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Cette fois, la campagne présidentielle a vraiment démarré : sur le chômage comme sur les salaires des patrons, François Hollande a recommencé à mentir
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Atlantico Business

Alors que la semaine en France aurait dû se dérouler normalement, un week-end de trois jours et quatre jours de grèves… François Hollande est entré de plein pied en campagne électorale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pourquoi avoir bousculé l'ordinaire d'une semaine française normale (enfin presque) commencée par un week-end de trois jours, suivis par quatre jours de grève ? Ceux qui en doutaient encore, peuvent être rassurés, François Hollande est entré en campagne.  

Après "la France va mieux", il commence à dire "ce qu'il fera plus tard".

La situation de l'emploi s'est améliorée, "le chômage a reculé", voilà pour le bilan.

Les salaires des patrons sont trop élevés, il faudra légiférer, voilà pour le début du programme.

Pour le fond, on sent qu'on en est encore qu'au début, au premier draft comme disent les architectes, mais on sait déjà qu'il est entré en campagne pour contrecarrer ceux qui, dans sa famille considèrent qu'il n'est plus le bon cheval pour les faire gagner. Arnaud Montebourg essaie de monter une écurie à ses couleurs, Manuel Valls essaie de sauver les meubles et le petit dernier, Emmanuel Macron continue de chauffer ses camarades pour se faire une place au pouvoir.

On sait qu'il est entré en campagne parce qu'il ment. Il a recommencé à mentir et cette fois-ci, l'opinion qui a compris le procédé et qui est tellement déçue par les promesses des hommes politiques, ne croit plus personne et va tout surveiller.  

1er mensonge de la semaine. Il ment sur la situation de l'emploi de façon éhontée.  Mardi matin, face aux questions précises de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, il a torturé les chiffres du chômage dans tous les sens pour essayer de prouver que la situation était meilleure que du temps de Nicolas Sarkozy. D'abord il a raisonné en terme de différentiel, disons d'évolution et pas en masse. Ensuite il a comparé, les chômeurs de catégorie A sous son règne, à l'ensemble des chômeurs toutes catégories confondues sous le règne de Nicolas Sarkozy.  Les chiffres ne permettent pas de conclure à une amélioration globale. Il y a toujours plus de 10% de la population active sans emploi, il y a toujours plus de 25% de chômeurs chez les moins de 30 ans et chez les plus de 50 ans. Les moins qualifiés sont sur le carreau, et les plus qualifiés s'en vont à l'étranger.

Le jour même, l'Insee publiait d'ailleurs une enquête assassine sur les expatriés prouvant que la majorité des promos de Bac +5 partait aux USA, au Canada, ou en Asie. Et les Français qui revenaient en France revenaient plutôt pour prendre leur retraite.  

Autrement dit, notre modèle social, celui que le monde entier nous envie, perd les Français à partir du moment où ils pourraient commencer à cotiser et donc à financer le systeme (à partir de 25 ans à la fin de leurs études payées par la fiscalité des parents) et récupère ces mêmes Français à l'âge où ils vont commencer à coûter très cher à la Sécurité sociale. Système formidable en effet, ou fort minable plutôt !

Le 2e mensonge de la semaine, il faudra légiférer sur les hauts salaires. Sur ce point, on frôle le trouble obsessionnel de gauche. Et de ressortir le niveau de salaire des PDG de l'industrie automobile. A croire qu'Emmanuel Macron avait envoyé des éléments de langage. Ça faisait trois jours qu'on en avait pas parlé.  Sans doute à cause du pont de la Pentecôte.  

Le président de la République a donc eu deux idées.

La première c'est qu'il faudra, par la loi, obliger les grandes entreprises à suivre les recommandations votées en assemblée des actionnaires… Comme si les grandes entreprises étaient des sortes de dictatures sans aucun contrepouvoir ; mais une assemblée générale d'actionnaires répond dans son fonctionnement à des règles précises. Et ce n'est pas parce qu'une majorité de présents fait un peu de bruit qu'elle représente la majorité du capital.  

Dans les faits, le PDG est bien obligé de suivre les recommandations votées par les actionnaires, sinon il sauterait de son siège.

On peut manipuler des actionnaires une fois, mais pas deux. On peut les manipuler et les acheter avec des dividendes, si on en a les moyens, mais sinon, ils se révoltent, ils s'en vont et vendent.  

Un PDG d'entreprise a beaucoup de pouvoirs, mais il n'a pas tous les pouvoirs, il doit tenir compte de son conseil d'administration, de ses plus gros actionnaires, de ses syndicats et surtout de ses clients.  

Ce qui est vrai, c'est que dans une entreprise qui marche bien avec des marges, du volume et surtout des perspectives, le président opérationnel est beaucoup plus libre de ses décisions, que dans une entreprise qui a des difficultés.

C'est comme un président de la République française. Si le pays allait bien, si on n'avait pas besoin des banques pour faire les fins de mois, ou pas besoin des contribuables pour lever des impôts, le président de la République n'aurait pas tous les ennuis qu'il a.  

La deuxième idée de François Hollande serait que les syndicats de salariés sont très vigilants sur les exigences morales. Curieuse demande. Il faudrait d'abord que les syndicats soient plus représentatifs au niveau de l'entreprise pour avoir plus de poids dans les décisions de gestion. La syndicalisation en France ne dépasse pas les 11% de la population salariée. Moitié moins que la moyenne européenne. Le problème des syndicats français, c'est qu'ils ne représentent et défendent que leurs permanents, qu'il existe parfois des relations de connivences entre les représentants syndicaux et les représentants de la direction. Ce qui est très différent qu'une culture de compromis.  

Quant à regretter que le fonctionnement de l'entreprise ne respecte pas les exigences morales, quel marronnier. Il faut relire André Comte Sponville : "Le rôle de l'entreprise n'est pas de produire de la morale, le but de l'entreprise c'est de créer de la valeur, c'est-à-dire de l'activité, de l'emploi et par conséquent des emplois".

La morale ? Il y a d'abord les règles et le comportement personnel des acteurs.  

Une entreprise ne fonctionne pas très différemment d'un Etat et le président d'un Etat ne devrait pas fonctionner très différemment de celui d'une grande entreprise.  

En politique comme en affaires, il y a des voyous, et des malveillants, des cyniques et des égocentriques…  mais la majorité d'entre eux font ce qu ils peuvent dans le respect des règles (parfois trop nombreuses) et les conceptions morales qui les habitent. 

Les responsables politiques sont condamnés à changer beaucoup plus que les chefs d'entreprise. Ils ne pourront plus comme autrefois raconter tout et n'importe quoi pour faire rêver leurs clients.  

Pour deux raisons,

-1) les clients, électeurs, contribuables, savent tout, devinent tout.  Pourra-t-on continuer à leur raconter "des histoires", a droite comme à gauche ? La réponse est non.  

-2) les responsables politiques n'ont plus d'argent pour payer les promesses qu'ils font. Sans croissance et sans possibilités de s'endetter plus que nous le sommes déjà, le politique ne peut plus acheter ses électeurs comme il l'a fait pendant un demi-siècle.  

La première manifestation de la morale sera de respecter les faits et les chiffres. Ils sont têtus, disait Lénine.

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