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Ces mauvais choix qui risquent de transformer les combats nécessaires pour les femmes en nouvelle guerre avec les hommes
©Reuters

#BalanceTonPorc & pénalisation du harcèlement de rue

Le magazine "Elle" se met en position de défense des femmes et met à l'honneur Marie Trintignant face à l’aveuglement masculin qui serait incarné par les "Inrocks", qui a récemment publié sa une sur Bertrand Cantat. Sur les réseaux sociaux et lors de débats médiatiques, de nombreuses polémiques ont enflé concernant les récentes polémiques sur les violences faites aux femmes.

Anne-Marie Le Pourhiet

Anne-Marie Le Pourhiet

Anne-Marie Le Pourhiet est professeur émérite de droit public.

 

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Peggy Sastre

Peggy Sastre

Peggy Sastre est écrivaine et traductrice. Elle est l'auteure de "Ex Utero : pour en finir avec le féminisme" et de "La domination masculine n'existe pas".

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Atlantico : Les polémiques de ces dernières semaines autour de Bertrand Cantat, de Harvey Weinstein, du harcèlement de rue (etc...) et surtout la manière dont elles sont traitées à la fois politiquement et médiatiquement risquent-ils d’aggraver les tensions entre femmes et hommes ?

Peggy Sastre : Je pense qu'il faut faire attention aux biais de sélection et à l'effet de loupe. Les « affaires » Cantat/Inrocks et Weinstein révèlent avant tout combien nos sociétés tolèrent de moins en moins la violence en général et la violence sexuelle en particulier, et donc que les tensions entre hommes et femmes s'apaisent. Il n'y a pas encore si longtemps, on portait au pinacle intellectuel un tueur conjugal comme Louis Althusser, son crime étant même présenté comme une sorte de preuve de son génie philosophique, de sa « vraie » radicalité, etc. Il convient donc de jauger du chemin parcouru et, au sens propre, il se mesure : les violences interpersonnelles (sexuelles comme non sexuelles) diminuent plus que significativement depuis cinquante ans, les délinquants et les criminels sexuels sont surreprésentés dans le système pénal et « dénoncer son porc » n'a jamais été aussi simple pour les victimes et notamment pour les femmes. Maintenant, c'est peu de dire que je me méfie des flambées de justice populaire alimentées par les réseaux sociaux, qui ressemblent davantage à des cérémonials d'endolorissement tribal et/ou de purification vertueuse. C'est ce que raconte, entre autres, Jonathan Haidt : nous sommes passés d'une culture de la dignité – où il fallait « serrer les dents », ne pas « s'effondrer », etc. – à une culture de la victimisation – je souffre donc je suis – où toutes les atteintes se valent dès lors qu'elles ciblent une sibylline « dignité ». La première avait sans doute ses défauts, mais elle était au moins cohérente avec une réalité psychologique : la résilience et a fortiori l'oubli sont bénéfiques pour la santé mentale. À l'inverse, brandir ses traumatismes comme des marqueurs identitaires voire des légions d'honneur, toujours tout le temps tirer les croûtes et jeter du sel sur les plaies quitte à s'en ouvrir pour l'occasion, cela ne sert pas à grand-chose à part induire un syndrome de Münchhausen collectif, pour reprendre la formule de Gad Saad, et générer des biais de perception. Mais un ressenti n'a jamais été un fait. Et j'espère que notre gouvernement, qui s'est fait notamment élire en promettant un ravalement des Lumières, saura raison garder.

Anne-Marie Le Pourhiet : Il me semble que Bertrand Cantat et sa femme devaient former un couple passionnel et violent, façon Richard Burton et Liz Taylor, usant sans doute d’alcool ou stupéfiants, et que le crime fût constitué de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Il est donc logique que B. Cantat sorte de prison et qu’il reprenne normalement sa vie d’artiste et ses chansons gauchistes puisqu’il ne sait faire que ça. Dès lors qu’il a exécuté sa peine, je ne vois pas pourquoi il serait éternellement ostracisé et n’aurait pas le droit d’être réhabilité comme tous les autres délinquants.J’avais été fort choquée de voir un jour Nadine Trintignant venir sur un plateau de télévision en compagnie de sa fille pour y parler de ses avortements. Je trouvais cela d’une extrême violence de la part d’une mère. Celle de Verlaine lui montrait les bocaux contenant les fœtus de ses fausses couches ….Pour les féministes, seule Jacqueline Sauvage a le droit de rentrer chez elle après avoir tué son mari de trois balles dans le dos. Voilà donc la justice selon « Elle ».

