Cette nouvelle crise des dettes souveraines dans les pays émergents qui plane sur l’horizon mondial<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le logo du Fonds Monétaire International.
Le logo du Fonds Monétaire International.
©MANDEL NGAN / AFP

Hausse des taux d'intérêt

La course à l’échalote entre banques centrales occidentales est (aussi) en passe d’étrangler le reste du monde dans l’indifférence générale.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »

L’horizon s’est assombri pour l’économie mondiale en 2022. Elle a été prise dans une tempête de chocs et d’incertitudes et, à l’approche de 2023, elle pourrait se trouver au bord d’une récession mondiale, deux ans seulement après la dernière.

Au plan mondial, si le chômage s’établit, aujourd’hui, à des niveaux proches des records historiques de faiblesse (Etats-Unis : 3,5% ; France : 7% : Japon : 2,5% ; Allemagne : 3%), les prix ne cessent de grimper partout dans le monde, pesant lourdement sur les populations les plus pauvres. La performance future de la croissance économique est soumise notamment aux évolutions des tensions entre la Russie, l’Ukraine et l’Occident et à celle de la « politique zéro Covid » menée par la Chine. La lutte contre une inflation persistante avec le risque de récession dans plusieurs pays développés sera, l’an prochain, omniprésente dans la tête des dirigeants. 2023 sera vraisemblablement morose.

Après la crise sanitaire, le conflit en Ukraine déclenché par la Russie va-t-il mettre un clap de fin à la croissance continue et effrénée du commerce mondial, qui a transformé le visage de la planète depuis la chute du mur de Berlin ? Car la pandémie a remis au goût du jour la notion de souveraineté économique, la guerre à l’est de l’Europe a ravivé un climat de « guerre froide » alors que la globalisation économique et financière est remise en cause depuis la crise financière de 2008, qui a mis en lumière les excès de la finance. Le monde tend vers un nouvel âge de la mondialisation, vers un monde plus fragmenté entre grands blocs commerciaux rivaux. Les intérêts économiques des pays, qu’ils soient émergents ou développés, s’inscrivent désormais dans une mondialisation qui se structure autour de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis et, dans une moindre mesure l’Europe, qui souhaitent assurer davantage leur autonomie stratégique que de défendre inconditionnellement le libre-échange. Cette situation pourrait nuire encore plus à la coopération relative aux politiques climatiques, les régions les plus pauvres risquant d’être les plus affectées.

À Lire Aussi

L’Occident sera-t-il de taille à faire face au dragon-ours sino-russe pendant le 21e siècle ?

Dans ce contexte, les pays émergents risquent d’être les maillons faibles de l’économie mondiale. Les effets de l’invasion de l’Ukraine sur le pétrole, le gaz, le blé, le maïs et les engrais ont entraîné une hausse des prix alimentaires et ceux de l’énergie et ces impacts ont été exacerbés localement par des catastrophes climatiques (inondations au Pakistan, sécheresse au Sahel) et par des conflits (Ethiopie, Afghanistan, Syrie). Certains émettent même l’hypothèse d’un retour vers le futur avec l’hypothèse d’une possible crise dans ces pays, comme cela avait été le cas dans le passé.

Rappelons-nous. Après le choc pétrolier de 1973, les pays en voie de développement (PVD) ont attiré les pétrodollars. Le resserrement monétaire de 1979 aux États-Unis a sonné la fin de la partie. Les taux d’intérêt ont augmenté et les PVD, ne pouvant plus rembourser leurs dettes, ont été astreints à une douloureuse cure d’austérité initiée par le Fonds monétaire international.

Le contexte aujourd’hui n’est-il pas similaire ? Avec la hausse des taux d’intérêt, la montée du protectionnisme et le ralentissement de l’économie chinoise, les pays émergents sont ainsi confrontés à une remise en cause de leur modèle de croissance. Alors que l’endettement a été la solution privilégiée par les pays riches pour financer la hausse des dépenses publiques lors de la crise sanitaire, il constitue un réel problème dans les pays émergents, dont bon nombre sont étranglés par une dette bien souvent contractée en dollar américain ou en euro, et donc particulièrement affectés par la dépréciation des monnaies locales. La situation doit être étudiée au cas par cas, les PVD ne constituant pas un bloc homogène.

À Lire Aussi

Raffineries, ports, ferroutage et cie : petit bilan de l’impact de la CGT sur l’économie française

Après deux ans passés à atténuer les impacts du Covid-19 sur leur population, 25% des pays émergents et 60% des pays à faibles revenus sont confrontés à une hausse de leur endettement. Les arbitrages de politique économique deviennent compliqués pour des pays pris entre des contraintes extérieures pesantes et moins de marge de manœuvre fiscale et sociale. Au cours du dernier semestre, 16 pays ont demandé une aide au financement pour un total de 90 milliards de dollars. Avec la remontée des taux et la hausse du dollar américain, les pays émergents doivent s’attendre à des conditions de financement plus difficiles d’autant que les capitaux se réfugient aux États-Unis (flight to quality).

Déjà, le Sri Lanka s’est déclaré en défaut de paiement. La question qui se pose maintenant est de savoir si d’autres pays ne vont pas suivre cet exemple car leur situation a été accentuée, peu ou prou, par un conflit qui leur est étranger. L’Occident, qui a décidé de sanctionner la Russie, n’a pas été suivi dans cette démarche par un grand nombre de pays émergents. Son grand tort a été lorsqu’il s’est considéré vainqueur de la « guerre froide », de se refermer sur lui-même. Ce manque d’attention à l’Autre a créé un sentiment de défiance voire de ressentiment au sein de certains pays du Sud considérés proches.

Il serait dommageable de laisser tomber ces économies, dont la sophistication croissante et leur forte dépendance vis-à-vis des pays développés constitue la clef d’un retour durable à la croissance. L’expérience montre la restructuration des dettes souveraines est dans l’intérêt de tous. La prochaine réunion du G20 (15-16 novembre à Bali) doit s’y atteler. Plus le temps passe, plus la situation des créanciers devient irrémédiable avec peu de chances de retrouver leur mise de départ.

Le futur est incertain. Espérons qu’il nous réserve quelques bonnes surprises.

Le sujet vous intéresse ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !