, forcés de se battre eux aussi, ont été considérés comme opportunistes et irrespectueux des anciens ;

°° les méthodes traditionnelles de travail ont été aussi, par le fait même, ringardisées, alors que certaines s’avéraient plus efficaces ou moins coûteuses que les nouvelles ;

°° certains savoir-faire ont été perdus ou chèrement récupérés.

En conclusion, la situation actuelle de l’emploi des seniors est très mauvaise, en dépit des discours, des voeux pieux, des lois et des actions tentées. On en vient à se dire que le système est grippé dans sa globalité et qu’il serait vain d’attendre les effets d’une loi miraculeuse, surtout si elle est sectorielle. Un redémarrage global de l’économie apporterait mécaniquement une amélioration, mais ne peut-on qu’attendre celui-ci sans rien faire ?

Un changement global est à opérer au sein de la société sur la place et le rôle qu’ont à tenir les seniors au sein de celle-ci : rôle sociétal, familial, mais aussi rôle économique.

C’est aux seniors d’initier la réflexion sur ce changement, au risque de voir leur situation et leur image se dégrader encore.

Quand et pourquoi faut-il « se battre » ?

Nous avons deux vies et la deuxième commence lorsque nous réalisons que nous n’en avons qu’une. Confucius

Pourquoi ce titre, « Senior, bats-toi » ?

« Se battre » renvoie à la guerre, à la violence… On se bat « contre ». Contre qui ou quoi ? Évidemment, il n’est pas question de violence, au contraire. Alors, de quoi s’agit-il ?

Le titre du livre peut gêner ceux qui veulent éviter tout conflit. Je pense au contraire qu’il ne faut pas avoir peur du conflit pour aller vers des relations gagnantgagnant, constructives, apaisées. Il faut avoir d’autant moins peur du conflit qu’il porte sur des idées, et c’est le traitement de ce type de conflit au plus vite et au mieux dans l’intérêt de tous qui peut faire qu’on n’en arrive pas au conflit entre personnes ou au conflit social généralisé.

La bataille est à mener contre soi tout d’abord. Contre ses propres idées limitantes, négatives, incitant à ne pas entreprendre ou à le faire en position d’infériorité ou de doute.

Il faut se battre contre la paresse, contre la lassitude, contre le découragement et contre la fatalité. Parfois contre la maladie, physique ou psychique. Combattre ses propres démons.

Ensuite, vous avez parfois à vous battre contre les autres, certains autres. Exemples :

°° ceux qui veulent vous diminuer sous le seul prétexte de votre âge, ceux qui vous discriminent à cause de préjugés contre les seniors ;

°° ceux qui veulent vous éliminer pour un aspect défaillant chez vous, en occultant tout ce que vous faites et tout ce que vous êtes par ailleurs ;

°° ceux qui voudraient votre place alors que vous y êtes efficace et que celle-ci vous convient ;

°° ceux qui ne respectent pas vos droits ;

°° ceux qui, tout simplement, ne vous respectent pas en tant que personne…

Vous devez vous battre pour EXISTER parmi eux, tout simplement.

Résiste, prouve que tu existes. Michel Berger

Nous en venons à la question du sens. Il faut que la raison soit d’importance pour se battre. Et la première me paraît être l’injustice.

• Lorsqu’on a prouvé son efficacité au travail pendant vingt, trente, quarante ans et qu’on est considéré comme incompétent ;

• lorsqu’on a économisé toute sa vie et qu’on se fait spolier par qui que ce soit, y compris ses enfants ;

• lorsque toute négociation pacifique s’avère infructueuse, alors… il y a de quoi monter au créneau et passer à la contre-attaque !

Il faut que tous ceux qui le peuvent se battent pour faire évoluer les idées dépassées, stéréotypées, que nous avons déjà évoquées :

°° les seniors sont has-been, plus lents, plus résistants au changement…

°° ils sont moins combatifs : on peut en profiter pour les amener là où on veut ;

°° ils sont nuls en ce qui concerne les outils numériques ;

°° ils sont moins efficaces qu’un jeune, moins créatifs, moins ouverts ;

°° ils craignent d’être dépassés par les jeunes, leur bloquent le passage, ne veulent pas coopérer avec eux ;

°° ils sont individualistes, égoïstes, ne font aucun effort pour s’intégrer dans une équipe. Etc.

Luttons pour affirmer et prouver le contraire !

Nous pourrons d’autant mieux combattre ces idées reçues que nos comportements démontreront le contraire. Le séniorat, dans l’inconscient collectif français, est associé à la faiblesse. N’est-ce pas injuste ? Il va donc falloir nous battre, sans violence, mais avec l’autorité nécessaire. Calmement, mais aussi fermement que la situation l’exige.

Extrait de "Senior, bats-toi !", Alexandre Ginoyer, (Ixelles édition), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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