Quand les Chinois réclament des hausses de salaire, on les remplace par des robots<!-- --> | Atlantico.fr
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Les robots remplaceraient les chinois
Les robots remplaceraient les chinois
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iRobot pour iPhone ?

Avec l'augmentation d’au moins 20 % du salaire minimum légal ces derniers mois, la Chine a tenté d'acheter la paix sociale... avant de re-délocaliser à l'intérieur du pays. Foxconn, le numéro 1 mondial des composants pour ordinateurs, imagine maintenant de remplacer des ouvriers "grognons" par des robots plus "dociles" pour rassurer les clients occidentaux.

Alain Wang

Alain Wang

Alain Wang est sinologue et enseignant.

Ancien rédacteur en chef d’Asia Magazine, il est co-auteur de La Chine nouvelle : être riche est glorieux (Larousse, 2007 - édition actualisée prévue pour mars 2012).

 

 

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Atlantico : Le groupe taïwanais Foxconn veut remplacer 500 000 employés par des robots d'ici à trois ans, selon la presse chinoise qui cite le président du groupe Terry Gou. Foxconn, le numéro 1 mondial des composants pour ordinateurs fournit notamment des pièces à Apple, Sony et Nokia, prévoit d'utiliser un million de robots pour effectuer des opérations "simples". Êtes-vous surpris par cette décision ?

Alain Wang : Non, pas du tout parce que Foxconn a énormément de pression de la part d'Apple qui sort l'I-Phone 5 et désire obtenir la plus grosse part de cette production. Le problème de Foxconn, c'est qu'on sent monter des mouvements sociaux importants en Chine. Ce qui peut représenter un risque vis-à-vis de son principal commanditaire (Apple, en l'occurrence). Terry Gou doit montrer qu'il est capable de réagir dans ce cas-là. Il est dans une réflexion qu'il a déjà eu à Taiwan où il avait fait baisser le coût de main d'oeuvre jusqu'au moment où la Chine est devenue moins chère que l’île de Taiwan. Il est possible que l'industriel se soit lassé des augmentations de salaires de l'an dernier et de cette année.


Cela peut-il rassurer Apple contre tout mouvement social qui pourrait enflammer les ouvriers ?

Oui. Rappelons que l'ONG China Labour Bulletin, s'est montré très inquiète sur le risque de mouvements sociaux en Chine, dans son dernier rapport. Terry Gou est peut-être aussi en train de mettre en place une stratégie de communication. on peut s'étonner de lire qu'il vise 300 000 robots l'année prochaine et un million pour l'année d'après ! Ca semble énorme. Il faudra bien qu'ils les trouvent...


Peut-on aller jusqu'à dire que le patron d'Apple, Steve Job, détruit des "jobs" en Chine ?

Apple serait, en effet, indirectement responsable. Apple est à la recherche d'un second fabricant pour sortir ses 5 millions d'I-Phone en automne. Il est possible que Foxconn montre des gages... et bluffe aussi un peu pour garder son marché...

On assistait déjà à une délocalisation interne à la Chine pour atteindre une main d’œuvre meilleur marché ?  

Oui. Auparavant, Foxconn, avait ouvert trois nouveaux sites en moins d’un an : deux dans le Sichuan, à Chongqing et à Chengdu, et un autre à Zhengzhou, dans le Henan. 300 000 emplois ont été créés. Un gain de 11 % sur la seule masse salariale a permis à la société de préserver sa compétitivité. En Chine, le montant du salaire minimum légal est fixé au niveau des autorités locales. Un coût de la vie inférieur devrait encore permettre de faire des économies substantielles.

Se rapprocher des bassins de main-d’œuvre et relocaliser sa production vers le centre et l’intérieur de la Chine est la stratégie du patron de Foxconn. L’année 2010 avait pourtant mal commencé pour le PDG taïwanais : onze travailleurs s’étaient suicidés sur son site industriel de Shenzhen pour protester contre la violence et les mauvaises conditions de travail. Une vague de contestations inédite qui s'est propagée à de nombreuses entreprises étrangères et chinoises : les hausses de salaires atteindront 50 % et plus. Exceptionnel ! Dans un pays où les syndicats libres sont interdits.

La délocalisation des entreprises vers l’intérieur du pays pourrait-elle se généraliser ?

La volonté politique de Pékin de développer l’intérieur et l’ouest du pays date d’une décennie. D’ici 2020, des investissements majeurs sont programmés pour moderniser les infrastructures et permettre aux entreprises de s’y installer. Entre autres, 12 000 km de voies ferrées à grande vitesse et 100 000 km de voies classiques. Les sociétés aux produits technologiques à forte valeur ajoutée qui ont besoin d’un personnel plus qualifié et mieux formé devraient rester sur la côte, de Hong Kong à Dalian.


Certains industriels tels que l'américain Wallmart se plaignent  de l’augmentation du prix de la main d’œuvre en Chine. Pensez-vous que l’un des facteurs de la compétitivité chinoise à l’exportation puisse disparaître ? 

Le revenu moyen par tête entre 1990 et 2008 progresse de 160 à 200 % de la moyenne nationale dans les provinces du Jiangsu, du Zhejiang et de Shanghai, alors qu’il régresse de 80 à 68 % à l’ouest du pays, au Tibet, au Gansu, au Qinghai et au Xinjiang. Selon un responsable du syndicat officiel (ACFTU), la rémunération du travail n’a pas vraiment bénéficié du boom économique puisqu’elle est passée de 56,6 % du PIB en 1983 à 36,7 % en 2005.

Entre 2002 et 2008, les salaires minimums mensuels ont doublé. En 2010, ils ont progressé en moyenne de 20 %. Cette tendance haussière se poursuivra : 15 % par an d’ici 2015, selon M. Yang Zhiming, vice-ministre du travail. Augmentations importantes gommées en partie par l’inflation qui demeure incontrôlée.


Les provinces côtières développées sont-elles devenues moins attractives ? 

Les « mingong » ou migrants ruraux de l’intérieur étaient dès la fin des années 1980, les soutiens du miracle de la croissance économique. Parmi les 225 millions qui ont quitté leurs terres, 140 millions avaient rejoint ce que l’on surnomma  « l’usine du monde » établie dans les provinces de la côte Est.

Ils étaient encore 30 millions en 2008 dans la seule province du Guangdong. Les effets dévastateurs de la crise globale semblent avoir été brefs sur le marché de l’emploi. Après la faillite de leur entreprise, dix millions de migrants étaient rentrés chez eux et ne sont pas revenus. La pénurie de main-d’œuvre au Guangdong est aujourd’hui équivalente à 5 % du total des travailleurs de la province, soit environ un million de personnes. Ce phénomène est récurrent depuis le début du millénaire.

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