Ces nouveaux leaders de l’Union européenne qui pourraient ne pas être à l’avantage de la France<!-- --> | Atlantico.fr
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720 députés européens vont se réunir à Strasbourg dans la semaine du 16 juillet pour la séance inaugurale de leur mandat.
720 députés européens vont se réunir à Strasbourg dans la semaine du 16 juillet pour la séance inaugurale de leur mandat.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Europe

720 députés européens vont se réunir à Strasbourg dans la semaine du 16 juillet pour la séance inaugurale de leur mandat.

Sébastien Maillard

Sébastien Maillard

Sébastien Maillard a été journaliste à La Croix, où il a dernièrement couvert la campagne d’Emmanuel Macron. Auparavant correspondant du quotidien à Bruxelles puis à Rome, il a effectué de nombreux reportages à travers le continent. Il a été le directeur de l’Institut Jacques Delors de 2017 à 2023. Depuis septembre 2023, il est conseiller spécial au Centre Grande Europe sur l’élargissement.

Spécialiste des affaires européennes, qu’il a enseignées à Sciences Po (Paris) et pour Boston College, engagé dans diverses actions pour l’Europe (EuropaNova, Comece, Maison Robert Schuman), il est l’auteur de Qu’avons-nous fait de l’Europe ? (éd. Salvator, 2013 – préface de Jacques Delors) et a co-écrit Faire l’Europe dans un monde de brutes avec Enrico Letta, paru en septembre 2017.

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Atlantico : Après la période électorale des européennes et alors que les 27 étaient réunis à Bruxelles pour fixer le cadre des principales nominations, qui seront les nouveaux visages politiques de l’Europe et les principales figures qui vont peser grâce à leurs décisions, notamment au sein des instances européennes ? Va-t-il y avoir de grands bouleversements ?

Sébastien Maillard : Le prochain sommet européen va se dérouler les 27 et 28 juin. Il est possible de s’attendre à une relative stabilité. Le scénario dominant est la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Le dîner des chefs d'Etat et de gouvernement lundi soir est allé dans ce sens. Ce sommet informel n'avait pas vocation à arrêter officiellement une décision. 

Cela devrait être décidé par la majorité des chefs d'Etat et de gouvernement qui doivent tenir compte des résultats des élections européennes. La droite est arrivée largement en tête lors du scrutin. Le PPE, le Parti populaire européen, fédère l'ensemble des partis de droite européenne classique, de droite de gouvernement. Ses représentants sont la CDU en Allemagne, Les Républicains en France, le Parti populaire en Espagne, Forza Italia en Italie, etc... Cette famille politique est arrivée en tête (répétition). Il est donc naturel que les dirigeants européens proposent une personnalité issue de cette famille politique pour la présidence de la Commission européenne. Au regard des résultats des élections européennes au suffrage universel direct, la démocratie a parlé. Ursula von der Leyen était la tête de liste de cette famille politique et candidate à sa réélection de manière ouverte. Une autre personnalité de son camp aurait pu être pressentie pour lui succéder mais aucune n'a émergé. 

La personnalité choisie, donc désignée par le Conseil européen, devra ensuite être élue par le Parlement européen dont les nouveaux 720 députés européens vont se réunir à Strasbourg dans la semaine du 16 juillet pour la séance inaugurale de leur mandat. 

Les députés européens sont très attachés à ce que la personnalité proposée soit la tête de liste. En 2019, la décision de ne pas nommer Manfred Weber, qui était pourtant tête de liste, a été perçue comme un affront par le Conseil européen vis-à-vis du Parlement européen. Il était le candidat désigné du PPE pour devenir président de la Commission européenne. Les Etats, sous l’impulsion notamment d’Emmanuel Macron, n'entendent pas se laisser dicter leur choix par le Parlement et ont décidé autrement en désignant Ursula von der Leyen, jugée plus apte au poste. Le Parlement européen supporte rarement qu'on lui impose un nom étranger. Comme il s'agit de la tête de liste du camp qui a triomphé aux élections, il est fort probable que Ursula von der Leyen soit reconduite.

Un vote sera programmé a priori le 17 juillet au Parlement européen sur le nom d’Ursula von der Leyen. Elle devrait avoir une majorité. La moitié des 720 députés européens plus un est le minimum nécessaire. Les sociaux-démocrates et les centristes libéraux ont fait savoir qu’elle pouvait compter sur leur soutien, même s'il ne devrait pas être unanime dans leurs rangs. 