Le hashtag « Balance-ton-porc » est immonde. Les réseaux sociaux sont la poubelle de la société où se retrouvent tous les abrutis, les ignares, les incultes, les hystériques, les poissonnières et les goujats enragés. Toute la laideur et la vulgarité du monde contemporain apparait là, avec son fanatisme, sa cruauté et sa bêtise.

Certaines femmes semblent considérer que l’ampleur du phénomène des violences ou des abus sexuels sont finalement consubstantielles à la nature masculine et/ou à notre culture ou aux structures patriarcales et machistes de notre société. En mettant d’un côté les femmes victimes et de l’autre des hommes coupables putatifs au moins par leur acquiescement ou leur aveuglement, n’est-on pas face à une posture toujours plus radicale d’un certain féminisme qui veut surtout faire voler tous les systèmes de pensée en éclats ?

Anne-Marie Le Pourhiet Bien sûr que ce néo-féminisme radical version queeret « idéologie du genre » est tout entier fondé sur la haine du masculin et le mépris du mâle hétérosexuel blanc. Vous constaterez que le harcèlement homosexuel, féminin et masculin, n’est jamais abordé alors qu’il est particulièrement violent et pervers. Mais cela n’intéresse pas les féministes qui préfèrent occulter tout ce qui tend à relativiser leur cause. L’on observe aussi une tendance bizarre à occulter les principaux responsables des incivilités « de rue » qui sont évidemment les jeunes « issus de l’immigration ». Cela rappelle tout-à-fait l’omerta de la police allemande lors de la Saint-Sylvestre à Cologne. Il y aurait pourtant une réflexion approfondie à mener sur le sexuel dans les rapports Occident/Orient. Houellebecq a bien « senti » quelque-chose qu’il va falloir se décider à regarder et qui n’est pas forcément à l’avantage des évolutions de la société occidentale, bien au contraire. Il y a dans « Soumission » une interpellation profonde de ce que nous, occidentaux, sommes en train de devenir et qui provoque chez l’« autre » la peur panique de la contamination. Nous ne sommes peut-être pas si beaux à voir ni vraiment désirables.

La posture des harpies atteintes de la « fièvre cafteuse » (Philippe Muray)n’est pas seulement radicale et hypocrite, elle est aussi parfaitement idiote. À la fin du film « Les invasions barbares » le groupe d’intellos canadiens qui discute en accompagnant l’agonie de l’un des siens énumère tous les « ismes » auxquels ils ont adhéré (séparatisme, indépendantisme, tiers-mondisme, anti-colonialisme, marxisme, existentialisme, structuralisme, maoisme etc…)  et le héros ajoute le « crétinisme » en racontant comment ila vanté les mérites du régime communiste à une superbe Chinoise dont toute la famille avait été exterminée par la Révolution culturelle … Je crois que nous sommes arrivés depuis quelques temps, par le truchement du néo-féminisme et du militantisme LGBT, au fond du trou du crétinisme et j’ignore si nous pourrons nous relever d’une pareille déchéance.

Peggy Sastre : Oui, et on en a encore eu l'illustration avec le débat Laurent Bouvet / Caroline de Haas sur BFM. À un moment, la seconde dit son étonnement ironique face aux commentaires d'hommes qui ont eu l'impression qu'on parlait d'eux avec le « balance ton porc » et qui se sont sentis obligés de répondre par « mais moi je ne suis pas comme ça » – elle sous-entendait très fortement : c'est peut-être que vous avez quelque chose à se reprocher. Sauf que la même personne va nous expliquer que la dignité de toutes les femmes est en jeu lorsqu'on voit une bretelle de soutien-gorge dans une pub du métro ou qu'un bout de contre-plaqué en forme de Betty Boop est installé sur un rond-point.  Pourquoi tourner en ridicule le « concernage » dans un cas et pas dans l'autre ? Où est la logique ? Quand vous êtes un chevalier du bien – voire une bureaucrate du bien, dans le cas de de Haas –, vous n'en avez pas besoin et vos constructions idéologiques primeront toujours sur la réalité (et en cas de conflit, c'est la réalité qui se trompe). Une grosse partie du féminisme contemporain s'est malheureusement fossilisé dans une forme de théorie du complot paranoïaque, avec des menaces « systémiques » dont le centre est partout et la circonférence nulle part. C'est en effet tout à fait nocif pour la pensée, mais je ne crois pas que cela soit très représentatif.

