Chômage : les droits rechargeables, une bonne idée qu'il faudra transformer<!-- --> | Atlantico.fr
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Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord le week-end dernier permettant la mise en place d'une nouvelle convention d'indemnisation d'assurance-chômage.
Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord le week-end dernier permettant la mise en place d'une nouvelle convention d'indemnisation d'assurance-chômage.
©Reuters

On y est presque

Les partenaires sociaux ont fini par trouver un accord sur l'assurance chômage dans la nuit du 21 au 22 mars. La principale mesure de ce texte est la mise en œuvre des droits rechargeables.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord le week-end dernier permettant la mise en place d'une nouvelle convention d'indemnisation d'assurance-chômage. La principale avancée de ce texte est la mise en œuvre de droits rechargeables. De quoi s'agit-il exactement ? Quel est l'objectif ?

Gilles Saint-Paul :Il s'agit pour les chômeurs qui reprennent un emploi de ne pas perdre les droits à l'indemnisation accumulés au cours d'un emploi précédent, et de cumuler ceux-ci avec ceux de son nouvel emploi.

Auparavant, il était souvent plus avantageux pour un chômeur d'attendre d'avoir épuisé ses droits avant de reprendre un emploi. L'objectif est d'éliminer cet aspect pervers du système précédent en incitant les chômeurs à reprendre un emploi plus rapidement.

D'après le Medef, cette réforme "devrait permettre de réduire d'un quart à un tiers le nombre de demandeurs d'emploi touchés par la fin des droits et basculant dans le RSA". Un objectif louable en théorie, mais que va-t-il en être en pratique ? Le système actuel est-il armé pour gérer la complexité des droits rechargeables ?

En pratique, la mesure doit être financée et il y a un risque qu'elle débouche sur un alourdissement des cotisations, lui-même peu favorable à l'emploi. Le risque d'optimisation de la part des chômeurs n'est pas totalement éliminé ; en effet, du fait de la possibilité de cumul ceux-ci auront droit en moyenne à une durée d'indemnisation plus élevée qu'ils seront tentés de consommer. Les employeurs, conscients de ce risque, voulaient le compenser en réintroduisant une dégressivité des allocations en fonction du temps, mais ceci n'a pas été fait. De plus, à court terme, c'est l'état de la conjoncture qui va déterminer le nombre d'emplois créés. D'autres systèmes avaient été proposés en leur temps, comme par exemple le reversement du reliquat de droits à l'employeur qui embaucherait le chômeur, ce qui a le mérite d'agir directement sur l'incitation à embaucher en réduisant le coût total du travail. Donc, le nouveau système peut avoir des effets bénéfiques sur l'emploi mais il devra être évalué soigneusement. A cet égard, il aurait été utile de mettre en place une expérience à petite échelle pendant deux ou trois ans pour se faire une idée de ses effets (bien que de telles pratiques, en France, se heurtent à des obstacles juridiques).

Cette indemnisation à droits rechargeables ne risque-t-elle pas finalement de creuser le déficit ? Combien cela va-t-il coûter ?

C'est effectivement un risque et il est très difficile de prévoir combien cela va coûter. Si la mesure fonctionne, elle engendrera au contraire des économies. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions et on peut craindre un comportement opportuniste de la part de certaines franges de la population pour lesquelles le fait d'avoir un emploi n'est pas essentiel. 

En quoi cette mesure pourrait-elle inciter les demandeurs à la reprise d'emploi ? Va-t-elle vraiment sécuriser l'emploi sur le long terme ?

Si je dois me risquer à formuler un pronostic, je pense qu'elle sera globalement positive ; les chômeurs accepteront plus d'offres d'emploi, et au total, même si une partie de ces emplois sont précaires, auront une plus grande expérience professionnelle, ce qui améliore leur employabilité. Il y aura probablement moins de chômeurs de longue durée, et ce sont ceux-ci dont le retour à l'emploi sont le plus problématique. Si cependant la mesure s'avère trop coûteuse et inefficace à cause des effets pervers que j'ai mentionné plus haut, je crois qu'il faudra revoir le niveau et la dégressivité des allocations, plutôt que de remettre en cause les droits rechargeables en tant que tels.

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