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Cet autre visage de Wikileaks qu’ont dévoilé les étranges échanges entre les chevaliers de la transparence et Donald Trump Jr
©Reuters

L'idéologie de la transparence

Des échanges entre Donald Trump Jr. et le site de Julien Assange, Wikileaks, avant et après l'élection présidentielle aux Etats-Unis, ont été révélés par le magazine The Atlantic et confirmés par le fils du président américain. Existe-t-il un projet politique qui se cache derrière l'idéologie de la transparence du célèbre site de fuites ?

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Franck DeCloquement

Franck DeCloquement

Ancien de l’Ecole de Guerre Economique (EGE), Franck DeCloquement est expert-praticien en intelligence économique et stratégique (IES), et membre du conseil scientifique de l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée - EGA. Il intervient comme conseil en appui aux directions d'entreprises implantées en France et à l'international, dans des environnements concurrentiels et complexes. Membre du CEPS, de la CyberTaskforce et du Cercle K2, il est aussi spécialiste des problématiques ayant trait à l'impact des nouvelles technologies et du cyber, sur les écosystèmes économique et sociaux. Mais également, sur la prégnance des conflits géoéconomiques et des ingérences extérieures déstabilisantes sur les Etats européens. Professeur à l'IRIS (l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques), il y enseigne l'intelligence économique, les stratégies d’influence, ainsi que l'impact des ingérences malveillantes et des actions d’espionnage dans la sphère économique. Il enseigne également à l'IHEMI (L'institut des Hautes Etudes du Ministère de l'Intérieur) et à l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale), les actions d'influence et de contre-ingérence, les stratégies d'attaques subversives adverses contre les entreprises, au sein des prestigieux cycles de formation en Intelligence Stratégique de ces deux instituts. Il a également enseigné la Géopolitique des Médias et de l'internet à l’IFP (Institut Française de Presse) de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, pour le Master recherche « Médias et Mondialisation ». Franck DeCloquement est le coauteur du « Petit traité d’attaques subversives contre les entreprises - Théorie et pratique de la contre ingérence économique », paru chez CHIRON. Egalement l'auteur du chapitre cinq sur « la protection de l'information en ligne » du « Manuel d'intelligence économique » paru en 2020 aux Presses Universitaires de France (PUF).

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Atlantico : Des échanges entre Donald Trump Jr. et le site de Julien Assange, Wikileaks, avant et après l'élection présidentielle aux Etats-Unis, ont été révélés par le magazine The Atlantic et confirmés par le fils du président américain. Dans ces messages, l'ONG controversée en raison de ses publications mais qui se veut transparente invitait notamment Donald Jr. à partager ses fuites concernant le dossier des e-mails de Hillary Clinton, à proposer à son père de nommer Julien Assange comme ambassadeur en Australie ou encore, le jour du scrutin, à conseiller au candidat Républicain de refuser de concéder sa défaite pour semer le doute sur la légitimité de l'élection, jusqu'alors pressentie, de la candidate Démocrate. Existe-t-il un projet politique qui se cache derrière l'idéologie de la transparence de Wikileaks ? Lequel ?

François Géré : Peut-on être surpris par la relation entre fils aîné du président Donald Trump et Julian Assange, patron de Wikileaks ? N’est-il pas paradoxal que cette ONG ait fait des offres de service à l’entourage immédiat du nouveau président des Etats-Unis ? L’idée principale repose sur un échange mutuellement bénéfique. Wikileaks gagnerait en notoriété et en réputation de fiabilité et d’impartialité tandis que Trump démontrerait la transparence de ses activités. Or, Assange ne recherche pas l’objectivité mais simplement à rendre public tout ce qui est secret. L’idéologie de l’ONG est imprégnée d’une sorte d’anarcho-populisme hostile aux Etats et à leurs administrations ainsi qu’aux partis politiques établis qu’ils soient démocrate ou républicain, de droite ou de gauche. Il s’agit de démasquer les menées du pouvoir en place. Or cela le rapproche de Trump par une affinité dans la dénonciation des pratiques politiques traditionnelles. Il n’est pas étonnant qu’Hillary Clinton, très représentative de l’establishment politique américain, ait été la cible privilégiée des révélations de Wikileaks et des attaques de Trump. Assange a lui-même publiquement déclaré son hostilité à la candidate démocrate. Sur son site, Wikileaks justifie ainsi sa démarche : « “ l’immense quantité de choses que nous publions sur Clinton aura un impact bien plus grand parce qu’il ne sera pas perçu comme venant d’une source ‘pro-Trump’ ou ‘pro-Russie’.”

Franck DeCloquement : Ces nouvelles révélations tombent sur tous les écrans de la planète, au moment même où Jeff Sessions – le ministre de la Justice américain – est une nouvelle fois auditionné par le Congrès américain. Promettant une décision rapide à propos d’une possible enquête sur Hillary Clinton et la gestion calamiteuse des ses courriels, alors qu’elle était secrétaire d’Etat à la Maison-Blanche sous la mandature précédente. Une requête émise de longue date par Donald Trump, qui rêve par ailleurs de la voir poursuivie en justice. Vus d’Europe, ces derniers rebondissements en date sur les suites de la campagne présidentielle américaine prennent une tournure assez rocambolesque.

Résumons-les en quelques lignes pour nos lecteurs : lundi soir dernier, le magazine « The Atlantic » révélait que Donald Trump Jr, le fils aîné du président des Etats-Unis, avait bien entretenu des contacts secrets avec WikiLeaks. Et ceci, entre septembre 2016 et juillet 2017. Sous la pression conjointe des médias et de l’enquête en cours conduite par le procureur Robert Mueller sur la réalité des ingérences russes pendant la campagne présidentielle américaine, celui-ci décide quelques heures plus tard de publier d’initiative, ses fameux échanges privés avec l’organisation activiste fondée par Assange. Et ceci, avant que la presse mondiale ne le devance. Il assure d’ailleurs aujourd’hui avoir dévoilé l’intégralité de ses échanges secrets sur Twitter, avec les équipes de WikiLeaks. Des communications que ses avocats avaient semble-t-il déjà retransmises à la commission du Congrès en charge d’investiguer sur les ingérences Russes. Le tout, agrémenté de centaines d’autres documents…

Les analyses faites par des observateurs avisés révèlent en outre à quel point WikiLeaks a manœuvré dans cette affaire, afin d’affaiblir les chances d’Hillary Clinton d’être élue à la présidence des Etats-Unis. Favorisant de facto celles de Donald Trump dans cette course à la Maison-Blanche. Dans ces messages, le collectif très controversée d’Assange – chantre autoproclamé de la transparente radicale – invitait notamment Donald Trump Jr. à partager prestement ces fuites très compromettantes pour Hillary Clinton. Documents obtenus à l’époque par Wikileaks – faut-il le rappeler – à la suite du piratage des comptes e-mails du parti démocrate. Les spécialistes du renseignement américain attribuant depuis ce « hacking » à la Russie, bien que WikiLeaks ai toujours nié de son côté les avoir obtenus de la sorte.

Si l’on se borne aux échanges publiés pour l’heure, et en supposant qu’il n’en existe pas d’autres terrés sous le boisseau, le fils de Donald Trump n’a répondu que très brièvement, et à trois reprises seulement, à ses interlocuteurs au sein du collectif d’Assange. Par ailleurs, c’est bien WikiLeaks qui l’a sollicité en premier, et non l’inverse. Sur le fond, les réponses de Donald Trump Jr. sont assez évasives et peu compromettantes. Mais elles démontrent en revanche l’existence de contacts directs avec l’organisation fondée par Assange. Ce qui avait toujours été démenti par les équipes de Trump au demeurant. À ce stade, les manigances du collectif WikiLeaks pour favoriser l’élection de Donald Trump ne laissent plus aucune place au doute. Quand bien même l’administration Trump persévère en continuant de présenter publiquement l’arrestation de Julian Assange – toujours poursuivi pour faits d’espionnage par la justice américaine – comme une priorité absolue.

Cela fait bientôt dix ans que Julian Assange « l’Australien » a lancé son portail de diffusion en ligne « WikiLeaks ». Un réseau d’individus attachés à un projet de divulgation d’informations confidentielles qui s’est immédiatement distingué par la diffusion de fuite ultras sensibles, ayant trait à la géopolitique des Etats occidentaux. Dix années durant lesquelles ce cyber-activiste et ultra-militant – grand prêtre de la « transparence totale » – s’était fait remarquer grâce à une première salve de révélations tonitruantes. Ce qui ne cesse de poser depuis lors, l’inévitable question de son engagement politique à travers le collectif WikiLeaks, derrière un discours d’apparat aux accents fédérateurs. Et nombreux s’interrogent désormais quant aux objectifs réellement poursuivis à travers ses manoeuvres de déstabilisation. Qui manipule qui, et à quelles fins ? Certains faits semblent en dire long et suggèrent des pistes de réflexion. En l’occurrence, dans leurs échanges avec le fils de Donald Trump, les correspondants de WikiLeaks au contact ont notamment préconisé à celui-ci que le candidat Trump puisse rapidement partager sur son compte Twitter, les dernières révélations en date concernant Hillary Clinton. En outre, quelques jours seulement avant l’élection à la présidence, l’organisation lui propose aussi de faire fuiter deux déclarations d’impôts de son père. Un stratagème susceptible – précise le messager de WikiLeaks – d’« améliorer énormément la perception de notre impartialité » […] Cela veut dire que la grande quantité de choses que nous publions sur Clinton aurait un impact bien plus grand car les gens ne les percevront pas comme venant d’une source pro-Trump, pro-russe », ajoute le message laconique… L’équipe de Trump n’a pas réagi à cette proposition…

Quel est le rôle de cette ONG, et d'autres apparentées, dans la guerre informationnelle globale actuelle entre liberté d'expression et désinformation ? Peuvent-elles déstabiliser un appareil d'État ?

François Géré : La liberté d’expression est (ou devrait être) un droit intangible. L’accès à la connaissance des pratiques politiques n’est pas aussi simple à définir et à faire respecter. Les liens entre WikiLeaks et la Russie – Julian Assange a notamment sa propre émission sur Russia Today (Spoutnik), chaîne financée par l’Etat russe – a donné l’impression qu’un gouvernement étranger tentait d’influencer l’élection présidentielle américaine. En effet, le site WikiLeaks est suspecté par les renseignements américains d’avoir été choisi par le gouvernement russe pour diffuser des informations volées qui allaient dans leur sens. Le site s’était vu reprocher pendant la campagne de 2016 d’avoir un parti-pris pro-Donald Trump. Qui manipule qui ? Pour les experts russes de la désinformation voilà un circuit idéal permettant de créer de fausses informations qui sont présentées comme des secrets que Wikileaks parvient à révéler.  Il est évident que si Wikileaks ne passe pas les fuites qu’il reçoit au crible d’un examen critique rigoureux avant de les publier, il se transformera en un canal suspect et perdra sa légitimité. Il deviendrait alors l’instrument involontaire utilisé pour des ingérences dans la vie politique d’un Etat souverain et le fonctionnement régulier de ses institutions. On peut imaginer que dans une période de crise économique et de tensions sociales exacerbées, la désinformation puisse contribuer à une déstabilisation au moins partielle d’un Etat.