Comment lutter contre les agressions sans tomber dans une espèce de radicalité ? La représentation des rapports hommes femmes que l'on est en train de mettre en place ne risque r elle pas de faire plus de mal que de bien ?

Peggy Sastre :Face aux violences sexuelles, certaines féministes ont en effet à peu près le même rapport que Mère Teresa avait face à la pauvreté : elles n'ont aucun intérêt à ce que cela disparaisse, donc tout ce qui peut envenimer les rapports hommes femmes est bon à prendre. C'est tout le paradoxe du militant, qui explique cette hystérie du dernier détail que l'on observe chez pas mal de féministes, dont certaines parmi les plus « radicales » vont jusqu'à vous expliquer que « le patriarcat » débute dès les « sales regards » des mecs. Mais c'est une façon de voir les choses délirante et surtout ignorante de faits assez basiques de notre nature humaine – nous sommes une espèce sexuée, avec un fort différentiel d'investissement parental minimal entre mâles et femelles, ce qui incite les hommes à être tendanciellement moins discriminants dans leurs choix sexuels que le sont en moyenne les femmes. Dès lors, il est nécessaire de revenir à cette base biologique et de voir que le gros des conflits entre hommes et femmes a comme moteur et motif le sexe et que le gros des luttes de pouvoir tourne autour de la sexualité et de la maîtrise du marché sexuel. Et de se mettre dans le crâne que cela ne justifie ni ne disculpe en rien les violences sexuelles – au contraire, cela permet de mieux les comprendre et donc de mieux les combattre. La lecture féministe orthodoxe des violences sexuelles inverse le rapport de causalité, en faisant du sexe un outil du pouvoir, sauf que les hommes harcèlent, agressent et violent parce qu'ils veulent baiser et le pouvoir maximise leurs chances de parvenir à leurs fins. C'est le pouvoir qui est un outil du sexe. Et en face, les femmes savent aussi depuis des millions d'années que le sexe peut être une monnaie d'échange. Dans l'affaire Weinstein, j'aurais par exemple beaucoup aimé qu'on mette aussi en avant les femmes qui ont couché pour réussir en toute connaissance de cause et sans le regretter une seconde – ça serait un sacré signal d' « empowerment ». Apprendre aux femmes à dire non, c'est merveilleux, mais j'aimerais aussi qu'on leur fasse comprendre qu'il n'y a aucun mal à dire oui et que cela peut même leur être parfaitement bénéfique. Nous vivons aujourd'hui un retour du puritanisme que je trouve vraiment très préoccupant.

Anne-Marie Le Pourhiet Nous avons évidemment tout ce qu’il faut dans le code pénal pour réprimer les insultes proférées à l’égard de quiconque dans la rue. L’injure publique est un délit et l’injure privée est une contravention. Nul besoin d’aller inventer une infraction supplémentaire de harcèlement pour sanctionner, s’il le faut, les grossiers personnages qui traitent les femmes de « pute » ou de « salope » sur les voies publiques. Quant à ceux qui se livrent à des violences, attouchements ou baisers forcés, il s’agit évidemment aussi d’agressions déjà punies par la loi. Reste à savoir quel est l’intérêt de porter plainte si les femmes estiment avoir autre chose à faire que de  remplir des paperasses dans un commissariat. Franchement, tant qu’il n’y a pas de violence ou d’agression, je me suis toujours totalement fichue de ce que racontent les dragueurs de rue ou de terrasses de café, certains m’amusent même beaucoup et me mettent de bonne humeur. Mais ce qui est effarant c’est de constater que les associations militantes et sectaires qui dictent la loi aux pouvoirs publics veulent faire rentrer dans un délit de harcèlement le fait de « siffler » une femme, de « faire un commentaire sur son physique ou sa tenue », de lui « imposer sa présence », de « prendre son refus pour de la timidité » (?) ou encore de la « regarder avec insistance » ou de lui dire « Mademoiselle vous êtes charmante » !!!L’on comprend bien que ces grincheuses ont en réalité la haine de la séduction hétérosexuelle et rêvent de nous couper de notre moitié. Il faut les ignorer. Personnellement ma seule « souffrance au travail » est de voir le droit français s’abimer, se radicaliser et se ridiculiser sous l’effet de tous ces militantismes imbéciles et sectaires.

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