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Chômage : la flexisecurité sérieusement ébranlée par la crise dans les pays qui l'ont appliquée
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Raté...

Mal connu et mal aimé, le mécanisme du chômage partiel est très peu utilisé en France. Pourtant, à l'instar de ce qui se passe en Allemagne ou au Danemark, il pourrait, une fois simplifié et rénové, constituer un puissant élément de flexisécurité et un rempart contre les licenciements économiques.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Le franchissement de la barre des 3 millions de chômeurs n’est qu’un prélude à la catastrophe qui nous attend. La crise a épargné la France jusqu’ici. Non pas que notre pays soit mieux préparé que d’autres à affronter les conséquences du choc de la dette, mais plutôt parce que la défiance frappe en premier les pays plus fragiles et les moins adaptés à la mondialisation : les pays "périphériques" de la zone euro. La dégringolade du crédit des pays du Sud a permis à notre pays de se maintenir dans l’illusion de son invulnérabilité. Mais la confiance des marchés à l’égard de la France s’étiole. Et ce ne sont pas les mesures du gouvernement socialiste qui vont ralentir ce mouvement de défiance, surtout avec la nouvelle vague d’exode qui nous attend.

Le chômage de masse est un fléau français qu’aucun gouvernement n’a traité depuis 40 ans. L’immobilisme des décideurs politiques n’a pourtant pas empêché nombre d’économistes de droite comme de gauche de défendre la flexisécurité comme modèle de remplacement de la "rigidisécurité" franco-française. Ce système hybride vient des pays scandinaves. Il mêle une flexibilité importante, fruit de la culture anglo-saxonne et, depuis peu, asiatique, et la sécurité d’une indemnisation et d’un accompagnement actif de l’assuré social. C’est coûteux et contraignant pour les assurés soumis à des exigences fortes en contrepartie de leur protection sociale. Las, le Centre d’Analyse Stratégique vient de publier un rapport dans lequel il juge cette flexisécurité inefficace.

Le chantre de la flexisécurité, le Danemark, n’est selon lui plus en mesure de contenir son coût devant la remontée durable du chômage. Les deux modèles cités en exemple par le CAS sont les Etats-Unis, habitués aux purges brutales permettant un redémarrage tout aussi fort, et l’Allemagne où les entreprises et les syndicats agissent en acteurs socialement responsables. Plutôt que de licencier, les entreprises recourent aux diminutions de temps de travail et aux baisses de salaire le temps de revenir à la croissance. La question est simple. Quel modèle restera envisageable lorsque la crise frappera la France de plein fouet ?

La France finance des indemnités chômage généreuses, une formation continue conséquente et un accompagnement dans la recherche d’emploi. Les résultats de cette politique ne sont pas probants. Ce que nous n’avons pas encore tenté, c’est une vraie flexibilité du marché de l’emploi. Les mentalités sont-elles prêtes à des négociations consensuelles sur le modèle allemand ? Au sein des entreprises, les syndicats ont une culture de la confrontation qui rend ces arrangements difficilement concevables. On a déjà vu la direction contourner les instances syndicales par un référendum pour légitimer des accords qu’elles savaient condamnés pour des raisons idéologiques par la voie des négociations syndicales.

Face à la complexité et au coût des licenciements, les chefs d’entreprise se sont adaptés. Les petites et moyennes entreprises ont appris à fonctionner en sous-effectifs afin de ne pas risquer de se retrouver coincées en cas de ralentissement de l’activité. Et pour parer aux rigidités réglementaires et à l’incertitude judiciaire des procédures prud’homales, le recours à des contrats à durée déterminée et à des contrats précaires se multiplient. Cette solution bricolée engendre un clivage inquiétant entre l’univers surprotégé des CDI et tous ceux qui se transforment en simple variable d’ajustement.

A force de confondre licenciement et chômage, nous avons surprotégé les postes plutôt que favorisé le renouvellement des emplois par la croissance de nos entreprises et le développement de nouvelles activités. A force de pénaliser l’entrepreneur-employeur et de surprotéger l’employé, nous sommes arrivés au bout du système. Lorsque le chômage remontera brutalement, nous risquons de devoir basculer directement sur un modèle de flexibilité sans passer par la case flexisécurité. Les Français le supporteront-ils sans ce sevrage ? Espérons que l’environnement général sera suffisamment attractif pour nos entrepreneurs. Ils seront les seuls à pouvoir investir et apporter un choc de croissance propice à la reprise des embauches.

Cette flexibilité n’est pas seulement une nécessité dans notre monde ouvert. Elle correspond à une tendance naturelle de nos modèles de plus en plus tournés vers l’externalisation, le télétravail et de nouvelles formes de relations comme nous l’avons constaté avec le statut d’auto-entrepreneur. C’est peut-être le propre de nos économies de plus en plus dominées par les services.

Si on se projette dans 10 ans, peut-on imaginer un recul net du salariat au profit de statuts indépendants ? Le salarié actuel ne se transformera-t-il pas en simple prestataire d’un client parmi d’autres avec lequel il négociera des contrats de mission ? La crise doit être l’occasion d’une remise en question de nos réflexes passés pour bien préparer les changements à venir. La flexisécurité est peut-être bien déjà dépassée, en effet.

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