Cela va garantir une certaine stabilité car cela permettra d’avoir la même majorité et la même coalition que dans le cycle législatif précédent.

Le programme et l’agenda stratégique avec lesquels elle se présente seront déterminants. Cela fait encore l’objet de discussions d'ici au 27 juin. La feuille de route qui donne les priorités pour les cinq prochaines années n’est pas encore clarifiée. Les discussions doivent surtout permettre de négocier avec Von der Leyen l'étendue du portefeuille qu'aura chaque commissaire européen et son rang.

D'ici au prochain sommet européen à Bruxelles, le 27 juin, les chefs d'Etat et de gouvernement vont essayer d'obtenir la meilleure place pour le commissaire issu de leur pays dans cette future commission. Les postes de commissaire au marché intérieur, à la concurrence sont traditionnellement très convoités mais aussi cette fois à l'élargissement et, si le poste est crée, à la défense. Seront-ils en mesure de négocier avec elle ? Est-ce que le portefeuille de l’élargissement sera attribué ? Même chose pour l'agriculture ou le commissaire à la santé ? Chaque pays essaye de ménager sa place au sein de cette future commission. Les tractations entre Ursula von der Leyen et les gouvernements vont se poursuivre puisque chaque dirigeant est en train de monnayer son soutien.

Quels seront les nouveaux visages ou les personnalités marquantes qui pourraient s'imposer politiquement en Europe de manière globale et transnationale ?

Ursula von der Leyen n’est pas un nouveau visage mais en tant que présidente de la Commission européenne, elle occupe le poste le plus décisif et le plus emblématique. Si elle est reconduite, elle incarnera d’autant plus le visage de l'Europe.

Les autres figures majeures sont notamment le président du Conseil européen, le Haut Représentant à la politique étrangère et de sécurité et le président du Parlement européen. Le président du Conseil européen réunit les chefs d'Etat et de gouvernement à tous les sommets européens et il est élu pour deux mandats, pour deux ans et demi renouvelables. Ce poste devrait être occupé normalement par l’ancien premier ministre portugais, Antonio Costa, qui est socialiste.

C’est la raison pour laquelle il n'y a pas eu de conclusions définitives encore sur les nominations lors du sommet informel en ce début de semaine. Les attributions de postes relèvent d'abord d'arbitrages et d'équilibres politiques au niveau européen. Si la présidente de la Commission est de droite, il faudrait que les autres familles politiques, donc les socialistes, les sociaux-démocrates et les libéraux obtiennent les deux autres postes. Le groupe des conservateurs présidé par Giorgia Meloni en est écarté car il n'est pas dans cette majorité.

Actuellement, le président du Conseil européen est Charles Michel et le poste de Haut Représentant aux affaires étrangères est occupé par le socialiste espagnol Josep Borrell. 

Il va y avoir des nouveaux visages dont a priori Antonio Costa, pour la présidence du Conseil européen. La première ministre estonienne Kaja Kallas devrait être la nouvelle chef de la diplomatie européenne. Ces choix respectent les équilibres politiques entre la droite, le centre droit, le centre gauche et les libéraux. Cela permet aussi d’avoir un équilibre dans la répartition entre les petits et les grands pays, entre l’Europe du Nord, du Sud et de l'Est. La parité est aussi respectée. 

Tous ces choix et ces nominations obéissent à différents paramètres. La décision concernant Kaja Kallas, nommer la première ministre estonienne à la tête de la diplomatie européenne, qui devra aussi être confirmée par le Parlement européen, est un choix fort en période de guerre, d'agression russe en Ukraine. Cela envoie un message à la Russie avec ce choix d’une dirigeante d'un pays frontalier de la Russie, très atlantiste.

Quels pourraient être les rapports de ces nouveaux visages politiques en Europe avec la France, selon les résultats des élections législatives dans l’Hexagone ?

