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Champions de monde 2018 : petite leçon de France par une grande équipe de France
©FRANCK FIFE / AFP

Kylian Mbappé et Ernest Renan

L'équipe de France de football est championne du monde ! Retour sur les spécificités et la magie de cette équipe tricolore qui a "souffert ensemble", malgré les divisions nationales.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Il ne faudra sans doute pas longtemps pour que nos divisions nationales chéries reprennent le dessus, la joie de la victoire à peine retombée. Il est vrai qu’avant même la finale, les identitaires des deux bords rivalisaient déjà d’ignominies : les uns en soutenant la « vraie » équipe européenne (croate) contre le 11 français trop « coloré », les autres saluant la « moitié algérienne » d’un Mbappé, dont la part camerounaise tout comme les déclarations répétées d’amour pour la France n’avaient pas droit de cité dans la nouvelle bien-pensance intersectionnelle, où l’on n’aime rien tant que la non-mixité.

Pensez-donc : le patriotisme !  Pour les uns, mot ringard, « anti-diversité » et bien sûr « fachosphérique ». Pour les autres, mot imprononçable par une équipe à trop fort quota d’immigrés, fussent-ils de la deuxième génération… Et tous de crier en chœur à « la récupération politique » qu’il faudrait cette fois-ci à tout prix éviter.
L’ennui pour tous ces empêcheurs d’être heureux ensemble, c’est que ces déclarations patriotiques ont été décidément bien nombreuses dans cette équipe, de Deschamps à Pogba en passant par Griezmann ; et ponctuées de « vive la France ! », de « vive la République » ! et de Marseillaise chantées de bon cœur. Esprit collectif qui s’est traduit d’abord dans le jeu, après vingt ans d’attente interminable, et dont les joueurs ont fait preuve dès les premiers matches, même ratés : « Tous derrière et tous devant », de l’Australie à la Croatie, telle a été leur devise. Davantage : une attitude respectueuse sur le terrain comme en dehors à l’égard des adversaires successifs, attitude qui n’est sans doute pas la moindre raison du succès. Un succès si souvent contrarié chez nous, et pas seulement dans le football, par une certaine arrogance. 
Voilà que cette équipe si jeune est venue rappeler à notre vieux pays l’immensité de ses opportunités. Mieux encore : elle lui a rappelé la définition même de la nation républicaine, enfouie sous des couches d’ignorance et de politiquement correct. Celle de Renan formulée en 1882, auquel Mpabbé, encore lui, a fait écho (involontaire ?) dans une interview à L’Equipe le 10 juillet dernier : « Par moments, on a souffert, mais on a su souffrir ensemble » et de conclure : « on va essayer de repartir avec la coupe ». 
« Avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple » disait Renan. Qui ajoutait : « avoir souffert ensemble : oui, la souffrance en commun unit plus que la joie ».
Les joueurs de l’équipe de France ont souffert en commun et nous ont aussi bien fait souffrir : mais ils nous ont donné la joie de la délivrance. C’est justement cette joie collective dont ne veulent à aucun prix les professionnels du ressentiment, les rentiers de la victimisation, et autres fanatiques de la pureté ethnique (qu’elle soit blanche, arabe ou noire).
Et qu’on le veuille ou non, le triomphe de ce groupe de 23 joueurs, métonymie de la nation qui s’identifie à eux dans une communauté d’imaginaire, ne peut qu’avoir une signification politique, au sens fondamental du terme. La Marseillaise aux Champs-Elysées, la multiplication des drapeaux, l’affluence sur le lieu de mémoire du Carillon en ont été autant de signes.
Bien sûr, cette victoire inespérée ne va pas mettre fin au chômage ; ni augmenter le pouvoir d’achat ; ni faire arriver les trains à l’heure ; encore moins effacer les innombrables fractures françaises. Les doctes vont nous rappeler sans cesse la désillusion du « black-blanc-beur » de 1998 ; la complainte des quartiers ; la permanence des inégalités ; l’échec scolaire et la « radicalisation ». Mais par quelle magie une victoire en coupe du monde de football pourrait-elle donc réparer un pays, socialement, politiquement et économiquement ? Pas plus qu’en 1998, on ne saurait demander à la plus belle victoire davantage que ce qu’elle offre. Et les joueurs en sont, là encore, les premiers conscients.
Mais ce qu’elle offre, cette victoire, est déjà bien précieux : un moment de rêve d’abord, et ils ne sont pas si fréquents ; un mélange de jeunesse blagueuse et de maturité stratégique ; et un peu de confiance en soi et d’optimisme à des compatriotes qui confondent trop souvent intelligence et cynisme, gravité de bon aloi et tête d’enterrement.
Vive les Bleus !

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