Franck DeCloquement : Ce rôle est éminemment trouble. Libertaire soucieux de transparence absolue ? Provocateur naïf ou manipulation dûment orchestrée ? Nombreux sont ceux qui s'interrogent sur le personnage de Julian Assange. Mais aussi sur le rôle et la nature exacte de sa création « WikiLeaks ». Quels sont les buts réels poursuivis par cette « machine à scandales », et qui préside réellement à la destinée du dispositif ? Si le but participatif initial était de faire la lumière sur certains secrets gouvernementaux « que le public devait connaître », en s’appuyant pour ce faire sur la contribution d'un réseau d’informateurs anonymes attachés à un projet de divulgation au public d’informations confidentielles, le fonctionnement du portail et ses objectifs véritables demeurent en revanche très peu transparents... Ce qu’illustrent parfaitement les derniers soubresauts de l’actualité récente : faisant suite aux révélations sur les échanges entre Donald Trump Jr. et ses correspondants chez WikiLeaks, Julian Assange s’est félicité des derniers rebondissements en date. Se posant une nouvelle fois en promoteur de la transparence : « WikiLeaks peut se montrer très efficace pour convaincre des personnes, même très haut placées, qu’il y va de leur intérêt de promouvoir ses publications », a-t-il indiqué sur son compte Twitter. Assurant d’ailleurs avoir déjà poussé le fils de Donald Trump à publier des courriels, en juillet dernier. « Ouvrir la boîte de Pandore », tel semble toujours être la raison d'être et le leitmotiv de WikiLeaks en toute chose. Le portail a collecté à ce titre – et en 17 années d’existence – des millions d'informations sensibles ou confidentielles. L’administration Trump ou le camp de la candidate Hillary Clinton ne sont que les derniers avatars en date à avoir essuyé les foudres consécutives aux révélations tapageuses de Wikileaks depuis sa création en 2007. Dans l'œil du cyclone durant toutes ces années : le Pentagone et son bilan revu et corrigé des victimes collatérales du conflit afghan, les multiples bavures de l'armée américaine en Irak, la banque islandaise Kaupthing Bank et ses prêts douteux, le compte e-mail privé de Sarah Palin utilisé à des fins professionnelles… Où encore les emails échangés entre les chercheurs du GIEC, à l'origine du « climategate ». L'objectif à long terme, un brin grandiloquent, fut un temps de devenir « l'organe de renseignements le plus puissant au monde. » Vaste programme empreint d’une certaine forme de naivetée sur le fonctionnement réel des Etats démocratiques et leur capacité de résilience…

Selon certains spécialistes, le problème réside dans le fossé qui se fait jour entre la nature réelle de WikiLeaks, et la façon dont le portail se présente aux yeux des opinions publiques occidentales. Il ne s’agit pas d’un simple « portail » ou d’une « base de données » classique, ni même d’un opérateur mondial féru de transparence… Mais bien d’un « média anglophone qui s’adresse aux Occidentaux » rappelait en substance Gaël Villeneuve, professeur en sociologie des médias. Pour beaucoup d’observateurs spécialisés, Julian Assange est à ce titre clairement orienté, puisqu’il considère que les démocraties occidentales sont en réalité des dictatures qui s’ignorent, et dont les secrets inavouables sont en définitifs nuisibles, de facto. Pourtant, le « secret d’Etat » est irréductible dans un système international où les pays ont des adversaires, des ennemis et des alliés. La protection du secret n’est pas nuisible en soi, quand l'éthique est respectée. Et quand l’exécutif est contrôlé par le Parlement et les fourches caudines des médias. En ce sens, WikiLeaks reste un acteur de la démocratie comme d’autres. La création de Julian Assange a depuis fait des émules et inspiré de très nombreuses entreprises jumelles. À l’image des « LuxLeaks », des « Swissleaks », des « Panama Papers » ou des derniers « Paradise Papers »... WikiLeaks a en quelque sorte ouvert la voie aux lanceurs d'alertes, tel Edward Snowden ou Chelsea Elizabeth Manning, née Bradley Edward Manning. Provoquant de nombreux débats en occident autour de leur protection. Considérés par certains comme des héros, par d’autres comme des traîtres, Assange, Manning ou Snowden n’ont pas hésité à franchir la barrière de la légalité pour révéler les secrets inavouables de leur Etat. Quitte à en subir les conséquences extrêmes. Ne seraient-ils pas finalement les dissidents que l’Occident ne veut pas voir ? Chelsea Manning doit-elle être vue comme une prisonnière politique ou comme une espionne ? Ont-ils trahi des secrets d’Etat, ou ont-ils plus simplement mis au jour l’emprise insupportable que les Etats exercent sur leurs populations ? Et si leurs révélations vont dans le sens de l’intérêt général, ne faudrait-il pas alors leur accorder une forme de protection juridique pour ne pas décourager les futurs candidats qui seront à l’origine des prochaines révélations ? Quels sont en définitive les effets de leurs révélations ? « Vigies » ou « mouchards », permettent-ils réellement d’améliorer ou de réformer les systèmes qu’ils dénoncent ? Rien n’est moins sur…

Peut-on voir des schémas similaires en France, voire en Europe ?