L’impact et les conséquences des législatives pour la France en Europe sont assez difficiles à prévoir. Dans l'immédiat, les 81 députés européens français, les 81 eurodéputés français, ont été élus le 9 juin. Ils vont siéger à Strasbourg. François-Xavier Bellamy avait déjà indiqué qu’il voterait contre la candidature d’Ursula von der Leyen même si elle appartient à sa famille politique du PPE. Les 30 eurodéputés RN vont sans doute aussi voter contre. Ils vont se prononcer sur deux représentants mais ils ne vont pas voter pour la nomination d’Antonio Costa pour le poste de président du Conseil européen. Cette décision est prise seulement par définition entre les chefs d'Etat et de gouvernement. 

Il y aura également le poste de président du Parlement européen qui devra être attribué. Actuellement, il est occupé par Roberta Metsola. Elle devrait être reconduite pour deux ans et demi. Il appartient aux nouveaux députés européens d'en décider. 

Il y a eu 27 élections à travers chaque État membre. Au regard des résultats, le PPE est largement en tête. Les sociaux-démocrates sont arrivés en deuxième position. Ils ont fait de bons scores en Espagne, en Italie, en France. 

Les résultats des élections se traduisent et se reflètent dans des rapports de force issus de ces élections mais les législatives françaises n’auront pas un impact directement sur ces choix en Europe. Le gouvernement issu des législatives françaises aura un impact au Conseil de l'Union européenne. Mais sur les nominations et pour les postes clés en Europe, cela échappe aux résultats de ces futures législatives. Ce choix appartient au Conseil européen, donc au chef de l'État français qui y siège et aux députés européens qui ont été élus. 

Quels pourraient être les alliés de la France ailleurs en Europe ?

Au Conseil européen, le président Emmanuel Macron a perdu quelques alliés, plusieurs dirigeants qui appartiennent à la même famille politique, les premiers ministres du Benelux (Luxembourg, de la Belgique et des Pays-Bas) sont partis ou vont quitter leur poste et ne seront pas dans le prochain cycle et la future mandature.

L'allié naturel de la France est l'Allemagne mais ce partenaire a aussi été affaibli par ces élections. 

La France opère aussi un rapprochement avec la Pologne. Donald Tusk est renforcé par ces élections. 

Emmanuel Macron ne trouve pas forcément en Italie un allié naturel, comme du temps de Mario Draghi.

La clé va être au Conseil européen et au Parlement européen. L'influence française est en recul. La majorité présidentielle a beaucoup moins d’influence au sein du groupe centriste, où elle moins d’élus qu'avant. Les Républicains au sein du PPE sont très peu nombreux et sont marginalisés en étant hostiles à la candidature d’Ursula von der Leyen.

Les relais d'influence sont moins évidents pour la France. 

Les eurodéputés français du RN sont dans un groupe qui n’a pas de capacité d'influence. Un cordon sanitaire est mis en place pour l’empêcher d’accéder à des postes de responsabilité au sein du Parlement européen. Les députés RN, dans le cycle précédent, étaient très peu impliqués dans leur mandat. Les députés RN représentent une perte sèche d'influence pour la France. C'est l'effet d'un poids mort. 

La Commission européenne va proposer prochainement d’ouvrir une procédure de déficit excessif pour plusieurs pays à surveiller dont la France, l’Italie, l’Espagne ou la Belgique. La politique actuelle n’est-elle pas propice aux ajustements budgétaires nécessaires ? Et quelles pourraient être les conséquences de ces procédures budgétaires ?

Au moins dix pays sont concernés par la procédure pour déficit excessif que la Commission est tenue de mener en application des règles européennes du droit. Ces règles d'encadrement budgétaire avaient été suspendues pendant la période du Covid-19. Maintenant, elles reviennent en force. La dérive budgétaire française, notamment de sa dette publique, nous met en porte-à-faux vis-à-vis de ces règles. Ce qui importe, c’est de rendre crédible la politique budgétaire française vis-à-vis de la Commission européenne et de nos partenaires, de l'ensemble des autres pays européens, par une trajectoire pluriannuelle convaincante de retour d'un déficit budgétaire sous les 3 % du PIB français dans les prochaines années. La France actuellement compte atteindre cet objectif d’ici à 2027.

Les élections législatives auront un vrai impact sur cet engagement puisque, selon le budget, les promesses et les engagements du futur gouvernement français, d'autres dérapages budgétaires et financiers sont possibles. A cet égard, les projets du RN ou du Nouveau Front populaire sont de nature à inquiéter nos partenaires.

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