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Changement climatique : ce qu'il faudra faire pour s'y adapter
©Reuters

Bonnes feuilles

L'adaptation émerge aujourd'hui comme une dimension incontournable de la réponse au changement climatique. Complémentaire à l'indispensable réduction des émissions de gaz à effet de serre, ses enjeux restent cependant largement méconnus. Extrait de "L'adaptation au changement climatique", de Valentine van Gameren, Romain Weikmans et Edwin Zaccai, publié aux éditions La Découverte (2/2).

Valentine van Gameren

Valentine van Gameren

Valentine van Gameren est chercheuse au Centre d’études du développement durable (CEDD) de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Ses travaux portent principalement sur l’adaptation du secteur forestier au changement climatique.

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Romain  Weikmans

Romain Weikmans

Romain Weikmans est chercheur au CEDD de l’ULB et travaille sur les aspects internationaux de l’adaptation au changement climatique. Il a été chercheur visiteur à l’Environmental Change Institute de l’université d’Oxford.

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Edwin  Zaccai

Edwin Zaccai

Edwin Zaccai est professeur à l’ULB et directeur du CEDD. Il a enseigné à Sciences Po Paris et a publié plusieurs ouvrages de réflexion sociopolitique sur le développement durable.

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La problématique des indicateurs renvoie à la question essentielle du suivi et de l’évaluation des processus d’adaptation dans différents contextes. Un indicateur est une grandeur censée représenter l’état d’un système complexe et permettre de suivre son évolution de façon simplifiée.

Comme l’illustre la figure 4, trois types de mesures sont nécessaires vis-à-vis de la problématique de l’adaptation. Premièrement, une mesure du besoin d’adaptation est utile pour savoir où et sur quoi agir. Cette évaluation s’appuie sur la qualification et/ou la quantification du niveau de risque climatique actuel et futur, qui lui-même dépend des niveaux de stress physiques liés au climat et de la perception qu’ont les acteurs de leur exposition et de leur vulnérabilité. Des indicateurs de paramètres climatiques physiques et d’exposition sont relativement aisés à identifier, comme la fréquence de canicules dans un endroit donné (stress physiques) et le nombre de personnes exposées aux vagues de chaleur à cet endroit (exposition). En ce qui concerne la vulnérabilité, la définition d’indicateurs est compliquée par l’ambiguïté de ce concept [Klein, 2009]. Les indicateurs élaborés jusqu’ici ont eu tendance à se focaliser sur les dimensions économiques et technologiques de la vulnérabilité, réduisant ainsi sa portée [Vincent, 2007 ; Magnan, 2009], alors que d’autres dimensions — sociales, institutionnelles, politiques et culturelles notamment — sont tout aussi cruciales. Il est vrai que la disponibilité de données et la définition d’indicateurs fiables concernant ces derniers facteurs font souvent défaut. Par conséquent, la mesure de la vulnérabilité dans son ensemble se révélera sans doute toujours inachevée tant les dimensions et sous-dimensions sont multiples et spécifiques en fonction des contextes. Cependant, malgré les difficultés, certaines tentatives de classement des pays selon leur vulnérabilité existent (les classements plus connus sont le Maplecroft’s Climate Change Vulnerability Index, le GAIN’s Index of Vulnerability and Readiness et le DARA’s Climate Vulnerability Monitor).

Une fois la décision prise en faveur d’une action d’adaptation, il faut évidemment en suivre le déroulement et les effets. Cette évaluation continue est cruciale entre autres pour permettre une réponse flexible face aux incertitudes actuelles. C’est le rôle de deux autres types d’indicateurs qui concernent, d’une part, le processus d’adaptation et, d’autre part, les résultats des actions adaptatives.

Comme dans d’autres domaines, par exemple la protection de l’environnement, la mesure du processus peut souvent être réalisée plus aisément que la mesure des résultats. En effet, le nombre et le type d’actions prises en faveur de l’adaptation dans tels secteurs et par tels types d’acteurs, ainsi que le budget qui leur est consacré sont des données qui sont relativement accessibles, même s’il n’est pas toujours évident de distinguer ce qui relève vraiment de l’adaptation de ce qui est justifié par d’autres objectifs ou fait partie du processus « normal » de développement (voir le chapitre III qui examine ce problème en matière d’aide internationale au développement). Les avancées relatives à l’élaboration et à l’utilisation d’indicateurs de processus sont donc plus rapides que pour les indicateurs de résultat, pourtant plus déterminants pour savoir si les actions d’adaptation doivent se poursuivre ou évoluer.

La mesure de l’efficacité de l’adaptation, axée sur les résultats, se heurte en effet à plusieurs difficultés. Tout d’abord, si les actions peuvent engendrer des effets immédiats et à court terme, c’est surtout à long terme que leur « succès » sera ou non avéré. Le succès de l’adaptation est donc relatif à l’échelle temporelle à laquelle l’action est mise en oeuvre et il est très difficile d’évaluer à l’avance une action censée répondre à un impact futur luimême incertain. De même, l’efficacité d’une initiative dépend également de l’échelle spatiale considérée, les effets d’une action pouvant répondre positivement à un problème localisé mais le transférer ou en créer d’autres ailleurs (voir encadré infra). Si l’on peut s’accorder sur le fait que le succès d’une stratégie d’adaptation dépend de la façon dont l’action rencontre ses objectifs et affecte la capacité d’autres acteurs à atteindre leurs propres objectifs d’adaptation [Adger et al., 2005], il n’y a en revanche pas de consensus a priori sur le contenu des objectifs d’adaptation car ceux-ci dépendent notamment de valeurs divergentes selon les institutions, communautés et individus [Adger et al., 2009].

Même si toute la logique qui sous-tend l’adaptation vise une réduction de la vulnérabilité au changement climatique, les indicateurs d’une adaptation réussie ne peuvent s’appuyer sur une référence commune, à la différence de la problématique de l’atténuation du changement climatique. Cette dernière utilise en effet des données quantifiées, telles que l’évolution du nombre de tonnes de GES émis par rapport à un référentiel connu (même s’il y a aussi d’autres indicateurs, plus spécifiques aux contextes). Outre l’efficacité (atteinte des objectifs, si ceux-ci ont été définis), plusieurs critères peuvent servir de guides à l’évaluation des résultats de l’adaptation, de façon similaire à ceux utilisés pour évaluer d’autres politiques : l’efficience (rapport coût-bénéfice des actions), l’équité (distribution des coûts et bénéfices), la légitimité et la durabilité (au sens du développement durable) de l’action [Adger et al., 2005 ; Brooks et al., 2011]. Cependant, le poids accordé à ces critères dépend des valeurs des acteurs qui doivent mettre en oeuvre et évaluer l’adaptation.

Il ressort de cette situation qu’une clarification du contenu des indicateurs et une harmonisation de certains principes et concepts sont sans doute nécessaires pour servir de fondement à des systèmes d’évaluation de l’adaptation communs ou pouvant « dialoguer » entre eux, à travers la diversité des contextes. En outre, se pose la question cruciale mais non résolue de déterminer du point de vue de quels acteurs (notamment quels secteurs ou groupes sociaux) le succès peut être établi. Ce succès est en effet rarement universel en un même lieu ou pour une diversité d’acteurs et d’activités.

Extrait de "L'adaptation au changement climatique", de Valentine van Gameren, Romain Weikmans et Edwin Zaccai, publié aux éditions "La découverte", 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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