François Géré : Il n’existe pas d’équivalent de Wikileaks en Europe ne serait-ce qu’en raison du caractère transnational de ce site. Lors des élections présidentielles en France le mouvement En Marche avait dénoncé une ingérence russe dans sa campagne et des attaques sur son site. Même situation en Allemagne mais Wikileaks ne s’est pas signalé par des offres auprès des candidats et n’a pas cherché à apporter des éléments d’influence des opinions, même si, là encore, on note des connivences avec les mouvements de gauche à tendance populiste. En Europe c’est le journalisme d’investigation qui cherche l’information et les divulgue comme le fait par exemple Mediapart. Les conceptions idéologiques sont parfois proches de celles de Wikileaks mais les démarches sont différentes.

Franck DeCloquement : Les réponses si elles existent restent complexes à établir. Même si ces révélations d’ampleur nuisent malgré tout, et de manière transitoire aux démocraties occidentales, le paradoxe réside peut-être dans le fait qu’elles n'ont finalement un retentissement réel que dans les régimes démocratiques, justement. C’est-à-dire, quand il existe des normes très fortes qui définissent les bonnes ou les mauvaises pratiques en matière de gouvernance des Etats. Dans le cas présent, ce sont toujours les mêmes instances démocratiques qui sont visées par les dénonciations d’Assange. En revanche, le Moyen-Orient, l’Europe centrale, le Caucase, la Chine, la Biélorussie et la Birmanie sont très rarement ciblées par les diverses révélations émanent de WikiLeaks. Dans un régime autoritaire où tous les organes de presse seraient sous contrôle, personne n’entendrait jamais parler des révélations de WikiLeaks. Les coups portés visent essentiellement le camp occidental. Il y a donc visiblement une sélection drastique en amont qui s’opère en l’état. Et à ce titre, on a parfois l’impression que ce système n’a qu’un seul objectif : s’en prendre systématiquement aux démocraties et à leurs gouvernements. Un proccédé qui fait par ailleurs le jeu de ceux qui en sont les adversaires tout désignés. C’est au demeurant une vision parfaitement orientée et partiale. Mais parce que seules les démocraties peuvent en réalité être le réceptacle complaisant de ce type de scandales. Julian Assange semble obnubilé par l’idée de la transparence de l’information, en régime démocratique. Mais nous sommes ici, face à une « illusion », rappel à ce propos Alasdair Roberts. L’impact espéré vis-à-vis de la divulgation de données à caractère confidentiel est bien éloigné de la réalité. L’entreprise WikiLeaks est au final assez naïve sur la façon dont fonctionne la politique internationale. « Un Etat agira toujours comme il l’entend en la matière, quitte à aller à l’encontre d’une opinion publique défavorable ». N’en déplaise à Julian Assange, adepte de la transparence radicale.  

Comment le public peut-il se protéger face à une propagande à des fins politiques et/ou économiques lorsqu'elle est présentée comme "humaniste", tel que dans le site web de Wikileaks ?

François Géré :  Il est évidemment tentant de sympathiser avec une démarche qui prétend lutter contre le mensonge et se mettre au service du public pour lui révéler ce qu’on lui cache et les tromperies dont il serait victime de la part de ses dirigeants politiques qui, hélas, en abusent abondamment. Mais c’est confondre secret et mensonge, transparence et vérité.
L’idéologie de Wikileaks témoigne d’une forme de manichéisme : la transparence c’est le bien ; le secret c’est le mal. Or tout est loin d’être aussi simple. Tout citoyen a droit à sa part de vie privée et à s’entourer de confidentialité. L’encryption des données est un gage de liberté. Seuls les Etats totalitaires rêvent d’un citoyen transparent dont on connaîtrait non seulement les faits et gestes mais les pensées. On a tôt fait de retrouver Orwell. De même les entreprises ont besoin du secret industriel pour prospérer en mettant à l’abri leurs recherches, toujours traquées par les hackers professionnels. 
Dans les relations internationales, les révélations faites sans mesurer les conséquences dont elles sont porteuses peuvent mettre en danger les personnes. Dans le cas de négociations secrètes entre deux Etats officiellement ennemis le dialogue est périlleux pour ceux-là mêmes qui cherchent à trouver une solution pacifique. A l’intérieur de leur propre pays, si leur action est révélée,  ils peuvent être dénoncés comme des traîtres et tomber sous les coups de fanatiques. Les voies de la paix exigent parfois l’obscurité et la discrétion. Elles ne se confondent pas avec le mensonge et la manipulation de l’opinion.

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