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Cette harmonisation fiscale voulue par Bruxelles qui effraie les multinationales ET les Etats
©Reuters

Directive en vue

Voilà maintenant près de quinze ans que la Commission européenne envisage une directive sur l'harmonisation de l'assiette de l'impôt à l'échelle européenne. Un projet ressorti du placard par la présidence slovaque de l'Union européenne pour lutter contre l'optimisation fiscale des multinationales suite notamment aux affaires LuxLeaks et Apple.

Jacques  Le Cacheux

Jacques Le Cacheux

Jacques Le Cacheux est professeur à l'Université de Pau. Il travaille également à l'OFCE où il est désormais conseiller scientifique. 

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Atlantico : Ce samedi, les ministres des Finances de l'UE se réunissent à Bratislava pour une réunion informelle sur un projet de directive visant à l'harmonisation fiscale entre les différents Etats membres. En quoi consiste précisément ce projet de directive ? Dans quelle mesure est-il réalisable ? 

Jacques Le Cacheux : Le projet de directive présenté par la Commission consiste en une proposition d’harmonisation non pas des taux d’imposition des bénéfices des sociétés, mais uniquement de l’assiette de cet impôt, c’est-à-dire le bénéfice imposable. Actuellement, en effet, la définition du bénéfice imposable diffère sensiblement d’un pays à l’autre, ce qui permet aux entreprises multinationales de jouer sur ces différences pour minimiser l’impôt dû. Cette optimisation fiscale, qui ne profite qu’aux entreprises multinationales, est une forme d’évasion fiscale.

Bien que ce projet soit ancien, la Commission cherche aujourd’hui à le faire aboutir, à la fois parce que le contexte – Luxleaks, affaire Apple en Irlande – est favorable, et parce qu’il s’inscrit dans un effort plus large, du G20 et de l’OCDE pour limiter les possibilités d’évasion fiscale, notamment des entreprises multinationales.

Ce projet d'harmonisation fiscale est-il véritablement efficace pour lutter contre l'évasion fiscale des multinationales, l'un des principaux objectifs affichés par ce projet ?

Le projet aboutirait, non seulement à une harmonisation, mais aussi à une consolidation de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. Le bénéfice imposable serait imputé au pays dans lequel l’entreprise déclare son siège européen, et la part imposable par chacun des Etats dans lesquels opère l’entreprise serait calculée sur la base du chiffre d’affaires et/ou de la masse salariale dans cet Etat. Il s’agit, dans le jargon de la Commission, du projet ACCIS (Assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés). Chaque pays pourrait alors pratiquer le taux qu’il souhaite sur la part du bénéfice imposable qui lui est imputée. Les possibilités d’évasion fiscale s’en trouveraient réduites, grâce à un calcul uniforme et plus transparent. Il deviendrait aussi plus difficile pour un Etat d’offrir des conditions particulières favorables à une entreprise, comme l’a fait l’Irlande dans le cas Apple condamné par la Commission la semaine dernière sur la base de l’interdiction des aides d’Etat.

Compte tenu de la pratique fiscale actuelle des différents Etats européens, quels seraient les pays membres qui auraient le plus à gagner à cette harmonisation ? Quels seraient ceux, à l'inverse, qui auraient le plus à perdre ? 

Il est presque impossible d’estimer les pertes et les gains de chaque Etat membre dans l’hypothèse de mise en œuvre de cette ACCIS, car la définition du bénéfice imposable changerait dans plusieurs pays, et aussi parce que les multinationales sont susceptibles de réagir en modifiant la localisation de leur siège européen. On peut assurément prévoir que les recettes augmenteront dans la plupart des Etats, et sans doute davantage dans ceux qui pratiquent aujourd’hui les taux d’imposition les plus élevés.

Certains craignent que ce projet de directive d'harmonisation fiscale ne dissuade les multinationales de poursuivre leurs activités en Europe. Est-ce fondé ? Quelles seraient, plus généralement, les conséquences de ce projet dans le cas où il verrait effectivement le jour ?

Il est peu probable que les multinationales décident de ne pas poursuivre leurs activités en Europe. Pour la plupart d’entre elles, notamment celles des nouvelles technologies et de l’Internet, le marché européen est leur plus gros marché et le plus gros débouché. Comment imaginer qu’elles y renoncent ? En outre, la plupart des pays développés mettent aujourd’hui en œuvre des politiques pour contrer l’évasion fiscale des multinationales.

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